L'association Al Amana, spécialisée dans le micro-crédit, vient de souffler ses dix bougies. Son principal défi demeure l'évolutivité du cadre légal pour élargir ses services au-delà de la micro-finance. Challenge Hebdo : dix ans déjà que l'association Al Amana existe. Quel bilan critique faites-vous du travail accompli durant ces années ? Zakia Lalaoui : d'abord du positif. Depuis sa création, elle a pu servir 800.000 clients pour un encours de 8,8 milliards de DH. Elle sert en ce milieu d'année 2007 environ 470 000 clientes et clients sur l'ensemble du territoire. Son réseau est constitué de 430 points de vente et emploie aujourd'hui 2200 salariés, ce qui représente le dixième de l'ensemble du secteur financier. Ces performances placent Al Amana parmi les vingt premières institutions de micro-finance dans le monde. Ce qui a fortement contribué à sa crédibilité auprès de son environnement, en particulier les banques et les bailleurs étrangers qui représentent aujourd'hui sa principale source de financement. Désormais, tout en étant convaincue qu'elle a beaucoup apporté à ses clients via le micro-crédit, qui constitue son cœur de métier, elle est consciente que ce qu'elle offre aujourd'hui n'apporte pas une réponse globale à l'ensemble des besoins des populations exclues: dépôts, transferts, monétiques. C'est pour cela qu'elle fait de la diversification et de l'intégration financière son principal axe de développement. L'un des grands défis pour Al Amana et pour l'ensemble du secteur est l'évolutivité du cadre légal qui pourra permettre au secteur de jouer pleinement son rôle dans l'inclusion financière de la majorité. Al Amana et ses consœurs ont déjà entamé la réflexion autour de la transformation institutionnelle. C. H. : qu'en est-il justement de vos projets en perspective ? Z. L. : d'ici à 2011, Al Amana vise à poursuivre sa stratégie de croissance soutenue et maîtrisée pour étendre ses services à un million de clients, pour un portefeuille de 10 milliards de DH. Pour accompagner la croissance et doter l'institution des effectifs et des structures à même de garantir la disponibilité des services, les effectifs seront doublés pour atteindre 3.500 salariés et le nombre de points de vente atteindra 530 antennes et agences. Nous chercherons aussi à nous affirmer sur de nouveaux marchés qui requièrent des approches adaptées: financement des entreprises en démarrage, financement de l'investissement, financement de l'agriculture en tant que mono activité. Lorsqu'elle sera autorisée, Al Amana offrira à ses clients la possibilité de gérer leurs dépôts, les transferts d'argent et les moyens de paiement. C.H : les taux d'intérêts appliqués par les associations de micro-crédit sont jugés prohibitifs. A quand leur révision à la baisse et où en êtes-vous du projet de «bancarisation» des institutions de micro-finance ? Z. L. : Les micro-entrepreneurs qui font appel au micro-crédit n'ont pas d'autre accès au crédit. Ils le considèrent comme la seule ressource leur permettant un accès aisé, sûr et durable et la moins coûteuse pour le financement de leurs besoins. Dans les institutions bien gérées, les taux de remboursement de ces crédits avoisinent 99%, preuve que les taux ne sont pas du tout insurmontables. Et comme les institutions de micro-crédit ne peuvent vivre indéfiniment des subventions, elles doivent couvrir par les produits les charges inhérentes à leur organisation. Les taux élevés sont attribuables aux coûts d'une main-d'œuvre importante. Ces coûts sont nécessaires pour la sélection et le suivi des clients, ils sont aussi sensibles que les prêts sont de faibles montants, accordés sur de courtes durées à des populations vivant souvent dans des zones peu denses et enclavées. Au Maroc, les associations qui ont atteint une taille conséquente s'inscrivent dans une logique de baisse continue des coûts facturés à leurs clients. Al Amana a pu baisser ses coûts de 40% en 2000 à 18,5% en 2007. C.H : il y a deux mois de cela, Al Amana a signé un contrat de prêt de 100 millions de DH. Quels sont les projets ciblés par cette manne? Z. L. : Il s'agit d'un prêt subordonné contracté auprès de Proparco, qui permet de renforcer les quasi-fonds propres de l'association et donc d'obtenir de nouveaux financements bancaires sans que les ratios de solvabilité ne se détériorent. L'autre avantage, c'est qu'assimilé à des fonds propres, il n'est pas remboursé en cas de difficultés, qu'après les autres emprunteurs, et offre aussi l'avantage d'être à long terme. PARCOURS 1989 Diplômée de l'ISCAE (Institut Supérieur de Commerce et d'Administration des Entreprises), option marketing. 1990 Intègre l'ONCF. 2004 Titulaire d'un DESS en marketing de l'Université de Rennes. Novembre 2005 Chef du departement etudes et developpement a al amana.