Les créances en souffrance ont augmenté de 25% en 2013, et représentent près de 6% du portefeuille clients des banques. Cette hausse des impayés s'accompagne d'un ralentissement des crédits à l'économie, notamment pour les entreprises du secteur secondaire, victimes de la morosité de leurs activités. Les banques tiennent à rassurer : «pas de durcissement». L'analyse des statistiques monétaires publiées par Bank Al-Maghrib pour le mois de décembre 2013 révèle que les créances en souffrance des banques ont connu un bond de plus de 25% en glissement annuel (dont 6,9% rien que pour la période entre novembre et décembre 2013). Elles atteignent un encours total de 44,2 milliards de DH, soit une hausse de près de 8,9 milliards de DH (alors que l'encours des crédits bancaires n'a augmenté que de 3,5% à 744,2 milliards de DH). Ainsi, les créances en souffrance représentent en proportion 5,9% de l'encours total en 2013, contre 4,9% en 2012, soit une hausse d'un point de base. Un niveau d'impayés que le secteur bancaire marocain n'avait pas atteint depuis plusieurs années. On reste tout de même loin des niveaux d'impayés du début des années 2000 lorsque la barre des 10% était allègrement dépassée. Toujours est-il que dans un climat global de ralentissement du rythme de progression des crédits à l'économie (+3,5% pour l'année 2013, contre 6,9% en 2012), les créances en souffrance sont aujourd'hui problématiques. Couplées à l'assèchement des liquidités, malgré les injections régulières de BAM, on se retrouve face à une situation qui peut affaiblir les performances de ces établissements, après plusieurs années fastes, puisqu'elle engendre une augmentation du coût du risque. Les banques, pour s'en prémunir, se voient obligées de renforcer leurs stocks de provision, conformément à la circulaire 19 de BAM. Le FMI avait d'ailleurs préconisé en décembre dernier le renforcement du dispositif de supervision bancaire et une politique de provisionnement plus adéquate. Un banquier de la place tient tout de même à relativiser en précisant qu'il n'y a aucun laxisme, puisque «le système est déjà assez durci comme cela, avec plusieurs niveaux de garde-fous». Il poursuit en rappelant que tous les «crédits sont soumis à beaucoup de conditions et à l'aval d'un comité de personne». Durcissement ? «Aucune inquiétude à avoir» L'hypothèse d'un durcissement des conditions d'octroi des crédits n'est pas à exclure, notamment pour les secteurs où il y a le plus de mauvais payeurs. C'est le cas, entre autres, du secteur des BTP, de la sidérurgie, de la chimie, du textile, et de l'agroalimentaire. Ces secteurs pâtissent de la morosité de leurs activités, et de la crise qui frappe le secteur secondaire. Il s'agit le plus souvent de PME sous-capitalisées et qui sont elles-mêmes victimes d'impayés à cause du dépassement des délais de paiement par leurs clients (problème récurrent de l'économie marocaine), occasionnant des problèmes de trésorerie insurmontables. Elles s'inscrivent donc dans un cercle vicieux qui va probablement se répercuter sur les banques. Va-t-on pour autant vers un Credit-Crunch ? La même source répond «qu'il n'y a aucune inquiétude à avoir à ce sujet», notamment «pour les crédits immobiliers et les crédits Fogarim» qui continueront d'être «octroyés selon les mêmes normes et exigences qu'auparavant». La ventilation des créances en souffrance par secteurs institutionnels se fait comme suit : sur les 44,2 milliards, 25,9 milliards de DH concernent les sociétés non financières privées (les entreprises), en hausse de 27,1%, alors que l'on constate une chute de 22,8% des crédits de trésorerie et des comptes débiteurs. Les ménages ne sont pas en reste. En effet, l'encours total des créances en souffrance pour cette catégorie est de 17,8 milliards de DH, en progression de 22,6%, alors que l'on observe une contraction des crédits à la consommation (+1,9%). Enfin, les créances en souffrance sur les autres sociétés financières augmentent, quant à elle, de 16,8% à 47 millions de DH. Dans le détail, les créances en souffrance sur les particuliers et les MRE augmentent de plus de 48%, pour atteindre un encours de 13,3 milliards de DH. Ce chiffre s'explique principalement par le surendettement lié aux besoins de consommation, et par la crise qui perdure en Europe, notamment dans les pays du Sud. Pour les entrepreneurs individuels, en revanche, on constate une baisse des créances en souffrance de l'ordre de 19%. Par ailleurs, les sociétés de financement flirtent toujours dangereusement avec la barre des 10%. En effet, l'encours total est de 97,2 milliards de DH et les créances en souffrance atteignent 9,1 milliards de DH, ce qui nous donne un ratio de 9,4%. La baisse de 3,9% en glissement annuel reste insuffisante. La prolifération des sociétés de recouvrement est à cet égard révélatrice. À ce sujet, le banquier explique que «même au niveau du contentieux, la banque essaie toujours de trouver un arrangement à l'amiable et ne pas saisir les biens, le but étant de récupérer les créances, même à long terme». L'association de la hausse des créances en souffrance et du ralentissement des demandes de crédits soulève donc beaucoup de questions. La publication des résultats annuels dans les prochaines semaines nous apportera les premiers éléments de réponse.