Ecrit par Imane Bouhrara | Ce 14 septembre démarre le 2e round du dialogue social, dans un climat plutôt apaisé, à charge pour le gouvernement de maintenir l'esprit qui prévaut actuellement. En effet, si l'accord social tripartite signé le 30 avril s'est concrétisé par la hausse du SMIG et du SMAG dans le délai imparti, conformément à l'engagement pris et respecté par la CGEM, les choses sérieuses commencent : l'élaboration de la loi sur la grève et l'amendement du Code du travail. Décryptage avec Hicham Zouanat, Président de la Commission sociale de la CGEM. Les deux années de crise dues à la pandémie et celle découlant de la guerre en Ukraine, ont-elles finalement réussi à réduire le clivage entre patronat et syndicats ou est-ce l'effet de l'accord social conclu en avril dernier ou encore l'engagement du gouvernement de faire aboutir le dialogue social... ? Une chose est sûre : la rentrée sociale se fait dans un climat qui semble apaisé, notamment avec l'annonce de l'augmentation du SMIG et du SMAG, conformément à l'accord paraphé et selon le timing établi. Ou bien les syndicats et patronats se regardent-ils en chiens de faïence, attendant le 14 septembre, date du 2ème round du dialogue social pour lancer les hostilités ? En effet, il s'agira d'une véritable épreuve pour le gouvernement afin de maintenir l'esprit qui prévaut alors que les sujets qui fâchent sont juste devant nous. Un enjeu de taille que les différentes parties prenantes appréhendent puisqu'il faudra parvenir à un consensus en ligne avec les engagements signés dans l'accord social. La CGEM a ainsi été la première à respecter sa part du contrat en concrétisant son engagement pour cette première tranche de l'augmentation du SMIG et du SMAG. Et autant dire que ce n'était pas gagné. Cette augmentation intervient dans un contexte marqué d'un côté, par une hausse des matières premières et de différents intrants, des difficultés nombreuses pour le tissu économique et donc pour les entreprises et de l'autre côté, d'une hausse du coût de la vie, une érosion du pouvoir d'achat des ménages et un maintien de la pression fiscale sur les salariés. « Nous avons tenu notre engagement. Il est important pour nous que les autres parties respectent également leurs engagements selon le calendrier fixé, à savoir le projet de la loi sur la grève avant le 1er janvier 2023, et l'amendement du Code du Travail avant le 1e juillet 2023. Nous avons honoré notre engagement et nous sommes fiers d'avoir contribué autant soit peu à atténuer la pression sur les ménages compte tenu du contexte de crise », souligne Hicham Zouanat, le Président de la Commission sociale de la CGEM. Et d'ajouter : « Je rappelle qu'il y a une forte pression sur les finances des PME et PMI ainsi que les grandes entreprises en raison de l'envolée des prix des matières premières, l'énergie... des intrants qui pénalisent le tissu économique national. Mais malgré cela, nous avons respecté notre engagement et nous attendons à ce que les chantiers de réforme du Code du Travail et l'élaboration d'un projet de loi sur la grève soient immédiatement enclenchés ». Patronat et syndicats les plus représentatifs se retrouveront donc ce 14 septembre, à l'invitation du gouvernement, à prendre part au 2e round du dialogue social. Et autant dire que les choses sérieuses commencent puisqu'il s'agit de trouver un consensus pour avancer sur le volet réglementaire. Dans quel état d'esprit ? Apaisé ? « Il y a plutôt une prédisposition positive des trois parties due certainement au rôle joué par ce nouveau gouvernement puisque les centrales syndicales ne sont plus braquées et sont ouvertes à négocier du contenu de ces projets de lois. Entre nous, au niveau central des syndicats, il n'y a jamais eu de ponts coupés ou des divergences béantes parce qu'on n'est pas encore entré dans le vif du sujet », soutient le Président de la Commission sociale de la CGEM. Pourvu que ça dure puisque ce 2e round devra répondre à deux principaux enjeux : faire l'état des lieux de ce qui a été réalisé mais également enclencher les premiers chantiers réglementaire que sont le projet de loi sur la grève ainsi que la réforme du Code du Travail, et en second lieu pour répondre à une doléance formulée par le patronat et les syndicats, à savoir d'être consultés avant l'élaboration du projet de Loi de Finances. Tension sociale, pression économique, l'Etat appelé à réagir Sur ce premier enjeu, autant dire que la tâche sera rude et longue et durant trois mois, les parties prenantes devront négocier le volet réglementaire pour aboutir à un compris, puisque ce deux réformes ne peuvent être reportées Ad vitam æternam. A un moment donné, il faudra bien avancer sur le sujet. « Le patronat et les syndicats savent chacun où il veut aller, l'intelligence viendra du gouvernement par ce rôle de médiation et convergence pour aboutir in fine à ce qui est accepté par les autres parties. Nous ne sommes pas extrémistes dans notre démarche ni voulons imposer ce que nous voulons. On ne voudrait pas non plus que les autres parties essayent d'imposer leurs points de vue. Il faut qu'il y soit une intelligence de concessions à faire pour faire converger les différents points de vue. Il s'agit d'une approche consensuelle pour aboutir à un consensus qu'on a accepté et rien n'empêche d'aller sur cette voie concertée pour aboutir à une loi acceptée par tous », argumente Hicham Zouanat. Et en cas d'impasse. « Si les parties n'aboutissent pas à un consensus, le gouvernement doit trouver les moyens d'appliquer les engagements tels que paraphés dans l'accord tripartite », explique-t-il. Mais l'heure n'est pas à la défiance, notre interlocuteur se disant confiant puisque le lancement de ce deuxième round de négociation conforte l'acceptation de l'accord paraphé et le respect de la feuille de route établie. « Chose que nous n'avons pas vu avec les deux précédents gouvernements, qui ont juste signé l'accord, ont obtenu les augmentations de 2020 et de 2021 pour ne plus revenir vers nous ni honorer leurs engagements pourtant signés dans le précédent accord », déplore-t-il. Une véritable déception et perte de temps pour le tissu économique sollicité régulièrement pour diminuer la tension sociale sur les salariés, sans bénéficier en contrepartie de tous les prérequis à même de garantir la pérennité économique d'une entreprise. « On ne doit plus résonner au Maroc en termes de revenu suffisant ou pas, puisqu'un salaire de 3.000 ou 4.000 DH ne veut rien dire s'il n'y a pas en face les dépenses effectuées. Depuis 15 ans, on constate un désengagement progressif et insidieux des anciens gouvernements mais aussi des collectivités territoriales faisant transvaser des charges relevant de fonctions régaliennes (santé, école, transports publics) vers les entreprises et les grever. Il est temps que l'Etat reprenne ses fonctions régaliennes et diminuer la pression sur les entreprises », conclut Hicham Zouanat. Un sentiment qui pèse sur l'ensemble du tissu économique et une pression qui s'ajoute à d'autres éléments structurels et conjoncturels contribuant à la mortalité des entreprises et à la perte des emplois. C'est dans ce contexte qu'intervient ce tant attendu round de négociation. Mais qui des centrales syndicales ? La réponse dans un prochain article.