Le 30 mai dernier, Benjamin Netanyahu, Premier ministre israélien, a accordé une interview à LCI, marquant ainsi sa première apparition sur un média français depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas. Ce passage, habilement orchestré, a permis à Netanyahu de démontrer une fois de plus ses redoutables talents en matière de communication politique ainsi que sa monstrueuse capacité à manipuler les faits. Nous avons observé une véritable leçon de manipulation : des mensonges flagrants, des statistiques erronées, des allusions islamophobes et une affirmation sans équivoque de son intention de continuer le massacre contre la population civile de Gaza. Bien au contraire, Netanyahu se présente comme la victime et non le bourreau, et estime être dans son bon droit démocratique en se disant faussement accusé, allant jusqu'à se comparer à Dreyfus. Un véritable spectacle de prestidigitation. Netanyahu a toujours su exploiter les médias pour transmettre ses messages. Il en a encore fait la preuve face à Darius Rochebin, qui, il faut le dire, n'est pas vraiment du genre subversif. Comme à son habitude, Netanyahu évite soigneusement les débats de fond, en simplifiant les sujets complexes et en réduisant les discussions à des slogans. Par exemple, en qualifiant la frappe sur un camp de déplacés à Rafah d'« incident tragique », il minimise délibérément l'ampleur des atrocités commises, détournant ainsi l'attention de la souffrance réelle des civils palestiniens. Netanyahu est indéniablement un orateur charismatique, un talent utilisé dans ce cas pour justifier l'injustifiable. Lors de cette interview, il a su manipuler les émotions du public en comparant la situation en Israël à des attaques terroristes en France, créant des parallèles trompeurs. En évoquant les tragédies françaises pour légitimer les actions de l'armée israélienne, il détourne l'attention des violations flagrantes des droits de l'homme et des accusations de crimes de guerre, voire de génocide, portées contre son gouvernement. Lire aussi | Cessez-le-feu à Gaza : le Hamas juge «positive» la nouvelle feuille de route La clarté apparente des messages de Netanyahu est en réalité une simplification trompeuse des faits. En réduisant le conflit à une lutte contre le terrorisme, il occulte les causes profondes de la violence et les souffrances endurées par les civils palestiniens. Cette approche simpliste empêche une compréhension véritable des enjeux et favorise une vision manichéenne de la situation, où Israël est toujours présenté comme la victime légitime. Un discours qui fait mouche auprès d'une partie de la population française, de plus en plus acquise aux idées d'extrême droite. Le discours de Netanyahu adressé au peuple français, puisqu'il s'agit plus d'une allocution que d'une interview vu le cadre dans lequel se trouvait le Premier ministre, assis dans son bureau d'où il s'adresse habituellement aux Israéliens, n'est qu'un écran de fumée pour masquer les contradictions et les injustices de sa politique. Lorsqu'il justifie les bombardements de Gaza en affirmant que le Hamas utilise les civils comme boucliers humains, il détourne l'attention des tactiques brutales et disproportionnées utilisées par l'armée israélienne. Netanyahu sait également utiliser de manière habile les symboles et les émotions pour renforcer ses messages auprès du public cible. En brandissant des récits émotionnellement chargés, il cherche à légitimer ses actions tout en occultant les conséquences désastreuses de ses politiques. Par exemple, sa comparaison entre les frappes de Tsahal et les actions militaires françaises au Mali est non seulement trompeuse mais aussi insultante à l'égard de la France. Lire aussi | Raid contre un camp à Rafah: Le Maroc condamne Israël et l'appelle à se conformer à la décision de la CIJ Dans les débats, Netanyahu se montre redoutable et s'érige en maître du jeu de dupes. Sa capacité à détourner les questions et à transformer les critiques en opportunités de propagande est une démonstration de cynisme politique. Plutôt que d'aborder les accusations graves portées contre lui, y compris les soupçons de génocide, il préfère se concentrer sur des arguments fallacieux et des comparaisons douteuses. L'intervention de Netanyahu sur une chaîne française doit être mise en contexte. Certains qualifient de « naufrage » la couverture médiatique de cette guerre dans ce pays. Les médias de l'hexagone ont largement pris fait et cause pour Israël, en reprenant les éléments de langage martelés par l'armée israélienne et en oubliant les souffrances du peuple palestinien. Il ne faut pas être surpris de cette « dérive » si on l'a replace dans son contexte historique. Ce biais est le fruit d'une politique médiatique entamée dès les années 90, avec l'émergence des chaînes d'information en continu et leurs façonnement du journalisme de télévision, comme le décrivait très bien le sociologue français Pierre Bourdieu. La simplification des messages et la domination des élites dans les médias ont créé un terrain fertile pour la propagande de Netanyahu. Lire aussi | Le bon, la brute et le truand : Une saga algérienne Les chaînes d'info en continu, focalisées sur le sensationnalisme et les narrations simplifiées, ont ainsi ouvert grand la porte à la manipulation, oubliant leur rôle de contre-pouvoir et leur devoir de fournir une information équilibrée et critique. L'émergence des chaînes d'info en continu a favorisé ce genre de discours simplistes et démagogues. C'est d'ailleurs une de ces chaînes, LCI, qui a offert à Netanyahu une plateforme pour déployer ses stratégies de manipulation sans véritable contradiction. Ces médias, qui, rappelons-le, appartiennent à un quarteron de milliardaires non dénués d'intérêts, cherchent à maximiser l'audience tout en simplifiant les débats, créant un environnement propice à la diffusion de messages populistes et simplistes. Cette dérive médiatique, entamée dès les années 90, a transformé les médias en amplificateurs de propagande, sacrifiant la profondeur et la véracité de l'information sur l'autel de l'audimat et la défense d'intérêts particuliers.