Le 10 décembre 2023, la présentation du Baromètre de la Gouvernance Responsable a mis en lumière les avancées significatives des entreprises marocaines dans le domaine de la gouvernance. Réalisé par l'Institut Marocain des Administrateurs (IMA), la CGEM, le Club des Femmes Administrateurs (CFA Maroc) et Ethics & Boards, ce baromètre souligne une série de progrès, notamment en matière d'indépendance des conseils d'administration, de diversité de genre et d'engagement. Un tour d'horizon de ce panorama de la gouvernance au Maroc. La présentation de la deuxième édition du Baromètre de la Gouvernance Responsable, qui a eu lieu le 10 décembre 2023 au siège de la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM), représente un moment clé pour le paysage économique et institutionnel du pays. Conçu par un consortium regroupant l'Institut Marocain des Administrateurs (IMA), la CGEM, le Club des Femmes Administrateurs (CFA Maroc) et Ethics & Boards, ce baromètre se veut être une mesure des progrès réalisés par les entreprises marocaines en matière de gouvernance responsable, en analysant des critères aussi variés que l'indépendance des conseils, la diversité de genre et l'engagement sociétal et environnemental des entreprises. Il faut d'ailleurs rappeler que, depuis quelques années, le Maroc, sur le continent, est l'un des pays ayant adopté les questions de l'ESG, dont la gouvernance est l'un des aspects très importants. Lire aussi | Imane Messaoudi-Mattei: «La crise de l'eau est avant tout une crise de gouvernance» En effet, mettant en lumière le levier de performance des entreprises, les résultats de cette deuxième édition apportent des éclairages pertinents sur l'évolution de la gouvernance au Maroc et soulignent les efforts croissants pour aligner les pratiques des entreprises sur des standards internationaux de responsabilité et de transparence. Bien que des progrès notables aient été réalisés, des défis importants subsistent, incitant à une réflexion approfondie sur les réformes nécessaires pour poursuivre cette dynamique. Contactée par Challenge, la Directrice Générale de l'Institut Marocain des Administrateurs, l'un des porteurs du rapport, déclare : « Nous ne jugeons pas des pratiques en tant que telles dans ce baromètre, mais de la qualité du reporting extra-financier dans les domaines environnemental, social, sociétal et de gouvernance. Les émetteurs ont acquis une maturité certaine en un temps relativement court, car il faut rappeler que la circulaire de l'AMMC relative à l'obligation de publier des rapports ESG date de juin 2019. Cette circulaire offre aujourd'hui la flexibilité aux émetteurs de choisir volontairement un référentiel de reporting international. L'enjeu n'est pas tant de cocher la case de la conformité à un standard de reporting international, mais de se l'approprier et d'appréhender, dans son business model, les risques et opportunités liés à la durabilité. » Et d'ajouter : « Le reporting n'est pas une fin en soi, mais c'est ce qui permet au marché et aux investisseurs d'interpréter le profil de risque de l'entreprise. Plus l'information sera détaillée, pertinente, comparable et fiable, plus grande sera la confiance dans ses performances futures. D'où l'importance d'accorder la même rigueur et les mêmes exigences au reporting extra-financier qu'au reporting financier, avec le développement d'un audit spécifique. » Zoom sur les Conseils d'Administration « L'Agence des participations de l'Etat réalise aussi un excellent travail auprès des établissements et des entreprises publiques pour renforcer leur gouvernance, notamment à travers l'intégration des administrateurs indépendants au niveau des conseils des EEP », nous précise d'entrée Mounim ZAGHLOUL, Managing Partner de Consilium et expert en GRC. L'un des résultats les plus marquants de cette édition du Baromètre est la forte proportion de conseils d'administration composés de membres indépendants. Ainsi, 91 % des conseils d'administration des entreprises marocaines comptent désormais au moins un membre indépendant, un chiffre qui témoigne d'un réel effort pour renforcer l'objectivité et la transparence au sein des instances dirigeantes. L'indépendance des membres d'un conseil est essentielle pour garantir la prise de décisions exemptes de conflits d'intérêts et s'assurer que les orientations stratégiques sont véritablement orientées vers l'intérêt des actionnaires et des autres parties prenantes. Lire aussi | Mohammed Jadri: «Cette sécheresse, combinée aux températures caniculaires, compromet gravement les récoltes» Dans les détails, cette tendance à l'indépendance est d'autant plus notable dans le cadre des comités d'audit, où 76 % des présidents sont désormais indépendants, contre 70 % en 2022. Cette évolution de 6 points en un an révèle une prise de conscience accrue quant à la nécessité de disposer d'experts externes pour surveiller la régularité des pratiques comptables et financières. Le rôle des comités d'audit est crucial, notamment pour prévenir les risques financiers et garantir la conformité avec les standards de gouvernance. « Le Baromètre de la Gouvernance Responsable au Maroc reflète un véritable développement vers une gouvernance plus responsable et efficace, en se conformant étroitement aux normes internationales. Je trouve que l'adoption de référentiels ESG, tels que le GRI et les ODD, témoigne de l'engagement des entreprises marocaines à réduire les risques liés à l'environnement, au social et à la gouvernance, tout en améliorant leur réputation, ce qui favorise