Alors que la presse internationale continue de se faire l'écho de l'assassinat, le vendredi 11 octobre 2024, d'une touriste suisse à Djanet, c'est la tentative de développer un secteur naissant dans ce pays voisin qui risque d'en prendre un coup. L'Algérie a en effet, depuis la fin de la pandémie de COVID-19, engagé une stratégie de développement touristique. Longtemps perçue comme une destination difficile, voire compliquée, ce pays veut aujourd'hui amorcer un tournant qui pourrait faire de l'activité touristique une industrie créatrice de richesses et d'emplois. L'objectif, annoncé par les autorités algériennes est d'accueillir 12 millions de touristes d'ici 2030. Cependant, cet objectif semble en décalage avec les réalités actuelles, en particulier avec une politique des visas encore restrictive et un environnement touristique peu préparé pour recevoir une telle affluence. La politique des visas L'une des principales entraves à l'essor du tourisme en Algérie réside dans la politique des visas. Contrairement à des destinations touristiques comme le Maroc ou la Tunisie, où l'accès pour les voyageurs étrangers est simplifié, l'Algérie demeure une destination où l'obtention d'un visa reste complexe. Cela décourage bon nombre de touristes potentiels. Lire aussi | Une touriste suisse «égorgée» dans le sud de l'Algérie, confirment des médias français Ironiquement, ce même manque de fréquentation touristique est parfois mis en avant comme un atout. L'Algérie propose un produit touristique où l'absence de « surtourisme » est érigée en argument de vente. Les quelques centaines de voyageurs qui parviennent à franchir les barrières administratives et à explorer le pays découvrent un territoire préservé des flux massifs de touristes. Toutefois, cette rareté pourrait également refléter un problème structurel majeur : comment attirer 12 millions de visiteurs en six ans tout en restant fidèle à cette image de destination exclusive ? Un tourisme centré sur le Grand Sud L'une des principales stratégies touristiques de l'Algérie s'articule autour de la promotion de son Grand Sud. Cette région, aux vastes étendues désertiques et paysages panoramiques. Pour encourager le tourisme dans cette zone, l'Algérie a mis en place une exemption de visa pour les visiteurs étrangers qui choisissent de découvrir exclusivement ces régions à travers des agences agréées par l'Etat. Cependant, cette politique laisse à penser que seul le Sud mérite d'être découvert, tandis que les régions du Nord, où vivent des dizaines de millions d'Algériens, seraient dénuées d'intérêt touristique. Cela envoie un signal confus, voire dissuasif, aux voyageurs qui pourraient être tentés de découvrir l'Algérie dans son ensemble. Les défis du tourisme dans le Grand Sud Malgré ses atouts naturels incontestables, le Grand Sud algérien fait face à de nombreux défis. En premier lieu, l'absence d'infrastructures d'accueil adaptées limite les possibilités de développement touristique. En dehors des grandes attractions naturelles comme le désert du Sahara, la région manque cruellement d'infrastructures hôtelières modernes, de centres de loisirs ou d'activités commerciales susceptibles de répondre aux besoins des touristes. La plupart des visiteurs se retrouvent ainsi à dépendre de l'offre basique proposée par les agences locales, souvent rudimentaire et inadaptée à une clientèle internationale exigeante. Lire aussi | Décision CJUE : défaitisme algérien face au bloc européen derrière le Maroc De plus, la sécurité demeure une question centrale dans le tourisme algérien. Bien que le pays ait surmonté la tragédie des années 1990, marquées par la guerre civile, le dispositif sécuritaire reste omniprésent, notamment pour les touristes étrangers. Dans certaines régions, notamment au Sud, il n'est pas rare que les visiteurs soient accompagnés par des patrouilles surarmées, soulevant des interrogations sur le coût lié à la mobilisation de ces "troupes" et sur l'expérience de voyage proposée aux touristes. Cette approche sécuritaire, bien que compréhensible dans un contexte de précaution, émousse complètement l'effet de plaisance recherché par le touriste, et contribue à maintenir une image de destination risquée, ce qui freine les potentiels visiteurs. Sédentariser le touriste algérien Un autre axe stratégique de l'Algérie consiste à sédentariser le touriste algérien. Chaque année, des milliards de dollars quittent le pays lorsque les Algériens partent en vacances à l'étranger, notamment en Tunisie et en Europe. L'un des objectifs des autorités est donc de retenir ces flux financiers en développant une offre touristique locale attrayante. Lire aussi | Cinq choses à retenir du nouveau rapport d'Antonio Gueterres sur le Sahara Cependant, il apparaît clairement que l'Algérie peine à rivaliser avec ses voisins en matière de qualité de service, de compétitivité des prix et d'attractivité générale. Le tourisme intérieur reste marqué par un certain manque de professionnalisme, avec des services souvent en deçà des attentes des vacanciers. Les hôtels et les complexes touristiques, bien que de plus en plus nombreux, peinent à se conformer aux standards internationaux. En conséquence, les Algériens continuent de privilégier les destinations étrangères, où ils trouvent une meilleure qualité de service et un environnement plus convivial, plus ouvert et plus tolérant. Le poids du traumatisme sécuritaire Bien que la situation sécuritaire a connu de grand progrès en Algérie, le traumatisme des années 1990 reste profondément ancré dans la population. Et bien que la sécurité soit revenue, le sentiment d'insécurité persiste, entravant les efforts pour encourager une nouvelle dynamique économique fondée sur le tourisme. Cela est d'autant plus réel qu'à cela pourrait s'ajouter l'insécurité qui continue de peser sur les touristes, dont cette malheureuse Suissesse qui a succombé sous les mains assassines d'un fanatique.