Le problème du pouvoir d'achat n‘est pas uniquement d'ordre social, mais aussi politique et économique. Ce n'est plus un leitmotiv populiste pour groupuscules réfractaires. L'attaque contre le pouvoir d'achat est une réalité reconnue autant par le patronat que par le gouvernement. Celui-ci, par le biais de son véritable numéro deux, Nizar Baraka, le ministre des Affaires économiques et générales, ne cache pas qu‘il faut un nouveau contrat social autour de cette question. Avant les dernières hausses concernant les produits de base, les statistiques les plus sérieuses admettaient l'exclusion du circuit de la consommation de prés de 6 millions de Marocains vivant en dessous de seuil de pauvreté avec un revenu situé entre 8 et 12 DH par jour. Certaines extrapolations, pas nécessairement foldingues, font monter ce chiffre, suite aux hausses qui sont en cause, mais la précarité absolue de tous les petits salaires et des faibles pensions persiste. Dans les faits, et c'est reconnu par tous, des salariés et des retraités plongent en dessous du seuil de pauvreté. Le réveil des politiques Les syndicats, subissant la pression de leur base, ont été les premières à réagir. Le nombre de jours de grève a sensiblement augmenté ces derniers mois et le discours revendicatif est véhément, mais avec une lucidité et un sens des responsabilités, annonciateurs d'un changement de mentalité salvateur. Sur la question du SMIG par exemple, les syndicats, dans le cadre de la surenchère, réclamaient un SMIG de 5.000 DH. Aujourd'hui, la FDT propose une revalorisation à 2.500 DH et les autres syndicats à 3.000 DH. La nouveauté, c'est que cette fois la CGEM ne brandit pas le spectre de la sauvegarde des emplois et accepte de négocier «sans préalable», même si certains patrons voudraient profiter de l'occasion pour relifter le Code du travail. Le gouvernement n'est pas en reste, il reconnaît la nécessité d'un geste, seulement l'approche n'est pas la même. Le cabinet El Fassi, c'est une révélation, prépare une revalorisation du SMIG de 10% et un rabais sur les taux de l'IGR avec une possibilité de revalorisation des salaires très réduite. Cette approche répond à des contraintes, la première est que la revendication salariale touche toutes les composantes de la fonction publique et que donc une hausse des bas salaires peut envenimer une situation sociale déjà tendue.La seconde touche au budget et à la fameuse part des traitements des fonctionnaires dans ce même budget. La réponse gouvernementale risque donc d'être un simple coup d'épée dans l'eau, car elle ne sortira pas les petits salaires et les pensons ridicules de la misère. En parlant de pensions, il faut savoir que des retraités de la fonction publique tentent de vivre avec des pensions allant de 600 à 1.000 DH par mois. Dans les tous prochains jours, le gouvernement annoncera des mesures aux syndicats. Le bon point, c'est qu'il reconnaît l'urgence de la situation, le mauvais, c'est que son offre ne répond pas aux besoins des plus démunis. L'USFP et le PJD se préparent déjà à se saisir du dossier au niveau parlementaire. Un danger pour la relance L'augmentation du nombre de pauvres est un drame économique, avant d'être une injustice sociale ou une menace politique. Tous ces ménages ajoutent à la contraction du marché intérieur et pèsent sur les couches moyennes, par le jeu des solidarités familiales, affaiblies mais toujours vivaces, mais aussi sur le plan des revenus des professions libérales et du petit commerce. C'est un véritable cercle vicieux. Les appauvris tirent les couches les plus basses vers la pauvreté. Le logement social par exemple, véritable locomotive de l'économie ces dernières années, ne peut que pâtir de ce tirage vers la baisse. La hantise des gouvernements successifs depuis la sortie du PMS s'appelle les fondamentaux. Parmi ceux-ci, le déficit budgétaire et le taux d'inflation constituaient les noyaux les plus suivis, par ce dernier, sa signification est très subjective. Quand les prix du panier de la ménagère augmentent de 60%, le fait que l'indice n'affiche que 2% de hausse n'altère en rien le désarroi du smigard ou celui du marché ambulant. Le déficit budgétaire n'est pas une religion quant à son taux. Maastricht à fixé 3% pour des économies développées mais c'est arbitraire, le taux acceptable dépend de ce qu'on en fait et de son impact sur la productivité de l'économie. Cette fois, il s'agit d'assurer la cohésion sociale, mais aussi de raffermir la relance en sauvegardant la capacité de consommation. Toute rigidité, toute orthodoxie mécanique, n'auraient qu'un seul effet : mourir guéri ou bloquer la machine tout en affichant de bons fondamentaux. La Banque Mondiale tire la sonnette d'alarme depuis prés de 6 ans. C'est elle qui avait imposé la religion des pourcentages.