Zakia Driouich, secrétaire d'Etat chargée de la pêche maritime, a annoncé un bond spectaculaire des exportations marocaines de produits halieutiques, atteignant 30,87 milliards de dirhams en 2023, contre 13,22 milliards en 2010. Un essor qui, selon elle, "renforce la présence du Maroc sur les marchés internationaux", avec des expéditions vers 138 pays. Mais alors que le gouvernement se félicite de cette percée, les prix du poisson ne cessent d'augmenter sur le marché national, nourrissant le mécontentement des consommateurs. À cette problématique, Ahmed El Bouari, ministre de l'agriculture, a avancé une explication inattendue devant les députés : "Le poisson migre en raison de la sécheresse, les pluies sont essentielles à son maintien". Cette justification climatologique, qui suggère un exode massif des ressources halieutiques sous l'effet du déficit hydrique, entre en contradiction avec la dynamique actuelle des exportations qui atteint un niveau sans précédent. Un paradoxe qui alimente les spéculations : le poisson disparaît-il des marchés marocains parce qu'il est "en fuite" vers le large ou parce qu'il est massivement destiné aux marchés étrangers ? Une raréfaction aux causes multiples Derrière ces explications officielles, plusieurs analystes pointent du doigt un autre facteur clé : la pression exercée par les armateurs industriels et les flottes de pêche hauturière qui exploitent les stocks disponibles à un rythme effréné. Le Maroc, fort de ses accords internationaux de pêche, voit ses eaux sillonnées par de puissantes unités industrielles, souvent au détriment de la pêche artisanale et de l'approvisionnement local. Par ailleurs, les pratiques de captation du marché par certains opérateurs accentuent la flambée des prix. "Le poisson est là, mais il est capté par les grands acteurs du secteur qui privilégient l'export et élargissent les marges", confie un expert du domaine à Barlamane.com. Un équilibre à restaurer et le coupable est connu : Aziz Akhannouch Alors que le gouvernement célèbre la bonne santé du secteur halieutique, l'absence de régulation efficace sur la répartition des ressources entre marché local et exportation pose question. L'envolée des prix du poisson sur le marché intérieur rappelle celle des fruits et légumes, dans un contexte où la priorité semble plus donnée aux débouchés internationaux qu'à la consommation nationale. Face à ce déséquilibre, Aziz Akhannouch devra répondre à une interrogation pressante : la souveraineté alimentaire des Marocains peut-elle être sacrifiée sur l'autel des performances économiques à l'export ?