ALM : Les propos de M.Ghellab face au chef de gouvernement étaient-ils ceux d'un Istiqlalien ou ceux d'un président du Parlement ? Mohammed Darif : On distingue deux volets. On peut interpréter la réaction de Ghellab dans le cadre des contradictions qui déchirent la majorité et qui ont trait à ce qui se passe entre le PJD et l'Istiqlal. Dans ce cadre, on ne peut pas faire abstraction du fait que Ghellab est un responsable partisan étant qu'il est membre du comité exécutif de l'Istiqlal. Il se conforme de ce fait naturellement à la position de son parti qui avait décidé de se retirer du gouvernement et qui s'oppose non pas à la majorité mais au parti qui mène la majorité. Mais s'impose surtout la 2ème casquette de Ghellab en tant que président de la 1ère Chambre. Ainsi, il représente les parlementaires, opposition et majorité confondues. De ce fait, il est appelé à défendre leur statut et le respect de leurs prérogatives, face à une volonté de confisquer le rôle des parlementaires et leurs principales fonctions : légiférer et contrôler l'action gouvernementale. Comment se manifeste cette volonté du chef de gouvernement de confisquer le rôle du Parlement ? On remarque que le chef de gouvernement est en train de ne pas respecter la Constitution, notamment au niveau du statut et droits consacrés à l'opposition. Cette Constitution a renforcé le rôle législatif du Parlement en encourageant les députés à présenter plus de propositions de loi et de consacrer au moins une séance mensuelle à leur examen. Mais le plan législatif présenté par le gouvernement est anticonstitutionnel, parce qu'il exclut la contribution des parlementaires dans l'élaboration des lois. Un nombre important de groupes parlementaires dénonce le fait que leurs propositions de loi finissent par être bloquées par l'Exécutif sous prétexte qu'il a présenté les mêmes. Le groupe parlementaire du PJD n'est pas resté de marbre face aux propos de Karim Ghellab… Le contrôle de l'action gouvernementale est aussi confisqué par le parti qui mène le gouvernement. A chaque fois qu'un groupe parlementaire critique le gouvernement, ce dernier rétorque violemment et s'insurge. Exemple: Les critiques du groupe de l'Istiqlal vis-à-vis du projet de loi de Finances ont mérité un communiqué officiel du gouvernement. Le groupe parlementaire PJD lui aussi prend la défense du gouvernement dès que quelqu'un exprime une position différente. C'est dans ce cadre probablement que les députés PJD ont promis de ne pas rester les bras croisés face aux déclarations de Ghellab. Quiconque n'est pas du même avis devient un crocodile pour le PJD. Au lieu de consacrer la liberté d'expression des parlementaires on cherche à la réduire. Peut-on avancer que la crise de la majorité s'est transformée en crise entre les institutions (Parlement Vs gouvernement) ? Malgré tout ce qui a été dit précédemment, aujourd'hui on ne peut pas avancer que la crise est passée de la majorité à un volet institutionnel. Par définition, le Parlement n'est pas homogène et reflète le rapport de force entre les pouvoirs et entre l'opposition et la majorité. C'est vrai qu'il ne fonctionne pas bien: L'opposition boycotte les séances mensuelles du chef de gouvernement. Mais dans les faits, le gouvernement dispose toujours de la majorité malgré les critiques de l'Istiqlal. Toutefois aujourd'hui, il vaut mieux définir le rôle du groupe de l'istiqlal et mettre fin à l'ambigüité et à l'attentisme. La question qui se pose aussi est comment tracer les frontières entre le rôle d'un parlementaire qui représente la nation (sans idéologie quelconque) et le rôle d'un parlementaire qui représente une tendance et un parti?