La guéguerre PJD-Istiqlal continue, cette fois, elle implique aussi Karim Ghellab, président du Parlement et donc deuxième personnage de l'Etat. Les motifs, comme d'habitude, sont futiles, mais ils suffisent pour alimenter des discours incendiaires. Aftati, le député PJD qui donne dix déclarations par jour au minimum, réclame le départ de Ghellab, alors que la présidence du Parlement fait partie du package de l'alliance gouvernementale, que le même Aftati considère comme «opérationnelle». Le Comité exécutif de l'Istiqlal n'est pas en reste dans cette surenchère de l'absurde. Il accuse le PJD de despotisme et de tentatives totalitaires. Cela dure depuis des mois, l'Istiqlal a décidé de se retirer depuis six semaines, mais rien ne change : le gouvernement gouverne, le Parlement légifère sauf que l'Istiqlal est le second parti dans la majorité et le premier dans l'opposition. Il vote les projets gouvernementaux, mais les critiques fortement, dénonce leur inefficacité etc... C'est une anomalie qui n'intéresse plus les Marocains qui ont décidé de regarder ailleurs. A l'annonce de la réduction attendue des dépenses de la Caisse de Compensation de 20 %, ils ont interprété cela comme une «promesse» d'augmentation des prix. L'interprétation a été soutenue par des médias, y compris «Al Jazeera». Alors qu'en réalité, il ne s'agit que de projections, un peu rapides faut-il le souligner, sur la base des prix mondiaux des matières premières et de la détente qui semble se dessiner sur les marchés. Mais l'effet est là, tout le monde s'attend à des hausses de prix et les spéculateurs l'anticipent sur tous les produits non encadrés, créant une tension inflationniste qui ne répond à aucun élément objectif. Les systèmes de retraite annoncent publiquement qu'ils sont en danger de mort. Les fonctionnaires en particulier lisent qu'à partir de 2022 c'est-à-dire demain, ils peuvent aller à la soupe populaire, si quelqu'un veut bien l'organiser. Les Marocains ont appris par la presse, parce qu'ils ne suivent plus le Parlement, que des diplômes délivrés par les universités marocaines relevant de l'Education nationale, ne sont pas reconnus par l'Etat. Il s'agit de cursus organisés en collaboration avec des universités étrangères, sanctionnés par des licences professionnelles. Les Marocains ont aussi appris, par la voix d'un syndicat, que le scandale des primes continue au sein du ministère des Finances, qu'un ministre PJD a imposé un secrétaire général qui n'a aucune expérience dans l'Administration, qu'un ancien ministre qui a sorti de grosses sommes d'argent frauduleusement, a eu droit à une transaction « amicale » avec l'Office des changes. Enfin, les Marocains constatent que la corruption, le népotisme sont toujours là, que les scandales dans les communes sont monnaie courante, que la qualité des services publics se dégrade encore plus, que l'enseignement n'arrive pas à stopper ses dérives et que l'insécurité progresse. Dès lors, on ne peut que comprendre que le cirque ne les intéresse plus, ne les fait même pas rire, quand la réunion d'un groupe parlementaire se termine en pugilat. En un an et demi, les partis politiques ont réussi à escamoter l'intérêt pour la chose publique suscité par le printemps arabe, même dans le contexte de l'exception marocaine. On attendait d'eux exactement le contraire, c'est-à-dire le renforcement de l'adhésion des citoyens en crédibilisant les institutions et en mettant en application un texte constitutionnel plébiscité parce qu'avancé. L'habit est trop large pour eux. L'opinion publique l'a compris, c'est pour cela qu'elle s'accommode de l'absurdité de la «crise». C'est la preuve qu'elle n'attend plus rien, ni de l'Exécutif, ni du Parlement, ce qui est un danger pour la stabilité du pays. n