Afin de ralentir l'endettement galopant des ménages marocains, Bank Al Maghrib va édicter dès l'année prochaine de nouvelles recommandations relatives aux conditions d'octroi de crédits par les banques et des sociétés de crédit à la consommation et par ricochet exclure du marché des crédits une proportion importante de la population. La dette des ménages marocains, encouragée par l'élargissement de l'offre de crédit et la baisse des taux d'intérêt, affiche un rythme crescendo, les défauts de paiement se multiplient et les créances en souffrance s'accentuent. Déjà en janvier dernier avant la crise du nouveau coronavirus, une enquête annuelle effectuée par Bank Al Maghrib auprès des banques et des sociétés de crédit à la consommation, constatait le surendettement des ménages. L'étude révélait que l'encours de la dette bancaire des ménages, à fin décembre 2019, a culminé à 359 milliards de DH, dont 132 milliards de DH de crédits à la consommation. Rapporté au PIB, le ratio de l'endettement des ménages a atteint 31% ; un niveau très élevé en comparaison avec la moyenne de 20% observée dans les pays émergents. « La principale explication de ce niveau élevé peut être résumée dans l'inadéquation entre la grille des revenus et le prix de l'immobilier au Maroc. La dette bancaire des marocains est constituée à hauteur des deux tiers des crédits logement, soit à peu près 219 milliards de DH, dont 4,2 milliards de DH sous forme de financement mourabaha immobilière, alors que le crédit à la consommation représente, quant à lui, l'autre tiers, soit près de 123 milliards de DH », explique Hicham Sadok, professeur d'économie et de finance à l'Université Mohamed V de Rabat, dans une interview accordée à la MAP. Lire aussi|El Guerguerat : la CGEM salue l'intervention des FAR Avec la crise économique provoquée par la pandémie et ses impacts sur certaines activités, la montée du chômage et la baisse des revenus, combinées à « un contexte particulier qui impose aux banques de lâcher du lest au niveau des règles prudentielles », selon les propres termes du Wali de BAM, les créances en souffrance sont passées de 70 milliards de DH à fin décembre 2019 à 79 milliards de DH à fin septembre 2020, soit une hausse de 13%. Et cela, sans compter les reports des échéances consentis, dès le début du confinement, aux ménages touchés par la crise. La moitié des impayés vient des ménages à cause des pertes d'emplois et des baisses de salaires et de revenus. Selon les dernières statistiques de BAM, la ventilation de l'évolution des créances en souffrance, sur les 9 premiers mois de l'année, montre que la progression des impayés est plus importante chez les ménages (+14,3%) que chez les entreprises. En volume, les impayés des ménages à fin septembre ont atteint plus de 33 milliards de DH. Le taux de créances en souffrance de 11% reste inquiétant quand on le compare avec la moyenne mondiale située autour de 3,7%. Durcissement des règles Il faut dire que jusqu'en 2018, l'accroissement de l'endettement était couvert par un taux de défaillance moindre. Aujourd'hui, le risque est que les banques se verront obligées de se lancer dans des opérations de recouvrement pour assainir leurs comptes ; ce qui est de nature à attiser les tensions sociales. Face à cette détérioration de la situation financière des ménages, BAM va édicter, dès l'année prochaine, de nouvelles recommandations concernant les conditions d'octroi de crédit par les banques et des sociétés de crédit à la consommation et par ricochet exclure du marché des crédits une proportion importante de la population. Principal objectif : durcir les conditions d'octroi afin de ne plus exposer les ménages les plus fragiles au surendettement qui prend de plus en plus des proportions inquiétantes. Ainsi, la banque centrale qui a multiplié les réunions avec les banques et des sociétés de crédit à la consommation, a fini de déterminer les contours de ces nouvelles réglementations. Selon une source proche d'une banque, ces dernières concerneront aussi bien le crédit immobilier que le crédit à la consommation. En attendant d'ailleurs, le durcissement des conditions d'octroi est à l'œuvre, obligeant les clients à revoir ou à abandonner leur projet. Les banques et autres organismes de financement, à qui la crise économique fait craindre une hausse des défauts de remboursement, refusent désormais de prêter aux profils les plus fragiles. Lire aussi|Près d'un décès sur cinq dus à la Covid-19 en Afrique est lié au diabète [OMS]