Un changement est intervenu à la tête du CDVM. Dounia Tâarji cède la place à Hassan Boulkanadel. On tourne la page de l'ère Taârji, un chapitre conséquent de l'histoire de cette institution marqué par un manque de moyens et par une marche résolue vers l'indépendance du régulateur. Après sept ans et demi à la tête du régulateur du marché financier, Dounia Taârji cède la place à Hassan Boulkanadel. La page se tourne donc sur une ère durant laquelle la gendarme du marché a essayé de donner au CDVM (Conseil Déontologique des Valeurs Mobilières) tout le relief dont il a besoin. Une époque marquée par de plus en plus d'indépendance, et couronnée l'été dernier par l'option affirmée de cette indépendance. Le chemin est encore long pour que cette institution joue à plein le rôle qui lui est échu. A la veille de son arrivée à la tête du CDVM, Dounia Tâarji jouissait de la reconnaissance de ses pairs en matière de maîtrise des outils de la finance et du cadre juridique du marché. En effet, en tant que directeur général de Crédit du Maroc Capital, elle fut l'un des artisans de la place casablancaise. Toutefois, ses origines financières et surtout son implication dans la gestion de Casablanca Finance Group l'ont aussi desservie. D'aucuns parlaient de conflits d'intérêt entre son accointance avec CFG et le rôle de régulateur impartial qu'elle était amenée à jouer. Mais plus que la personne en elle-même, c'est l'institution qui a souffert des railleries des observateurs de la place. Car si le gendarme de la bourse a émis des doutes sur la régularité d'un certain nombre d'opérations, il n'a jamais sévi jusqu'à l'avènement de l'année 2008. Le microcosme financier s'accordait à dire que le CDVM n'avait pas à sa disposition les moyens suffisants pour mener à bien sa mission. A coups de circulaires… Dounia Tâarji s'est donc attelée, à coups de circulaires, à délimiter le cadre de son action en responsabilisant les acteurs du marché financier. Ainsi, pour sa circulaire sur les informations privilégiées, elle a opté pour des principes cadres en lieu et place de la démarche dirigiste qui prévalait jusque-là. La démarche se résumait à la sécurisation du circuit de l'information. C'est la fameuse «muraille de Chine». Un concept qui établit que les personnes qui gèrent l'information ne soient pas, dans leur organisation, en contact avec des personnes qui peuvent l'utiliser. Mais, de la théorie à la pratique, il existe un fossé très difficile à combler. Il est difficile de veiller à cette disposition, sachant que dans les sociétés de bourse, le contact entre analystes et traders est quotidien. Plus que cela, ces sociétés de bourse sont à la fois juges et parties dans les transactions de la place. Elles font elles-mêmes partie de groupes cotés et peuvent avoir tendance à se ménager mutuellement. Le fait est que l'ère Tâarji a donc surtout été marquée par des recommandations. Responsabiliser les acteurs du marché avant tout. Mais, pour revenir aux moyens octroyés au CDVM, ils ont été pour le moins insuffisants, selon les observateurs. Or, c'est justement là le point qui a limité le travail du régulateur. Le benchmark international est instructif à cet égard. Dans les places les plus matures, des limiers ou analystes spécialisés sont chargés d'identifier les potentiels délits d'initiés et autres irrégularités dans le marché. Mais chaque pays opte pour la solution la plus idoine. Le CDVM fait parler la poudre La fin de l'époque Taârji a toutefois vu les choses s'accélérer. Ainsi, en mars 2008, le gendarme de la bourse a tapé du point sur la table et sanctionné pour la première fois. Le baptême du feu fut spectaculaire. Et Upline a écopé de la plus lourde sanction, pécuniaire mais aussi en termes de retrait d'agrément de dépositaire de titres et espèces. D'autres sociétés de bourse sont dans le collimateur, mais s'en sortent avec un avertissement, un blâme ou une mise en garde. Le CDVM avait, enfin, fait parler la poudre. Mais cela venait à un moment crucial. La bourse était à son zénith et le retournement de tendance allait être imminent. Le trend est depuis devenu baissier et de nouvelles suspicions de scandale sont allées bon train dans les travées de la bourse. Elle serait même selon certains à l'origine du krach. Les sociétés de bourse étaient encore une fois en ligne de mire, mais c'est surtout le directoire de la bourse qui en a fait les frais. La fuite d'informations du nouveau système NSC V900 a secoué le microcosme financier à un moment très délicat. Et tout le monde s'accordait sur l'exemplarité des sanctions à prendre. Les sociétés de bourse ont vu finalement la tempête leur passer au-dessus de la tête, car c'est le mode de gouvernance de la bourse qui fut remis en cause. Encore une fois, le CV de Dounia Taârji a fait monter la polémique. Le fait qu'elle ait dirigé des sociétés de bourse, et qu'elle y ait gardé des amis, avant de prendre la tête de l'instance de régulation, l'a desservie plus qu'il ne l'a servie. Alors la nouvelle nomination de Hassan Boulkanadel pose la même question. Le microcosme financier oubliera-t-il qu'il vient lui aussi de ce monde fermé ? Rien n'est moins sûr. Le fait est qu'il faut chercher la compétence là ou elle est. Pour ce qui est de l'avenir professionnel de l'ancien gendarme, les pistes les plus redondantes mènent au FMI. Bon vent…