Destiné aux gens à très faible revenu ne possédant pas les garanties requises par le système bancaire classique, le micro-crédit au Maroc pratique un taux effectif global (TEG) atteignant 45%. Or, la loi ne permet pas aux organismes spécialisés de dégager des bénéfices. Les organismes concernés expliquent le caractère excessif des taux pratiqués par le fait que les bénéficiaires représentent une population potentiellement insolvable. Mais les études menées à l'échelle mondiale à ce sujet montrent un taux de remboursement supérieur à 95 %. La microfinance, qui consiste à fournir des prêts à court terme à des personnes à très faibles revenus pour les aider à lancer leurs activités ou développer leur affaire, serait-ce un cadeau empoisonné? Si elle permet, assurément, aux catégories sociales n'ayant pas accès aux services proposés par des institutions financières classiques d'accéder à des financements alternatifs, elle n'en présente pas moins des non-dits flagrants. Les taux appliqués sont exorbitants. Appliqués, certes, à des petits montants, ils battent tous les records de taux d'usure pratiqués sur le marché marocain. Alors que la nouvelle (bonne pour les clients mais assurément mauvaise pour les opérateurs du crédit) vient de tomber, il convient de renseigner sur les taux réels appliqués pour le micro-crédit. Ainsi, à compter du premier avril et jusqu'au 30 septembre 2004, le Taux effectif global (TEG), c'est-à-dire, le taux de sortie maximum pour un crédit ne doit pas dépasser 13, 95 % contre 14,02 % un semestre auparavant. En face, les chiffres relevés par Planet Rating, organisme relevant de Planet Finance initié par Jacques Attali et dédié au micro-crédit à l'échelle planétaire, font état d'un TEG de…45%. À titre d'exemple, de 1999 à 2001, la fondation Zakoura Micro Crédit a appliqué un TEG de 45 % contre un rendement du portefeuille de 41 %. De l'aveu des opérateurs du micro-crédit, tenant compte de la nature risquée par excellence de la population cible, ces taux sont justifiés. La bonification de ces risques s'impose. Par contre, selon Planet Rating au sujet de Zakoura : « le suivi strict des remboursements sur le terrain assure quant à lui une qualité de portefeuille en constante amélioration ». Les arriérés se situent entre 7 et 365 jours de moins de 0,5 % du portefeuille. Donc, tenant compte du faible taux de recouvrement, cette population qui honore ses engagements, ne pourait-elle pas bénéficier d'un taux moindre ? « C'est justement toute la question de l'équation complexe des taux. Comment expliquer dans le détail un taux pour un illettré?», estime un opérateur du crédit. Dans le détail, un taux comprend un coût du refinancement, un taux de risque et une marge. La population du micro-crédit présente un taux de risque élevé. D'ailleurs, elle est maintenue hors des circuits classiques du financement. En plus, tout en cherchant à préserver leur équilibre financier, les Institutions de micro finance (IMF) doivent offrir les services les plus adaptés aux besoins des micro-entrepreneurs en tenant compte de plusieurs critères comme : la proximité, l'allègement des procédures, l'encadrement constant... Afin de relever le défi que représentent ces modestes transactions avec cette clientèle particulière, les (IMF) doivent se tourner vers des produits financiers spécifiques et des outils technologiques. La microfinance s'est élargie à d'autres services financiers (le crédit, l'épargne, l'assurance). Actuellement dix institutions de micro-finance opérèrent au Maroc. La plupart sont très récentes. À elles toutes, elles ont un encours de crédit de près de 300.000 de DH. Les trois plus grandes sont Al Amana, Zakoura et la Fondation de la Banque Populaire pour le micro-crédit (FBPMC). Elles gèrent près de 85 % des encours et suivent 150.000 clients, qui sont en majorité des femmes. Al Amana (émanation d'un projet de l'USAID, géré depuis par une association marocaine) et Zakoura ont toutes deux entre 70.000 et 80.000 clients actifs (c'est-à-dire des personnes qui ont un crédit en cours). Ce sont les deux plus grandes aussi par les montants distribués : 131 millions de DH d'encours pour Al Amana (donnés à fin mai 2002) et 117 millions pour Zakoura (donnés à fin juin 2002). Une certaine spécialisation existe entre les deux: Zakoura est nettement plus rurale qu'Al Amana et offre des crédits moyens plus petits. La FBPMC, issue de l'initiative de la Banque Populaire, se situe davantage sur les clients en pré-bancarisation. Elle a 25.000 clients pour 63 millions de DH d'encours. La FONDEP, jeune aussi arrive en quatrième position avec 13.000 clients environ pour près de 9 millions de DH d'encours. Elle offre des crédits encore plus petits que Zakoura. Les autres institutions occupent des parts de marchés réduites. Il s'agit de l'AMSSF, l'AGIMC, l'AMOS, Al Karama, Inmaa et l'ATIL. Le 3 janvier 2004, la première session du Conseil consultatif du micro - crédit. Il faut saluer l'effort : en mettant en place un cadre légal pour développer cette activité, on lutte concrètement contre l'exclusion sociale. En parallèle, chargé à Bank Al Maghrib de mettre de l'ordre dans le secteur, son gouverneur, Abdellatif Jouahri, aura assurément à résoudre au mieux cette équation complexe des taux. Reste à espérer que le petit contractant n'en soit pas le paramètre restant sans solution.