Ce qui se voulait au départ une contestation interne de l'Istiqlal, un mouvement d'opposition à Chabat, de soutien à Abdelouahed El Fassi, s'est transformé en association. « Bila Hawada », sans répit, a organisé son premier événement public autour de la pensée d'Allal El Fassi. L'auteur de l'autocritique, nous a légué une œuvre importante sur des thèmes qui vont de la religion à la politique. Réformateur, ce Alim s'est inscrit dans la suite du mouvement de la renaissance, il a apporté sa connaissance approfondie de diverses sciences sociales. 40 ans après sa mort, les différents conférenciers ont mis en exergue l'actualité de ses propos, de ses positions. Sa production entre 1962 et son décès en 1974 est, en particulier, fort intéressante parce qu'elle s'intéresse à la démocratie, aux équilibres du pouvoir. Parce qu'il faut rappeler que le Zaïm Istiqlalien a combattu l'Etat d'exception, la constitution de 70, mais aussi les tentatives de coup d'Etat. Allal El Fassi, Belhassan El Ouazzani, Abdellah Ibrahim et à un degré moindre, Mehdi Ben Barka ont théorisé leur action politique. C'est une production qu'il faut remettre au goût du jour et offrir à la jeunesse l'opportunité de l'étudier. Nous souffrons aujourd'hui d'un fait malheureusement universel, mais mortel par la politique. Celle-ci n'est plus le produit d'une vision du monde qui offre des réponses sur des questions précises. Au nom du pragmatisme, les politiques se positionnent en fonction de l'instant déroutant les observateurs par leurs contradictions, au nom d'un réalisme souvent interprété comme un simple opportunisme qui veut se parer d'une vertu, pompeusement appelée le réalisme politique. C'est à mon sens, la raison principale entre une classe politique sans projet lisible, ne parlons même plus d'utopie, et une population livrée à ses frustrations individuelles et collectives. Allal El Fassi a plaidé pour une monarchie parlementaire il y a plus d'un demi-siècle. Mohamed Belhassan El Ouazzani a levé la même revendication et lui, le Alem des Karaouiynes a écrit des textes magnifiques sur la condition de la femme. Comment est-ce que le Maroc avec des dirigeants de cette trempe a pu rater le coche et se retrouver avec le « FDIC » puis l'Etat d'exception en 1965 ? Soit dix ans après l'indépendance ? C'est aux historiens d'y répondre, non pas pour juger les acteurs, mais pour éclairer l'avenir. Tout laisse à croire que malgré les avancées de la constitution, les schémas fondamentaux restent les mêmes, ce qui a changé c'est que la classe politique s'en accommode en contrepartie de prébendes mesquines. La moindre des choses serait de rééditer ces œuvres et de les mettre à la disposition des jeunes de ce pays.