Le 10 septembre 2024, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a tenu une session extraordinaire pour examiner le projet de loi organique n° 97.15, qui régit les conditions et modalités d'exercice du droit de grève. Cette initiative législative a suscité une multitude de réactions, qui rappellent les tensions entre le gouvernement et les syndicats, particulièrement dans des secteurs aussi sensibles que l'éducation. Au cours de sa session, le CESE a unanimement adopté un projet d'avis critiquant certaines dispositions du texte, remettant en question sa compatibilité avec le cadre juridique national et international. En effet, la loi organique a été élaborée suite à une saisine de la Chambre des représentants, datée du 26 juillet 2024, et prétendait établir un cadre clair et structurant pour l'exercice de ce droit fondamental. Néanmoins, la CDT (Confédération Démocratique du Travail) a rapidement fait entendre son opposition, arguant que le projet restreint sévèrement le droit de grève, en le rendant largement inefficace. La plupart des critiques émises par le CESE, qui rejoint les observations de la CDT se concentrent sur le fait que le projet de loi impose des restrictions jugées disproportionnées et complexes, limitant l'accès au droit de grève pour de nombreux travailleurs. Par exemple, certaines formes de grève pourraient être interdites, et de nombreuses catégories de travailleurs seraient privées de ce droit, un point de vue jugé inacceptable par les syndicats. Cette situation est d'autant plus préoccupante que la législation sur la grève doit impérativement respecter les normes internationales, notamment la convention n° 87 de l'Organisation Internationale du Travail (OIT), mais également les dispositions protectrices de la Constitution marocaine. Lire aussi : Le CESE plaide pour la création des chambres dédiées à l'environnement dans les juridictions du pays Le bilan du projet de loi, selon le CESE, est mitigé : bien que l'intention soit de réglementer ce droit tout en l'entourant de garanties correctes, les 12 articles jugés restrictifs sur un total de 49 envoient un message négatif, compromettant l'intégrité de l'ensemble de l'initiative. Le CESE a plaidé pour une réflexion plus approfondie sur la représentativité syndicale dans les secteurs tant publics que privé, afin de lever les restrictions pesant sur l'exercice du droit de grève et de son organisation. Le projet de loi suscite également des inquiétudes quant aux sanctions prévues, qui sont perçues comme des intimidations envers les travailleurs souhaitant se mobiliser. Ainsi, le CESE a appelé à la révision des dispositions qui pourraient être incompatibles avec le droit de grève, notamment en révoquant l'article n° 288 du code pénal, qui inflige des peines d'emprisonnement et d'amende pour ceux cherchant à organiser une cessation concertée du travail. Ces mesures punitives, qui pourraient avoir un effet dissuasif, mettent en péril les droits et libertés des travailleurs, essentielle dans un contexte démocratique. Le débat sur le droit de grève ne se limite pas à la législation, mais touche également les droits des travailleurs à exprimer leurs préoccupations face aux évolutions législatives. Dans ce contexte, la CDT a fermement rejeté le projet de loi, le qualifiant de menace contre les acquis syndicaux et d'atteinte aux principes du dialogue social. Le bureau exécutif de la confédération a rappelé que ce texte avait été soumis sans consultation adéquate des centrales syndicales, considérant cette procédure unilatérale comme une atteinte à la démocratie.