Confronté à une pression interne, le ministre espagnol de l'Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, est venu au Maroc pour solliciter l'aide du Royaume dans la lutte contre l'immigration clandestine. Détails. Entre le Maroc et l'Espagne, l'idylle post-réconciliation continue à tous les niveaux. Cela s'est illustré lors de la visite du ministre espagnol de l'Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, à Rabat. Le premier flic d'Espagne s'est évertué à se rendre au Maroc dans son premier déplacement officiel à l'étranger depuis sa reconduction dans son poste dans le nouveau gouvernement socialiste de Pedro Sanchez. L'équipe dont s'est entouré le locataire de la Moncloa regorge de personnalités jugées proches du Maroc, dont fait partie Marlaska qui est l'un des ministres espagnols qui connaissent le mieux le Royaume qu'il a visité pour la quatorzième fois.
Il connaît tout aussi bien son homologue marocain Abdelouafi Laftit avec qui il a eu des entretiens très approfondis sur les sujets d'intérêt commun qui sont si sensibles pour l'Espagne. Madrid compte sur l'appui du Maroc et son soutien dans la lutte contre l'immigration clandestine et le terrorisme. Sur le plan officiel, les conclusions de cette visite sont positives à en croire les déclarations tenues par les uns et les autres. Grande-Marlaska a comblé le Maroc de louanges en le qualifiant de "principal partenaire stratégique de l'Espagne en matière d'affaires intérieures". La collaboration entre Rabat et Madrid est marquée par un niveau élevé d'efficacité, notamment dans les domaines de la lutte contre la migration irrégulière, de la traite des êtres humains et de la lutte contre le trafic de drogues et le crime organisé", a-t-il déclaré à l'issue de son tête à tête avec Abdelaouafi Laftif. Les deux ministres ont convenu de capitaliser sur les acquis actuels de la coopération bilatérale dans les domaines migratoire et sécuritaire dans le but de passer à la vitesse supérieure.
Marlaska sous pression de ses adversaires politiques
Ils sont décidés à "fluidifier les canaux d'échange d'informations et d'expertises pour mieux anticiper les menaces induites par le terrorisme et les activités criminelles des réseaux de trafics transfrontaliers, notamment le trafic des migrants et des êtres humains". Un accord cher à Fernando Grande-Marlaska qui repart en Espagne l'esprit serein, au moment où il semble sous pression dans son pays à cause d'une supposée hausse des flux migratoires relayée par la presse espagnole qui fait état d'une hausse des arrivés irrégulières en Espagne avec 56.852 immigrants arrivés par voies maritime et terrestre en 2023, dont 70% aux îles Canaries via l'Atlantique. Ces chiffres qu'on trouve souvent en parcourant les médias ibériques émanent du ministère espagnol de l'Intérieur. Ces chiffres ne sauraient être représentatifs de la situation migratoire globale puisque le bilan de la coopération entre Rabat et Madrid est jugé efficace. Le succès s'est traduit par les chiffres dévoilés au cours de la visite de Marlaska. Les flux de migrants clandestins vers Sebta et Mellilia ont diminué de 41%. Au cours de l'année écoulée, les flux de migrants irréguliers par voie maritime vers Sebta ont baissé de 46% avec 57 migrants de moins qu'en 2022. Il en est de même des tentatives d'entrée forcée par voie terrestre qui ont baissé de 46%, sachant que 1234 migrants illégaux ont essayé de pénétrer au sein des enclaves en 2023 contre 2289 l'année précédente, soit une baisse de 1055 personnes.
