Aussi bien du côté des sociétés que des ménages, les difficultés à rembourser les crédits sont patentes. Mais les banques privilégient l'accompagnement de leurs clients pour passer cette période délicate. A fin mai 2013, les créances en souffrances du système bancaire totalisent plus de 37,7 milliards de dirhams, augmentant de 6,9% depuis le début de l'année et de 11,8% par rapport à la même période de l'année précédente. Et, ce sont surtout les crédits accordés aux entreprises qui dominent. En effet, les sociétés non financières privées totalisent quelque 21,5 milliards de dirhams de créances en souffrances en hausse de 11,1% sur un an glissant et en progression de 5,5% depuis fin décembre 2012. Dans le même temps, les établissements bancaires ont de plus en plus de mal à placer des crédits auprès des clients. En effet, les crédits bancaires ont baissé depuis décembre pour passer de 719 milliards de dirhams à 706 milliards de dirhams seulement. Les ménages non plus ne sont pas en reste, puisque les créances en souffrance les concernant ont atteint 15,8 milliards de dirhams, augmentant de 13,9% sur un an glissant. «Ce sont donc quelque 1,9 milliard de dirhams de créances en souffrances de plus» constate la Banque Centrale. Alors que dans le même temps, les crédits à la consommation sont passés de 39,6 à 40 milliards, soit 400 millions de dirhams de plus seulement. Il est donc clair que l'on est dans une période où les banques ont de plus en plus de mal à recouvrer leurs créances. Il est clair que la crise déteint doublement sur l'activité bancaire, c'est-à-dire à la fois dans la difficulté qu'ont les établissements de crédit à placer de nouveaux crédits et dans l'impossibilité à récupérer les créances. «En réalité, la baisse de la qualité de signature va de pair avec la réduction des engagements», explique Imane Tahiri, analyste financière. Selon elle, «les difficultés de remboursement des clients, qu'ils soient ménages ou sociétés non financières, poussent les banquiers à revoir les ratings, par conséquent le champ des personnes éligibles au crédit». En somme, les banques sont obligées de se montrer plus sélectives face à l'augmentation généralisée du coût du crédit. On a pu le constater d'ailleurs, lors de la publication des résultats en mars dernier. L'ensemble des banques, mais également les sociétés de financement, ont publié des provisions pour créances en souffrances en nette augmentation. «Dans un contexte global de dégradation de la qualité des engagements, notaient en mars derniers les analystes de BMCE Capital Bourse, le coût du risque d'Attijariwafa bank se renforce considérablement, augmentant de 63% par rapport à 2011 à 1,23 milliard de dirhams». Ainsi, le stock de provisions pour créances en souffrance s'est accru en 2012 de 8,4% à 8,8 milliards de dirhams, pour des créances en souffrance en hausse de 11,4% à près de 13 milliards de dirhams. Du côté de la BMCE Bank, le coût du risque était également passé de 872 millions à plus de 1,1 milliard de dirhams entre 2011 et 2012. Evidemment dans l'un et l'autre cas, il s'agit des charges intégrées du groupe, mais on sait que le poids de l'activité au Maroc déteint fortement sur celle de l'ensemble. Pour le cas de la BMCE Bank par exemple, la défaillance d'un important client dans les filiales africaines a contribué à cette détérioration. Enfin pour l'autre grand groupe du secteur, la Banque Populaire, le constat est le même. «le coût du risque consolidé s'était renforcé de 82,6% à pour atteindre 1 272,8 en 2012 et ce, dans le sillage de la politique de provisionnement volontariste du Groupe visant à améliorer le taux de couverture», soulignaient toujours les analystes de BMCE Capital Bourse. Et d'ajouter que «le stock de provisions pour créances en souffrance s'est renforcé de 29,4% à 7,7 milliards dirhams tandis que les créances en souffrance augmentent de 5,7% à 10 milliards de dirhams». Dans ce contexte, le taux de provisionnement augmente de 14,1 points comparativement au à fin décembre 2011 se fixant à 76,9%. Plus récemment, le Crédit du Maroc a rendu public des résultats trimestriels faisant état d'une nouvelle détérioration de son portefeuille client. En effet, son coût du risque a augmenté de 20,6% durant les trois premiers mois de l'année, par rapport à la même période de 2012. Ainsi, son résultat trimestriel qui n'a été que de 100 millions de dirhams pour les trois premiers mois de 2013 a baissé de 18,8%. Pourtant, malgré le changement intervenu, les banques hésitent encore à aller en contentieux. «La plupart des clients font face à des difficultés conjoncturelles, par conséquent, il ne sert pas à rien de les contraindre et de leur causer des soucis supplémentaires», analyse Abdellah Zemmoura, expert-comptable à Casablanca. Quoi qu'il en soit, cette indulgence est perceptible dans l'évolution des taux de contentieux des différentes banques de la place. Il était de 5,2% chez la Banque Centrale Populaire à fin 2012, contre 5,4% à fin 2011. Visiblement, la banque privilégie l'accompagnement de sa clientèle pour l'aider à traverser cette période délicate. Chez Attijariwafa bank, le taux de contentieux du Groupe s'était certes détérioré de 18 points de base à 5,1%, mais il reste à un niveau inférieur à la moyenne du secteur. Il faut dire que ce n'est pas dans l'intérêt des banquiers de mettre davantage leurs clients dans des difficultés quand ils savent que le contentieux ne servira pas à redresser des situations déjà rendues délicates par le contexte. On a pu voir le cas de certaines sociétés qui ont été médiatisées et dans lesquelles les partenaires ont préféré trouver des solutions. Cela a été le cas avec la Samir dont la restructuration de sa dette a été à l'étude pendant de longs mois, avant que le groupe ne se tourne vers des partenaires étrangers pour redresser progressivement sa situation bilantielle. Le même cas a été également observé avec Maghreb Steel dont la tentative de sauvetage est toujours en cours. Jusqu'ici, malgré une forte baisse de son activité et des difficultés à faire face à des engagements de plusieurs milliards de dirhams, les banques se montrent patientes. Néanmoins, pour avoir droit à un tel traitement, il faut une réelle transparence vis-à-vis de ses créanciers. Ce qui n'est pas forcément le cas des PME. C'est ce qui explique que les banquiers ne peuvent s'empêcher de harceler les clients indélicats.