Le président algérien Abdelmadjid Tebboune s'est exprimé pour la première fois sur les récentes visites de hautes personnalités françaises à Laâyoune et Dakhla, au Sahara marocain. Mais derrière un ton faussement apaisé, ses propos traduisent une contrariété mal dissimulée, que même la rhétorique présidentielle n'a pu entièrement voiler. Interviewé par des médias algériens, Tebboune s'est gardé de qualifier de « provocation » la visite, en février, de la ministre française de la Culture, Rachida Dati, et du président du Sénat, Gérard Larcher, dans les provinces du Sud marocain. Une posture en apparence mesurée, en net contraste avec les réactions outrées de son propre ministère des Affaires étrangères, qui avait dénoncé une « grave dérive » et un « mépris du droit international ». Dans la foulée, l'Assemblée populaire nationale décidait unilatéralement de suspendre sa coopération avec le Sénat français, en guise de représailles contre le déplacement de Larcher. Lire aussi : Sahara marocain : fin de partie pour la MINURSO ? Mais Tebboune, tentant visiblement de reprendre la main sur une crise diplomatique qu'il ne contrôle plus vraiment, a opté pour une ligne plus nuancée – en façade du moins. Il admet que les relations franco-marocaines sont anciennes, profondes, et remontent bien avant l'indépendance de l'Algérie : « Cela ne nous dérange pas », affirme-t-il. « Il n'y a aucune raison d'inventer un conflit entre l'Algérie et la France à cause de leurs liens avec le Maroc. » Derrière cette tentative d'apaisement, pourtant, le président algérien ne peut s'empêcher de glisser quelques piques à l'encontre de Paris. Il rappelle que l'idée d'une autonomie du Sahara est, selon lui, « une invention française » : « Nous ne sommes pas naïfs. Nous savons que cette proposition d'autonomie vient à l'origine de la France, bien avant que le Maroc ne s'en empare. » Une manière à peine voilée de reprocher à l'Elysée son alignement sur les positions marocaines. Et Tebboune d'aller plus loin, accusant Paris de s'écarter des principes du droit international et de troubler la neutralité onusienne : « Ce parti pris flagrant ne nous dérange pas seulement, il dérange aussi les Nations Unies et le droit international. » Le président algérien, qui tente tant bien que mal de conserver une stature présidentielle, laisse transparaître les fissures d'une diplomatie algérienne de plus en plus isolée sur la scène saharienne. Sous couvert de modération, Tebboune exprime en réalité une profonde frustration. En creux de ses propos, on perçoit la peine d'une Algérie reléguée au second plan dans les calculs stratégiques de Paris, laquelle semble désormais privilégier sans ambages le partenariat avec Rabat. Le président algérien, qui dénonçait autrefois les « relations spéciales » que la France prétend entretenir avec l'Algérie, constate amèrement qu'en pratique, c'est bien le Maroc – et dans une moindre mesure la Tunisie – qui bénéficient des faveurs de l'Hexagone. Si Tebboune tente de lisser la ligne officielle et d'atténuer les relents belliqueux de son appareil diplomatique, sa posture ne convainc guère. À l'évidence, les gestes français au Sahara irritent Alger au plus haut niveau. Et derrière des déclarations, la colère demeure, profonde et tenace. Mais le Sahara reste marocain.