Migrants : Les interventions décisives des autorités marocaines
Les flux des migrants par voie terrestre semblent sous contrôle grâce aux multiples opérations menées par les autorités marocaines qui ont démantelé à plusieurs reprises des réseaux de passeurs tout en enchaînant en même temps les interventions de terrain près de Nador. Le défi demeure la lutte par voie maritime qui demeure une voie de prédilection pour les migrants désireux de pénétrer illégalement àMellilia. Selon les données officielles du gouvernement espagnol, les entrées illégales par la mer ont augmenté de 21,9% en 2023. Par contre, à Sebta, le littoral est mieux contrôlé. En témoigne la chute des entrées illégales qui ont baissé de 46%. Le succès de la coopération maroco-espagnole est illustré également dans le domaine du Renseignement. L'appui des services marocains s'avère décisif. Force est de constater que 14 opérations antiterroristes conjointes en 2023 ont abouti à l'arrestation de 80 suspects. "C'est l'une de nos plus grandes préoccupations ».
Le casse-tête des demandes d'asile !
Au-delà de Sebta et Mellilia, un autre sujet hante l'esprit des autorités espagnoles que Fernando Marlaska a tenté d'aborder avec son homologue marocain lors de leurs entretiens. Il s'agit du casse-tête de "l'utilisation frauduleuse" des escales dans les aéroports espagnols. C'est à dire les cas d'évasion de personnes, souvent originaires d'Afrique subsaharienne, qui prennent des vols vers des pays de l'Amérique Latine sans visa et profitent de leur escale à Madrid pour se débarrasser de leurs papiers afin de faire une demande d'asile. Un subterfuge que les autorités espagnoles ont identifié plusieurs fois et auquel elles veulent mettre fin.
Selon La Razon, ce phénomène a provoqué une véritable crise à l'aéroport de Barajas à Madrid, dont les salles d'asile abritent plus de 300 personnes. Des salles jugées surpeuplées et dans un état insalubre. La même source fait savoir que durant la semaine dernière, 17 personnes qui se trouvaient dans l'une de ces salles d'asile à l'aéroport de Barajas se sont échappées en brisant une fenêtre. Face à un tel embarras, Fernando Grande-Marlaska, qui est sous pression des syndicats de police qui ne cessent d'exiger une solution, a laissé entendre qu'il pourrait imposer des visas de transit aéroportuaire pour neutraliser les fraudeurs.
Actuellement, le gouvernement de Pedro Sanchez veut juguler davantage les flux migratoires, un argument dont se prévalent ses adversaires politiques tels que le Parti populaire et l'extrême droite (VOX) pour le combler de critiques. Fernando Grande-Marlaska a fait part de sa volonté d'aboutir, en collaboration avec le Maroc, à "une migration légale, sûre et ordonnée". Le Maroc demeure une variable essentielle dans cette équation aux yeux de l'Exécutif espagnol. Dans un entretien accordé à El Periodico, le ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares, a réitéré que le Maroc est un partenaire indispensable sans l'aide duquel les arrivées illégales seraient encore plus élevées. Le Chef de la diplomatie espagnole s'est montré réaliste en expliquant qu'il est extrêmement difficile, voire impossible, d'anéantir les flux migratoires de façon absolue. Il a également rappelé que l'essentiel des migrants qui débarquent en Espagne viennent d'Afrique subsaharienne.
Encadré Douanes : Des améliorations techniques...
Concernant la reprise des douanes commerciales, Fernando Grande-Marlaska a fait part à son homologue marocain des améliorations technologiques en cours dans les villes de Sebta et Mellilia pour favoriser la fluidité du passage des frontières. A cet égard, un système d'entrée et de sortie automatique sera mis en place afin de garantir la rapidité des opérations de contrôle. Un modèle qui ressemble aux systèmes installés dans le reste des postes frontières, selon le ministre. Jusqu'à présent, la date de réouverture des douanes demeure inconnue, sachant qu'elles sont censées être rouvertes depuis janvier 2023. Le retard dû à des contraintes techniques semble indisposer la droite espagnole qui ne cesse de faire pression sur le gouvernement de Pedro Sanchez. Pour leur part, les autorités marocaines semblent vouloir veiller à ce que la reprise du commerce terrestre se fasse selon un nouveau modèle qui tourne la page de la contrebande.