Ecrit par Lamiae Boumahrou | 2023 sera marquée par la généralisation des allocations familiales et le lancement du RSU. La question qui s'impose : quid de la Caisse de compensation dont la réforme est étroitement liée au lancement de ces 2 chantiers. Le gouvernement prévoira-t-il une réforme dès 2023 pour financer ces chantiers ? Parmi les priorités du projet de Loi de Finances 2023 (PLF2023), le renforcement des bases de l'Etat social qui repose, entre autres, sur la mise en œuvre du chantier de la généralisation de la protection sociale. Un chantier social qui va dès lors entamer la 2ème étape de la 1ère phase à savoir la généralisation des allocations familiales. Ainsi près de 7 millions d'enfants issus de familles vulnérables et pauvres et 3 millions de foyers sans enfants en bénéficieront selon une nouvelle approche basée sur l'aide directe ciblant les catégories éligibles à ces allocations. Cette étape est, toutefois, conditionnée par la mise en place du Registre social unifié (RSU), principal mécanisme d'octroi de cette aide et garant de son efficience. Raison pour laquelle le gouvernement a placé l'accélération de la mise en place de ce mécanisme en priorité du PLF2023. Nous sommes toutefois interpellés de constater l'absence de toute mention sur la réforme de la caisse de compensation dans la lettre de cadrage du PLF2023 adressée par le Chef du gouvernement à son équipe le 3 août. Et pourtant le chantier de la généralisation de la couverture sociale ainsi que le lancement du RSU sont étroitement liés à cette réforme. Faut-il rappeler que le chantier de la généralisation va nécessiter un budget de 51 Mds de DH par an dont 23 Mds de DH doivent être financés par l'Etat. Faut-il rappeler également que la première étape du chantier à savoir la généralisation de l'assurance maladie obligatoire (AMO) et la généralisation des allocations familiales (2022-2023) coûteront respectivement 14 Mds de DH et 20 Mds de DH soit 45 % du budget total du chantier. Faut-il rappeler que la loi cadre sur la protection sociale stipule dans l'article 13 que les ressources de la caisse de compensation vont servir à financer ledit chantier. Donc si le gouvernement ne compte toujours pas crever l'abcès de la compensation, comment compte-t-il financer ce méga chantier ? Comment compte-t-il mobiliser sa part des 20 Mds de DH nécessaires pour la généralisation des allocations familiales prévue en 2023 ? A moins que le gouvernement dispose d'une baguette magique, il nous semble que l'aboutissement de ces 2 chantiers risque de buter sur certains écueils notamment d'ordre financier. Jusqu'à quand le gouvernement continuera-t-il à fuir l'inévitable ? La caisse de compensation est une véritable épée de Damoclès pour l'économie marocaine. Depuis le temps que l'on parle de la réforme, aucun n'a osé y toucher. Prévue dans la PLF2022, le gouvernement a dû faire marche arrière en raison de la crise sanitaire. En effet, l'ancien ministre des Finances, Mohammed Benchaâboun avait présenté le 28 juillet 2021, devant les Commissions des Finances des deux chambres du Parlement, le PLF 2022 qui prévoyait une réforme de la caisse. Une réforme qui devait démarrer en 2022 et s'achever en 2024. Sauf que Benchaâboun s'était rapidement rétracté et supprimé la réforme des priorités du PLF 2022 en raison de la crise sanitaire qui n'offrait pas un cadre propice pour entamer une réforme d'une telle ampleur. Depuis le gouvernement n'en parle plus. Malheureusement, les crises se succèdent. La pandémie du Covid s'est suivie d'une crise beaucoup plus grave sur le plan économique à savoir la guerre en Ukraine qui a déstabilisé l'ordre mondial et perturbé le commerce international. Conséquences, flambée des prix des matières premières, pénurie des produits, perturbations des chaînes d'approvisionnement… Pour y faire face, le gouvernement marocain a dû recourir à la caisse de compensation dont les charges ont dépassé 96% des crédits ouverts au titre de la Loi de finances (LF-2022) à fin juin. Certes la caisse a joué un rôle important dans la préservation de la stabilité des prix des produits de base, en particulier le gaz butane, le blé tendre et le sucre. Mais jusqu'à quand? Attendre que la conjoncture soit plus propice dans un contexte où plus rien n'est sûr, où les Etats ne peuvent plus se projeter à long terme, où les prévisions tombent rapidement à l'eau…, c'est prendre le risque de retarder une réforme qui pèse de plus en plus sur le budget de l'Etat. Le gouvernement avait pourtant été interpellé sur la question par les parlementaires de la nation en juin dernier. Répondant à une centrale à la Chambre des Conseillers sur la Caisse de compensation au nom du ministre délégué chargé du Budget, Fouzi Lekjaa, le ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas avait précisé que les conditions actuelles ne permettent pas d'engager une réforme de cette caisse, en particulier avec les récents bouleversements imprévisibles des prix et le souci du gouvernement pour préserver le pouvoir d'achat des citoyens. Sauf que cette caisse subventionne aussi bien les riches que les pauvres. Et c'est là où le bât blesse. La subvention n'est pas orientée vers la vraie cible. Ce qui est contre le principe de l'équité sociale. Ceci dit, il faudra attendre la présentation du projet de Loi des finances 2023 pour en savoir plus sur les intentions du gouvernement sur la réforme de la compensation. Wait and see !