L e Maroc a réussi, pendant plus d'une décennie, à contenir l'inflation. Aujourd'hui, elle décolle, elle est à 2,8% pour le premier semestre. Les tensions ont été perçues depuis plusieurs mois, mais l'exécutif a préféré les ignorer en minimisant leur portée. Le plus grave, c'est que cette poussée est totalement endogène. Il n'y a pas une seule décimale qui est importée. Les produits alimentaires sont les premiers à bouger dans le sens de la hausse. Même les fruits et légumes enregistrent cette tendance. Une inflation conséquente, un panier de la ménagère plus cher, alors même que les salaires sont bloqués et que le chômage augmente. C'est un facteur de tensions sociales sous tous les cieux. Le prochain ministre des Finances aura à gérer en plus des déficits, l'inflation. C'est une situation que le Maroc n'a pas connue depuis 20 ans. Cette conjoncture est une réalité qui appelle des politiques publiques appropriées. Tout attentisme laissant filer les prix serait une catastrophe. D 'autres chiffres importants sont disponibles. Le gouvernement a beaucoup communiqué sur le recul du déficit de la balance commerciale au cours du premier semestre. C'est une mauvaise pioche. Le déficit a diminué de 5,3 % certes, sauf que cette baisse est due quasi exclusivement à la compression des importations en hydrocarbures. A l'inverse, les exportations ont baissé sous le poids des phosphates, malgré une bonne tenue de l'agroalimentaire. Si on veut évaluer la compétitivité de l'économie, il faut étudier les statistiques en dehors des importations d'énergie et des exportations de l'OCP. On se rend compte alors d'une érosion continue, d'un déséquilibre structurel, c'est une réalité que nul triomphalisme ne peut masquer. Elle impose la réflexion sur l'industrialisation du pays en vue d'un vrai projet d'avenir. Les défenses commerciales doivent être actionnées, mais ne sont pas la panacée. Il faut arrêter de réfléchir comme si la crise était éternelle et se projeter dans l'avenir par un projet structurant, c'est l'unique voie de salut. L a question de la formation est toujours liée à l'emploi dans le débat public. Or, l'on sait aujourd'hui qu'elle est d'abord un handicap pour les entreprises. Selon des spécialités reconnues, il y a plus de 100.000 emplois vacants, faute de profils adéquats. Les universités marocaines continuent à dispenser, mal par ailleurs, des formations généralistes pour des dizaines de milliers d'étudiants, qui ont une très faible chance d'avoir un emploi. Pendant ce temps, les industriels sont à la recherche d'ouvriers spécialisés, d'agents de maîtrise qualifiés. Le cas Bombardier devrait nous interpeller. Cet investissement n'a pu avoir lieu que parce que l'OCP a formé 800 personnes. Ce n'est pas uniquement le coût de la main d'oeuvre qui intervient dans les choix des investisseurs, mais aussi sa qualité. Le budget de l'Etat consacre des sommes astronomiques à un système de formation déconnecté par rapport aux réalités économiques. C'est là le noeud gordien du chômage. ■