Cinq syndicats marocains ont appelé à une grève nationale, mercredi 5 février, dans le secteur public et privé après l'adoption par le gouvernement d'un projet de loi controversé encadrant l'exercice du droit de grève ainsi que la dégradation du pouvoir d'achat depuis l'accession de Aziz Akhannouch à la Primature en 2021. Lundi 3 février, la Chambre des conseillers a adopté à la majorité le texte législatif fixant les modalités d'exercice de ce droit fondamental. Sur les 120 membres de la chambre haute du Parlement, seuls 48 étaient présents lors du vote : 42 ont soutenu le projet tandis que sept s'y sont opposés. Le texte, déjà validé par la Chambre des représentants en décembre dernier par 124 voix contre 41, devra désormais y être soumis une seconde fois afin de finaliser la procédure législative, après l'introduction de plusieurs amendements par les conseillers. Un projet de loi sous le feu des critiques L'examen du texte a suscité de vives tensions, marquées notamment par le retrait du groupe parlementaire de l'Union marocaine du travail (UMT) en début de séance, en signe de protestation contre la version proposée par le gouvernement. Les syndicats reprochent à l'exécutif d'avoir fait passer le texte en force, sans tenir compte de leurs revendications. En réponse aux critiques, Younes Sekkouri, ministre de l'inclusion économique, de la petite entreprise, de l'emploi et des compétences, a défendu le projet de loi devant les conseillers, assurant que la majorité des amendements proposés par les partenaires sociaux avaient été pris en considération. Selon lui, le texte garantit un équilibre entre la protection des droits des travailleurs, la liberté d'entreprendre et la continuité des services publics. Il élargit également la définition du droit de grève, en l'ouvrant à l'ensemble des catégories professionnelles, y compris les travailleurs indépendants et les employés domestiques. Une mobilisation syndicale d'ampleur Face au passage en force du gouvernement, plusieurs centrales syndicales ont annoncé un mouvement de grève national. Quatre d'entre elles – la Confédération démocratique du travail (CDT), l'Union nationale du travail au Maroc (UNTM), l'Organisation démocratique du travail (ODT) et la Fédération des syndicats démocratiques (FSD) – observeront une journée de grève ce mercredi. L'UMT, quant à elle, a décrété un arrêt de travail de 48 heures, mercredi et jeudi, en signe de protestation contre la politique du gouvernement, qualifiée de "régressive" et de "préjudiciable" aux droits des travailleurs. Les syndicats condamnent notamment une loi jugée "liberticide" et "contraignante", qui limiterait drastiquement la capacité des travailleurs à organiser des mouvements sociaux. Selon le bureau exécutif de la CDT, le projet de loi contient plusieurs dispositions restrictives, notamment l'obligation pour les grèves d'être lancées uniquement par des syndicats représentatifs, rendant quasiment impossible l'exercice de ce droit dans les entreprises privées où ces organisations sont absentes. La même centrale critique également les nouvelles prérogatives accordées aux autorités et au chef du gouvernement, qui pourraient suspendre ou interdire un mouvement social. Autre point de friction : le texte autorise le remplacement des grévistes par d'autres travailleurs, une mesure perçue comme une atteinte au droit fondamental de cesser le travail. Les syndicats s'opposent également à l'instauration d'un régime de sanctions jugé excessif, combinant celles déjà prévues dans le Code du travail et le statut de la fonction publique avec de nouvelles dispositions spécifiques à la loi sur la grève. Un contexte social sous tension à cause des politiques de Aziz Akhannouch Au-delà de la question législative, la mobilisation des syndicats est aussi nourrie par un climat social délétère, marqué par une flambée des prix et un chômage persistant. "Le passage en force du gouvernement sur ce texte s'ajoute à un malaise profond causé par la détérioration du niveau de vie des Marocains", estime la CDT, qui promet de nouvelles actions de contestation, y compris des recours devant la Cour constitutionnelle et l'Organisation internationale du travail. Face à la fronde syndicale, les groupes parlementaires de la majorité défendent un texte "équilibré", qui vise, selon eux, à préserver les droits des travailleurs tout en garantissant un climat propice aux investissements et à la stabilité économique. Le gouvernement, qui a inscrit cette réforme parmi ses priorités, affirme vouloir encadrer un droit constitutionnel longtemps resté sans cadre juridique clair. Toutefois, en l'absence d'un consensus avec les syndicats, cette réforme pourrait renforcer les tensions sociales et fragiliser encore le dialogue social, déjà marqué par une profonde défiance entre les partenaires sociaux et l'exécutif, plus impopulaire que jamais.