Une loi-cadre relative à la protection et à la promotion des droits des personnes en situation de handicap vient d'être publiée au Bulletin Officiel. Son apport principal est qu'elle met en place les fondements d'un système moderne à même de prendre en charge cette problématique dans sa globalité. par CHENTOUF ABDELHAFID La dynamique que connaît la question des personnes en situation de handicap depuis quelques années, s'est couronnée par l'adoption d'une loi-cadre dont les dispositions sont en phase avec l'esprit de la constitution de 2011 et les conventions internationales ratifiées par le Maroc. Cette fois, l'approche est différente, elle est globale et fait des droits de l'homme le fil conducteur de tout le dispositif. Compte tenu de la complexité de la problématique et de son ampleur, toute démarche fragmentaire est vouée à l'échec. Le handicap au Maroc touche plus de 1.500.000 personnes -soit environ 5% de la population- et une famille sur quatre, selon les résultats de l'enquête nationale menée en 2014. C'est dire qu'il s'agit d'un chantier de longue haleine nécessitant des efforts colossaux et la participation de toute la collectivité nationale. Ceci est dit clairement par la loi-cadre qui précise que la réalisation des objectifs qu'elle fixe est une responsabilité nationale qui incombe à l'« Etat, à la société et au citoyen ». Quels sont ces objectifs ? Au-delà de la protection et de l'insertion des handicapés dans la société, la loi- cadre met l'accent sur deux autres objectifs d'une extrême importance. Le premier est la protection des droits et des libertés des personnes en situation de handicap. Il s'agit là d'un aspect qui pose vraiment problème dans notre société ; les droits et libertés des handicapés ne sont pas toujours respectés. Si la pauvreté et «l'ignorance» y sont pour beaucoup, il faut qu'on admette que notre regard sur le handicap doit changer en profondeur. Ceci n'est possible qu'à travers l'évolution des mentalités sous le double effet de la sensibilisation et de l'éducation. Le second objectif porte sur la prévention du handicap. En retenant cet objectif, le législateur marocain indique l'une des meilleures voies de s'attaquer aux causes du handicap. A ce niveau aussi, la difficulté réside dans la multiplicité des intervenants, car pour y arriver les actions à mener ne concernent pas un seul domaine ou un seul secteur. Dans ce cadre, on peut citer à titre indicatif : l'amélioration des pratiques nutritionnelles et des services de santé (dépistage et diagnostic précoces, soins prénatals et postnatals…), la réduction des accidents de travail et des accidents de circulation et l'amélioration de la situation culturelle, économique et sociale des couches les plus défavorisées. En bref, c'est toute une stratégie de prévention du handicap dont la mise en oeuvre reste tributaire de la volonté politique des principaux acteurs et aussi du rythme de développement économique du pays. Pas de limite d'âge pour le bénéfice des allocations sociales Outre la définition des objectifs, la loi-cadre sur le handicap fixe les principes qui doivent être observés par les pouvoirs publics dans l'élaboration et l'exécution des politiques sectorielles ou intersectorielles. Ces principes qui s'inspirent de l'article 34 de la Constitution et des conventions internationales sont : la non discrimination sur la base du handicap, la garantie de la participation des handicapés à toutes les activités, l'égalité des chances, la facilitation d'accès à tous les espaces et services publics, l'égalité entre les hommes et les femmes en situation de handicap et enfin, le respect des capacités des enfants handicapés et de leur droit à la préservation de leur identité. Parallèlement, la loi-cadre édicte d'ores et déjà des règles pour améliorer les conditions de vie des personnes en situation de handicap. En matière de protection sociale et de couverture médicale, il est prévu que le critère de l'âge pour le bénéfice des allocations servies par les régimes de couverture sociale ne s'applique pas aux parents d'enfants handicapés. De même, les personnes handicapées, bénéficient dans les conditions qui seront définies par voie réglementaire, de prestations de diagnostic, de traitement, de kinésithérapie et des appareils techniques que nécessite leur état de santé. Par ailleurs, il sera créé au niveau des établissements de formation des disciplines et spécialités médicales et paramédicales dans le domaine du handicap. De même, les établissements de formation professionnelle seront chargés de développer des compétences en relation avec la fabrication et le montage des appareils destinés aux handicapés. Des comités régionaux pour suivre l'éducation des personnes handicapées En matière d'éducation, la loi-cadre consacre le droit à l'éducation des personnes handicapées ; «l'handicap ne peut pas être une cause pour ne pas bénéficier de ce droit ou pour limiter son exercice». Dans le même cadre, l'Etat est chargé de prendre les mesures incitatives pour encourager la création d'établissements spécialisés dans l'éducation des enfants handicapés qui ne sont pas en mesure de suivre leur formation dans les autres établissements. Pour assurer le suivi de leur éducation, des comités régionaux seront créés au niveau des académies régionales de l'éducation et de la formation. Un pourcentage de postes réservés aux handicapés dans le secteur public Concernant l'insertion professionnelle des handicapés, les apports sont nombreux. La loi consacre le principe selon lequel il n'est pas permis de priver une personne handicapée de son droit au travail, lorsqu'elle répond aux conditions requises. Dans le secteur public, un pourcentage de postes sera réservé chaque année aux personnes handicapées. S'agissant du secteur privé, ce pourcentage sera arrêté dans un cadre conventionnel entre l'Etat et les entreprises privées... Reconnaissance du droit de priorité et d'égalité des chances Sur un autre plan, un droit de priorité et d'égalité des chances est reconnu en faveur des personnes handicapées. Il leur permet de bénéficier notamment, de la priorité d'accéder aux guichets des administrations et des services publics et au logement dans les internats, les cités universitaires et les établissements de «protection sociale ». Dans le domaine politique, la loi cadre prévoit que les handicapés, bénéficient de la capacité totale pour l'exercice de leurs libertés et de leurs droits civils et politiques. L'Etat est ainsi chargé de prendre toutes les mesures organisationnelles pour leur garantir la possibilité de participer à la vie politique sur un pied d'égalité avec les autres citoyens. Dernier point mais non des moindres : l'accessibilité. Les pouvoirs publics sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les édifices, les moyens de transport et les services de communication soient accessibles aux personnes en situation de handicap. Cette disposition s'applique aussi aux bâtiments et espaces ouverts au public déjà existants à la date de l'entrée en vigueur de la loi.