Pour social qu'il prétend être, le projet de Lois de Finances 2019 (PLF 2019) a savamment ignoré une population de 2.300.000 Marocains. En effet, les personnes en situation d'handicap semblent maintenues à la marge. Si l'Etat ne respecte pas ses engrangements envers cette catégorie, que dire du reste de la société ! Sur 25.208 postes budgétaires qui seront créés en 2019 (Sans oublier les 700 prévus au niveau du ministère de l'Education nationale destinés à la régulation des professeurs-assistants), seuls 200 seront consacrés aux personnes en situation d'handicap. Nous sommes vraiment loin des 7% des postes budgétaires que l'Etat est dans l'obligation de réserver à cette catégorie, largement stigmatisée de la naissance jusqu'à l'insertion sociale et professionnelle. Alors pour un projet de Loi de Finances 2019 qui prétend être social, l'on peut dire qu'il fait vraiment fi des engagements du Maroc et semble ignorer les récentes orientations royales. Ou encore lorsque le Roi évoque l'adoption de réformes, de mesures économiques et sociales visant à améliorer les conditions du vivre-ensemble en faveur de tous les Marocains et à réduire les inégalités sociales et spatiales, dans son discours à l'ouverture de la session d'automne. Mais ce n'est là que la partie visible de l'iceberg puisqu'hormis l'insertion dans le marché du travail, le PLF ne contient aucune mesure en faveur des personnes en situation d'handicap. Une situation que déplore Youssef Errkhis, le Président de l'Association Amal marocaine des handicapés : « Effectivement, sur les 25.000 postes budgétaires créés par le PLF 2019, seuls 200 seront réservés aux handicapés contre 1.000 postes en réalité qui devaient leur être réservés. Quand c'est l'Etat même qui ne respecte pas les 7% des postes à pourvoir dans la fonction publique en faveur des handicapés, cela démontre tout le gap entre les slogans qu'on nous lance par ci et par là et la réalité. Cette réalité veut qu'il n'existe aucune volonté politique ne serait ce que pour faire appliquer l'article 34 de la Constitution ». Cet article dispose que « Les pouvoirs publics élaborent et mettent en œuvre des politiques destinées aux personnes et aux catégories à besoins spécifiques. A cet effet, ils veillent notamment à : – traiter et prévenir la vulnérabilité de certaines catégories de femmes et de mères, d'enfants et de personnes âgées ; – réhabiliter et intégrer dans la vie sociale et civile les handicapés physiques sensorimoteurs et mentaux, et faciliter leurs jouissance des droits et libertés reconnus à tous ». Il y a lieu également de souligner que la loi n° 97-13 du 27 avril 2016 relative à la protection et à la promotion des personnes en situation de handicap qui est largement non respectée par défaut de textes d'application rigoureux. A cet effet, le Conseil national des droits de l'Homme consulté au sujet de cette loi avait formulé plusieurs recommandations pour en assurer l'effectivité, notamment l'introduction d'une disposition qui consacre l'engagement des pouvoirs publics à appuyer les personnes en situation de handicap en matières d'auto-emploi, de recherche d'emploi, de maintien dans l'emploi et de retour à l'emploi. Dans le même sens, le CNDH recommande de renforcer l'article 16 du projet de loi-cadre, par deux dispositions qui doivent orienter les politiques d'inclusion des personnes en situation de handicap dans le marché du travail. Dans le même sens, le CNDH recommande d'ajouter deux dispositions qui doivent orienter les politiques d'inclusion des personnes en situation de handicap dans le marché du travail. La première disposition concerne la mise en œuvre de programmes d'action positive et de mesures incitatives pour encourager l'emploi des personnes en situation de handicap dans le secteur privé et la deuxième disposition doit consacrer le principe de l'obligation de l'employeur (quel que soit son statut public, semi-public ou privé) d'apporter des aménagements raisonnables aux lieux de travail en faveur des personnes handicapées. Enfin, le CNDH avait recommandé de consacrer l'engagement des pouvoirs publics à développer des normes nationales concernant les entreprises et les organismes d'emploi handi-accueillants. Malheureusement, il ne semble pas que ces recommandations aient trouvé écho sur le terrain de la réalité auprès des pouvoirs publics que dire auprès du secteur privé. Pourtant, les exemples à suivre et à copier son légion notamment en France où «Tout employeur occupant au moins 20 salariés est tenu d'employer à plein temps ou à temps partiel des travailleurs handicapés dans une proportion de 6 % de l'effectif total de l'entreprise. Les établissements ne remplissant pas (ou en partie) cette obligation doivent s'acquitter d'une contribution au fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées ». Mais pour Youssef Errkhis, il ne faut pas se bercer d'illusions : « Si le gouvernement ne donne pas lui-même l'exemple, comment en vouloir au privé ? Le secteur privé peut jouer un rôle primordial dans l'insertion professionnelle des handicapés, mais il faut que l'Etat affiche la volonté de l'accompagner avec les mesures et les incitations nécessaires pour le motiver. La démarche est simple, nous voulons que le Chef de gouvernement associe la CGEM à un travail pour étudier toutes les voies pouvant développer l'insertion de cette catégorie qui compte 2.300.000 Marocains. Mais je le dis et je le répète, c'est une question de mentalité et de volonté : Quand un handicapé ne peut même pas accéder à une administration faute d'infrastructure adéquate, quand un handicapé se voit squatté sa place de parking dans les grandes surfaces... cela démontre du chemin de croix qu'endurent les handicapés au Maroc... ». Il est important d'attirer l'attention sur l'existence d'un projet du plan d'action national pour la promotion des droits des personnes en situation d'handicap, l'occasion de souligner que le département de la Famille, de la Solidarité, de l'Egalité et du Développement social qui le chapeaute a été le triste théâtre du décès d'un non-voyant le 8 octobre dernier qui était en sit-in dans les locaux de Bassima Hakkaoui. Ce décès met à nu le triste vécu des handicapés en sit-in depuis plusieurs années pour leurs droits face à l'indifférence quasi-totale de la société et des pouvoirs publics à leur tête cette ministre sensée les défendre. Les personnes en situation d'handicap ça fait beau d'en parler le 3 décembre, journée Mondiale des handicapés. Passée cette date et une fois éteints les projecteurs des caméras, ces Marocains autant que vous et moi, livrés à eux-mêmes sombrent dans des problèmes interminables, allant d'un regard réducteur de leurs concitoyens, à un manque de volonté politique qui les prennent ainsi que leurs rêves à une vie digne en otage.