La loi sur les organismes de placement en capital-risque (OPCR) attend son décret d'application, les capital-risqueurs relèvent toutefois certaines contraintes. Une divergence d'objectifs mais également d'attentes. C'est ce qui transparaît de l'esprit même qui régit la réglementation du capital-risque et aujourd'hui de celle sur les organismes de placement en capital-risque. Jeudi 17 avril, le gouvernement réuni en conseil a adopté l'application de la loi relative aux organismes de placement en capital-risque (OPCR). D'une part, une politique gouvernementale faisant de la recherche de financement des petites et moyennes entreprises (PME) son cheval de bataille ; et de l'autre, des sociétés de capital-risque dont le dessein résiderait dans l'identification de PME répondant aux exigences en termes de performance financière, de transparence et de stabilité. Le texte de loi n°45-05 sur les OPCR ne fait pas l'unanimité auprès des intervenants en capital-risque. «Parmi les stipulations du texte de loi, certains éléments sont contraignants», commente d'emblée l'un d'eux, Rédouane Bennani. La législation se heurte dans un premier temps à des considérations d'ordre terminologique. En effet, la première remarque porterait sur la définition même de PME qui se réfère notamment à celle posée par la charte de la PME. Un texte en appelle un autre Cette dernière énonce que pour être considérée comme une PME, les entreprises ayant deux années d'existence, doivent afficher un effectif de moins de 200 personnes et enregistrer un chiffre d'affaires hors taxes qui n'excède pas 75 millions de DH au cours des deux derniers exercices. Quant aux entreprises nouvellement créées, pour correspondre au statut de PME, elles sont tenues d'engager un programme d'investissement initial ne dépassant pas les 250.000 DH. D'ailleurs, le même texte avait déjà spécifié l'élaboration de la loi sur les OPCR, puisque à la disposition 33, il y est stipulé que : «les conditions d'admission des PME pour le calcul de l'affection minimale de 50% visée à l'article 32 seront définies par une loi spécifique». Et cette loi est celle des OPCR. Cette dernière fixe le champ d'application de cette classe d'actifs. Ainsi, il y est précisé que : «le capital-risque est destiné au financement des petites et moyennes entreprises (PME) telle que définies par la loi n°41-05, sous forme de titres de capital et de titres de créances convertibles ou non en titres de capital ainsi que d'avances en compte courant d'associés». À cette règle, une seule exception dont peuvent se prévaloir légalement les OPCR : ils doivent déclarer au CDVM qu'ils sont en période de désinvestissement. L'article 9 de la loi n°41-05 relative aux OPCR apporte d'autres éclaircissements et pose même une certaine nuance. «Le ratio investissement par emploi créé peut être supérieur à 250.000 DH pour les entreprises nouvellement créées». Et c'est cette définition de la PME qui interpelle les opérateurs. «Si l'on se penche sur la définition donnée par la Charte des PME, on se trouve face à ce que l'on pourrait qualifier de très petites entreprises. Toutefois, le capital-risque s'intéresse à toutes les PME», explique le même intervenant. Par ailleurs, il ne manque pas de préciser «que ce mode de financement est destiné aux sociétés en développement et de plus, il a toujours visé à accompagner les start-up». Même s'il faut reconnaître que cela n'a pas été la voie empruntée et qu'il se trouve que jusqu'à présent, à part peut-être lors de rares expériences, aucun fonds n'a été dans ce sens. Il faut dire que l'expérience s'avère très difficile et que l'aboutissement d'une telle stratégie nécessite beaucoup de temps. «Ce dont nous avons besoin ce sont de «champions» PME», précise-t-il. Ce qu'il faut entendre par là, ce sont des entreprises demanderesses d'accompagnement et d'assistance tant financière que technique. Le raisonnement se tient, ne serait-ce qu'au niveau de l'instauration même du concept. En effet, par «capital-risque», il faut entendre un process d'investissement d'un portefeuille