Le premier camion commercial a traversé la frontière de Melilia, marquant une étape historique dans la reprise des échanges officiels entre le Maroc et l'enclave espagnole. Ce retour progressif à un commerce encadré pose les jalons d'une nouvelle ère dans les relations bilatérales, avec des ajustements en cours pour garantir une coopération durable. Un camion transportant environ 600 kilos d'appareils électroménagers a traversé la frontière commerciale de Mellilia, marquant la reprise d'échanges encadrés entre le Maroc et l'Espagne après des années de tensions. Cet événement, hautement symbolique, concrétise un processus entamé en 2022 lors du réchauffement des relations entre les deux pays. Cependant, cette réouverture progressive révèle aussi des défis logistiques et politiques majeurs, notamment à Sebta, où la mise en place d'une douane commerciale reste un chantier complexe. Un retour progressif au commerce officiel La reprise des échanges commerciaux officiels à Mellilia marque un tournant après des années de fermeture et de contrebande. Selon Adil Raiss, président de la CGEM Tanger-Tétouan-Al Hoceima, «les flux sont désormais déclarés et officiels, ce qui représente un changement majeur par rapport au passé». Cette réouverture concerne dans un premier temps un camion par jour. Côté marocain, les exportations incluent principalement des produits agricoles tels que des fruits, des légumes et du poisson. Du côté espagnol, les marchandises autorisées à l'exportation comprennent des appareils électroniques ainsi que des produits d'électroménager et d'hygiène. Ce cadre strict répond à une volonté commune de contrôler les flux afin de limiter la contrebande qui prévalait auparavant. «L'objectif est de maintenir un commerce régulier et encadré», explique Raiss. Une avancée diplomatique plus qu'économique Cette réouverture des douanes commerciales illustre avant tout un rapprochement diplomatique entre Rabat et Madrid. «Cet accord est davantage politique qu'économique. Les enclaves ne produisent rien elles-mêmes, les produits viennent principalement de la péninsule ibérique ou d'ailleurs», précise Raiss. En effet, les échanges commerciaux entre les enclaves et le Maroc ne représentent qu'une faible part des économies des deux pays. En octobre 2024, par exemple, Sebta et et Mellilia ont exporté pour 1,63 million d'euros tout en important 64,4 millions d'euros, soit un déficit commercial significatif. Pour autant, cette initiative s'inscrit dans un cadre plus large de normalisation des relations bilatérales, amorcé en 2022 avec la visite au Maroc de Pedro Sánchez, président du gouvernement espagnol. Sebta, une ouverture qui reste à concrétiser Contrairement à Mellilia, Sebta ne dispose pas d'infrastructure douanière préexistante, ce qui complique son ouverture. Raiss anticipe toutefois une réouverture «dans les prochains jours», tout en prévenant que ce processus sera plus long et laborieux. La ville, historiquement marquée par l'économie informelle, devra relever plusieurs défis logistiques pour mettre en place des contrôles douaniers rigoureux. Cristina Pérez, déléguée du gouvernement espagnol à Sebta, souligne l'importance de «garantir des échanges normalisés et conformes aux standards internationaux». La ville est appelée à se transformer en profondeur pour devenir un point de transit officiel, ce qui nécessite un effort commun des deux nations. Vers une modernisation des échanges transfrontaliers La reprise des échanges à Mellilia est aussi l'occasion d'expérimenter une modernisation des flux transfrontaliers. «Depuis 2018, les gouvernements marocain et espagnol travaillent à l'élaboration d'un cadre adapté aux enjeux actuels», explique Sabrina Moh, déléguée du gouvernement espagnol à Mellilia. Cette approche progressive vise à éviter un retour à la contrebande tout en s'inscrivant dans une dynamique de coopération renforcée. Pour Adil Raiss, «il s'agit d'un premier pas vers une intégration économique plus étendue entre le Maroc et l'Espagne». Reste à voir si ce modèle pourra être étendu avec succès à Sebta. La réouverture de la douane commerciale de Melillia marque une étape importante dans le rapprochement maroco-espagnol. Si le processus reste encore perfectible, notamment à Sebta, il ouvre la voie à un avenir où les échanges transfrontaliers seront mieux encadrés et plus transparents. Pour les deux pays, l'enjeu est de transformer cette initiative en un modèle de coopération à la fois économique et diplomatique. Adil Raiss Président de la CGEM Tanger-Tétouan-Al Hoceima «Cet accord est davantage politique qu'économique. Les enclaves ne produisent rien elles-mêmes, les produits viennent principalement de la péninsule ibérique ou d'ailleurs. Mais il s'agit d'un premier pas vers une intégration économique plus étendue entre le Maroc et l'Espagne.» Faiza Rhoul / Les Inspirations ECO