A quelques semaines des prochaines élections législatives, Nabil Benabdellah a organisé, le jeudi 14 juillet, un énième séminaire sur le thème «La relance de l'immobilier au Maroc». Il est vrai que son département a essayé à maintes reprises de redynamiser un secteur qui joue un rôle déterminant dans l'économie nationale. Mais le ministre n'a pas trouvé la bonne voie de sortie de crise et achève son mandat dans un contexte où tous les indicateurs sont au rouge : baisse de la consommation du ciment, baisse des prix, des ventes et des transactions immobilières, accumulation des invendus, arrêt de chantier, crise des grands groupes immobiliers... C'est dans ce contexte, que la problématique du locatif est posée comme une possible voie de salut pour l'immobilier. par S.ALaTTAR Rappelons que cette rencontre vient après l'échec des nombreuses réunions qui ont eu lieu durant l'année 2015 du Groupe des quatre ministres (Habitat Urbanisme, Intérieur et Finance) et la Fédération Nationale des Promoteurs immobiliers. Ces réunions ont vite tourné au dialogue de sourds. De réunion en réunion, la même question revient : comment relancer le secteur de l'immobilier ? Or, ce qui est étrange dans le débat, c'est que face à la FNPI qui demande de nouveaux avantages fiscaux, urbanistiques et un accès plus facile au foncier public, surtout pour le produit classe moyenne, le ministère de l'Habitat n'a aucune politique alternative. Et le ministère des Finances ne veut pas entendre parler de nouvelles exonérations d'impôts. Alors que le débat tourne en rond, la crise du secteur s'aggrave, les invendus s'accumulent, les prix baissent et beaucoup de chantiers sont à l'arrêt. A la fin de son mandat, Benabdellah semble avoir trouvé une piste de sortie de crise. Pour lui, la solution passe par le locatif. Selon le ministre de l'Habitat, le marché de l'accession à la propriété est saturé. Mais dans le même temps, le déficit en logement est de 800000 unités et la demande en logements est de l'ordre de 1,5 million d'unités. La clé de ce paradoxe réside dans l'inadéquation entre la nature de la demande et le produit offert qui est soit cher soit inadapté, soit les deux. Aujourd'hui, l'essentiel de la demande est le fait de jeunes couples qui ont des revenus modestes, ou irréguliers et qui ne peuvent pas accéder dans l'immédiat à la propriété, qui veulent quand même se loger dignement, mais qui ne trouvent pas sur le marché un produit adapté à leur besoin. Selon les données du ministère, la moitié des jeunes marocains sont au chômage et une bonne partie de ceux qui travaillent, exercent des emplois précaires. Comment peuvent-ils dans ces conditions, accéder directement à la propriété. Pour le ministre, c'est dans le locatif où réside la sortie de crise et c'est le grand marché du futur qui doit conduire les promoteurs à réorienter leur stratégie et leurs investissements vers la location. Ce changement de stratégie doit s'accompagner d'un changement de mentalités: «Les promoteurs ne pensent qu'à vendre pour se débarrasser une fois pour toutes de leurs stocks et éviter les problèmes de la location. Or, la situation a changé et les ménages n'ont pas tous les moyens de devenir propriétaires. Il faut que les promoteurs comprennent qu'il y a de la rentabilité à dégager de la location». Les propos du ministre Benabdallah ont été confortés par le Directeur Général du CIH, Ahmed Rahhou, qui considère lui aussi que le locatif est le grand marché du futur. Pour lui «il n y a pas de crise. Le stock disponible est inférieur à la demande. Le problème, c'est que cette offre ne coïncide pas avec la demande. Le système est bâti sur la propriété, alors que la location peut ramener une rentabilité entre 6 à 10%».Cette situation doit conduire les promoteurs à réduire leur marge bénéficiaire qui se situe à l'heure actuelle autour de 24%, ce qui représente trois fois plus que la moyenne européenne. Mais la relance locative nécessite des réformes en profondeur pour lever les obstacles qui plombent ce secteur. Sur ce plan, les propositions du PDG du CIH n'apportent rien de nouveau. Il se contente de proposer la révision des textes, qui sont selon lui déséquilibrés et en faveur du locataire. «Le locataire est surprotégé par la loi, ce qui décourage les promoteurs de proposer des offres de location. Un rééquilibrage du rapport entre le loueur et le locataire est nécessaire». La relance du locatif nécessite d'autres mesures plus novatrices et qui ne se limitent pas aux aspects juridiques. Pour sortir du face à face entre propriétaires et locataires, il faut créer, comme dans la plupart des pays européens, des fonds de soutien et de garantie qui permettent d'une part de solvabiliser le locataire et d'autre part, de payer le propriétaire en cas de défaillance du locataire. Les titulaires de revenus faibles peuvent bénéficier d'un soutien public pour accéder à un logement locatif subventionné. L'intéressé peut ne payer que la moitié ou le tiers du montant du loyer. Le reste est supporté par le Fonds de soutien. Ce fonds peut être alimenté par une partie des ressources du FSH et du fonds pour la solidarité social institué par la Constitution. Il faut également créer des sociétés spécialisées dans la gestion du Parc locatif social qui procèdent à l'acquisition, à l'affectation et à la gestion de ce parc.