une croissance durable de la valeur partenariale », explique Slimane Ed-Dafali, enseignant-chercheur en Finance et expert en ESG à l'Ecole Nationale de Commerce et de Gestion d'El Jadida (ENCGJ). Sur les réformes que le Maroc a mises en œuvre dans le chantier de la gouvernance, l'expert déclare : « Je pense que les réformes récentes renforcent la transparence, la diversité et l'indépendance au sein des conseils d'administration. Notons que l'intégration des considérations ESG dans les stratégies des entreprises permet non seulement de mieux gérer les volatilités liées aux controverses, mais aussi d'améliorer leurs performances. J'estime qu'une composition diversifiée des conseils, avec des expertises en durabilité, optimise la prise de décision ESG et soutient le développement d'une culture axée sur la durabilité. Pour maximiser cet impact en faveur de l'écosystème entrepreneurial marocain, il est crucial de promouvoir une gouvernance qui intègre la durabilité à long terme et d'encourager une collaboration renforcée entre les acteurs publics et privés. » La Diversité de Genre : Un Indicateur de Taille Autre avancée significative soulignée par le Baromètre 2023 : la progression de la représentation féminine dans les conseils d'administration. En 2023, la proportion de femmes dans ces instances a atteint 23,2 %, contre 20,5 % en 2022. Bien que cet écart reste encore considérable par rapport aux objectifs mondiaux de parité, ces chiffres traduisent un progrès important vers une plus grande inclusion des femmes dans les sphères décisionnelles. Le seuil des 30 % de femmes dans les conseils d'administration a désormais été franchi par 31 % des entreprises, contre 24 % en 2022. Ce changement est représentatif de l'évolution des mentalités et des structures au sein des entreprises marocaines, qui semblent de plus en plus convaincues des bénéfices de la diversité de genre. De nombreuses études démontrent que la diversité au sein des équipes dirigeantes améliore la créativité, la prise de décision et la performance globale des entreprises, ce qui rend cette évolution particulièrement significative pour l'avenir de la gouvernance au Maroc. Lire aussi | Pourquoi il est essentiel de renforcer la gouvernance des entreprises familiales au Maroc [Par Moez Miaoui] Les entreprises marocaines prennent ainsi une longueur d'avance en matière de diversité, et bien que des progrès aient été réalisés, il est clair que la parité reste un objectif central pour les années à venir. Responsabilité Sociétale et Environnementale : Une Prise de Conscience Croissante L'un des enjeux majeurs du Baromètre 2023 réside également dans l'engagement des entreprises en matière de responsabilité sociétale et environnementale. Le rapport indique que 83 % des entreprises cotées en bourse ou émettrices ont communiqué sur leurs politiques sociales et sociétales, une proportion significativement élevée par rapport aux années précédentes. Cet indicateur témoigne de la volonté des entreprises marocaines de répondre aux attentes des consommateurs, des investisseurs et des autres parties prenantes, qui exigent de plus en plus de transparence sur la manière dont elles gèrent les enjeux sociaux et environnementaux. Dans le même registre, 88 % des entreprises ont communiqué des éléments concernant leur politique environnementale, qu'il s'agisse d'initiatives concrètes ou de projets visant à réduire leur empreinte écologique. Cette prise en charge des enjeux environnementaux répond à des attentes de plus en plus pressantes, tant sur le plan national qu'international, où la transition vers des modèles économiques durables et responsables devient un impératif. Ces progrès dans la communication et l'engagement en matière de responsabilité sociétale et environnementale témoignent d'une évolution de la part des entreprises marocaines, qui comprennent désormais que leur pérennité dépend en grande partie de leur capacité à répondre aux défis sociaux et écologiques contemporains. Toutefois, ces démarches doivent se traduire par des actions tangibles et mesurables pour qu'elles ne se réduisent pas à de simples discours, mais qu'elles aient un impact réel sur les communautés et sur l'environnement. « C'est le fruit de plusieurs années de sensibilisation et de formation des administrateurs marocains (25e promotion cette année) », martèle Mounim ZAGHLOUL, Managing Partner de Consilium et expert en GRC. Les Défis à Relever Bien que des progrès notables aient été réalisés, plusieurs défis demeurent. Tout d'abord, l'indépendance des conseils et des comités d'audit doit être constamment renforcée, notamment en élargissant la part des membres indépendants et en veillant à ce qu'ils soient véritablement autonomes, sans liens étroits avec les dirigeants de l'entreprise. Ensuite, bien que la proportion de femmes dans les conseils ait augmenté, il reste encore beaucoup à faire pour atteindre une véritable parité. L'inclusivité ne se limite pas à la simple présence des femmes dans les instances dirigeantes, mais elle doit également être accompagnée d'un changement dans la culture d'entreprise, afin de permettre une réelle participation des femmes aux processus décisionnels. Enfin, selon le rapport, les entreprises doivent intensifier leurs efforts en matière de responsabilité sociétale et environnementale, non seulement en termes de communication, mais aussi en matière de résultats tangibles. Les engagements doivent être suivis d'actions concrètes, mesurables et alignées sur les objectifs mondiaux en matière de développement durable.