dans les PME. Dans la pratique, il convient de souligner que le recours à ce mode de financement intervient durant le processus de financement d'une entreprise. Il n'aide pas à la création ou au démarrage du projet. D'autant plus qu'il ne devient réellement déterminant que lorsque l'entreprise est déjà sur les rails et s'achemine vers le succès. Si le capital-investissement s'aligne à quelques nuances près sur le capital-risque. Il reste que cette dernière formule est à même de mieux répondre aux besoins d'entreprises qui enregistrent une croissance élevée. Et ce n'est certainement pas les PME telles que définies par la charte de la PME qui pourraient profiter avec efficience de ce mode de financement. Par conséquent, le capital-risqueur doit se trouver face à des entreprises dites matures, afin que l'investissement ne soit destiné qu'à une remise sur pied. Elles se doivent de présenter un bilan structuré et une organisation en termes de départements et de services. L'autre reproche formulé par nombre d'opérateurs actifs sur ce marché, repose sur ce que les promoteurs du texte de loi présentent comme «des avantages fiscaux». La loi exige que les OPCR fassent preuve d'une véritable transparence fiscale, toutefois les professionnels sont conscients d'une chose. Insuffisance des incitations fiscales Aucun fonds ne pourra suivre ces mesures limitatives et en même temps, appliquer les fondements mêmes de leur métier premier, celui qui consiste à prendre des risques. Mesurés, certes mais risqués tout de même. De plus, l'absence de mesures d'encouragement fiscales pour les souscripteurs est également un handicap au développement de cet instrument de financement. Ce n'est pas le cas par exemple des Fonds communs de placement à risques (FCPR) en France, dont les porteurs de parts profitent des dispositions élaborées dans le cadre des valeurs mobilières. C'est ainsi que dans l'Hexagone, les plus-values sur les valeurs mobilières et les droits sociaux réalisés par les particuliers sont soumis à un régime unique, celui de l'imposition au taux global de 29 % désormais en cas de franchissement d'un seuil de cessions annuel fixé à 25.000 euros, sauf exonérations. «Au Maroc, par exemple, si la souscription porte sur 10% du salaire, il n'y aura pas de déduction en matière d'IGR», illustre-t-il. En revanche, c'est la loi de Finances pour l'année 2006 qui fixe le système d'incitations fiscales dont pourraient bénéficier les OPCR. À titre d'exemple, il est question d'exonérations sur les dividendes réalisés par ces organismes. Pour se faire, les OPCR sont dans l'obligation de détenir dans leur portefeuille de titres au moins 50% d'actions de sociétés marocaines qui ne sont pas inscrites sur la place financière. Par ailleurs, une autre exigence subsiste. Ces sociétés doivent réaliser un chiffre d'affaires hors TVA d'une valeur inférieure à 50 millions de DH. Toujours en matière d'imposition, reste la question de la TVA. «Elle n'est toujours pas résolue. Le fonds ne génère pas de TVA, puisqu'il ne facture pas ses prestations. En revanche, le fonds se doit de régler la société de gestion», ajoute la même source. Les choses ne semblent pas gagnées d'avance. Les différences de conception entre les pouvoirs publics et les opérateurs nécessitent la mise en place d'une approche participative. La petite histoire La taille de ce marché représente près de 400 milliards de DH, mais en excluant les opérations liées aux secteurs immobilier et touristique. À titre de comparaison, depuis l'an 2000, c'est 20 fois ce qu'il enregistrait comme résultats. Les pionniers en la matière étaient la société de gestion de fonds d'investissement Moussahama, elle fut lancée en 1993. À l'origine, des intervenants de la finance dont principalement la Banque Populaire. Les sociétés de capital investissement ont commencé à apparaître ensuite vers 1999. Depuis huit ans, les professionnels ont créé une association qui regroupe les investisseurs en capital-risque (AMIC). Il faut dire que la plupart des structures sont adossées à des groupes financiers.