La dette financière des ménages marocains a atteint son plus haut niveau en 2016. L'encours de cet endettement s'élève à 309 MMDH, en hausse de 4,3%. Elle représente ainsi 30% du PIB. Selon Bank Al-Maghrib, ce niveau est jugé élevé par rapport à plusieurs économies émergentes. Sans surprise, l'endettement des ménages est essentiellement porté par les prêts à l'habitat (64%) et les crédits à la consommation (36%). L'endettement global des ménages est à son plus haut niveau depuis plus de 10 ans. Celui-ci continue d'augmenter, même si son rythme est au ralenti. La dette financière des ménages contractée auprès des banques et des sociétés de financement s'est accrue de 4,3% en 2016 à 309 MMDH, en décélération toutefois par rapport à 2015 où elle avait enregistré une hausse de 5,1%. Deux scénarios s'opposent: soit les ménages, tirant les leçons de la crise de 2008, se sont montrés raisonnables et cherchent davantage à limiter leur recours à l'emprunt, soit les ménages s'endettent, mais lourdement. Selon les enquêtes de conjoncture des ménages menées par le HCP, un ménage sur trois se trouve obligé de s'endetter ou de puiser dans son épargne pour boucler ses fins de mois. L'endettement financier moyen par ménage serait passé de 38.600 DH en 2014 à 40.700 DH en 2015, a indiqué le CMC dans sa lettre mensuelle Maroc Conjoncture n°288, une édition spéciale sur le marché intérieur au Maroc. Le constat est sans appel: les Marocains ont appris à vivre «endettés» et avec d'importants découverts bancaires. Les crédits immobiliers quasiment stables Il faut dire que les offres foisonnent auprès des banques et autres établissements de crédits. Ceux-ci proposent plusieurs produits, allant du simple crédit conso à l'achat d'une voiture, en passant par le mouton de l'aïd ou encore le financement de voyages... Mais c'est sans surprise l'acquisition de biens immobiliers qui représente l'essentiel de la dette financière (64%), soit 199 MMDH. Une proportion qui est restée quasiment stable sur les trois dernières années, souligne Bank Al-Maghrib. L'endettement des ménages relatif aux biens immobiliers a poursuivi sa décélération amorcée en 2010, revenant à 4,8% en 2016 après 5% en 2015 et 9,2% en moyenne sur la période 2010-2014. Ce ralentissement intervient en dépit de l'accroissement de 8,8% des nouveaux crédits contractés en 2016 après une baisse de 1,6% et la quasi-stabilisation des prix des actifs immobiliers résidentiels après une hausse de 1,7% une année auparavant. Certes, les taux d'intérêts (indexés au taux directeur de BAM 2,25%) ont atteint des niveaux relativement bas ces derniers mois (autour de 3,5%). Cependant, suivant les professionnels du marché, ces taux devraient retrouver les niveaux pratiqués deux ans auparavant, soit environ de 5% sur 20 à 25 ans. La proportion des bénéficiaires des crédits à l'habitat, dont le revenu est inférieur à 4.000 DH, s'est établie à 33% au lieu de 37% en moyenne entre 2013 et 2015. Celle des ménages ayant un revenu compris entre 4.000 DH et 10.000 DH a été de 38% contre 35% au cours des trois dernières années. Les ménages faisant partie de la fourchette supérieure (plus de 10.000 DH) représentent, quant à eux, 29%. Les défauts de paiement totalisent 22,4 MMDH Outre le financement de biens immobiliers, l'autre part de la dette financière des ménages concerne leurs besoins de consommation (36%), avec un encours de 110 MMDH. Ces crédits conso ont enregistré une croissance ralentie à 3,2% contre 5% une année auparavant. Ces emprunts ont continué d'être majoritairement affectés au financement des projets personnels pour une part en hausse à 66%, suivis par ceux destinés à l'acquisition de voitures avec une proportion de 33%. Selon les chiffres de Bank Al-Maghrib, ces crédits observent un allongement de leur durée de remboursement depuis plusieurs années. La majorité des prêts à la consommation ont une durée initiale supérieure à 5 ans avec une part de 70% (contre 64% un an auparavant). La proportion des prêts d'une durée comprise entre 2 ans et 5 ans est de 26%, alors que celle dont la durée est inférieure à 2 ans est limitée à 7%. «Il faut savoir que le niveau d'endettement reflète le niveau de consommation», souligne un expert. En d'autres termes, si la dette financière augmente, cela traduit une relance de la consommation qui, de son côté, tirera la croissance du PIB vers le haut, «Mais à condition que les ménages ne vivent pas au-dessus de leurs moyens». Sauf que certains ménages acquièrent leur logement à un prix équivalent à 6 fois, et même plus que leur revenu annuel. Pour le CMC, le risque de surendettement des ménages est réel et peut avoir un impact considérable sur la stabilité financière. Ceci dit, les défauts de paiement des ménages ont totalisé 22,4 MMDH, en progression de 1%, niveau comparable à celui de 2015, mais plus faible par rapport à ceux enregistrés au cours de 2013 et 2014. Le taux de défaut s'est ainsi situé à 7,3% contre 7,5% en 2015, recouvrant une baisse de celui des crédits à l'habitat, qui est revenu à 5,8% (contre 6,1%) ainsi qu'un léger recul du taux de défaut des crédits à la consommation, passé de 10% à 9,9%. Il faut dire que face à l'augmentation des impayés, certaines banques et établissements de crédits avaient décidé un certain temps de relever leurs taux d'intérêts. Atonie de l'économie La baisse du volume des créances en souffrance provient autant des ménages résidents que des non résidents. La proportion des résidents représente 7,2% de la dette globale contre 7,4% une année auparavant. Les ménages non résidents ont, quant à eux, vu la part dans leur dette en souffrance revenir à 7,8%, après 8,2% en 2015. Rapportée au PIB du pays, la dette financière des ménages s'est maintenue aux alentours de 30%. Selon la Banque centrale, ce niveau est jugé élevé, comparativement à plusieurs économies émergentes et en développement (la Turquie: 18%, l'Indonésie: 17%, l'Inde: 10%). En Russie, par exemple, où le niveau d'endettement s'établit autour de 15%, les ménages russes sont moins enclins à recourir au crédit, à la fois à cause des conditions de crédit difficiles (taux directeur de 9%), mais aussi parce que les ménages semblent préférer accumuler une épargne préalable. D'un autre côté, le Maroc reste en deçà des niveaux enregistrés par la Chine (44%) ainsi que par les économies les plus avancées (USA: 79%, Japon: 65%, Allemagne: 53%). Notons que l'endettement des ménages aux Pays-Bas défie toute rationalité en atteignant 130% du PIB, un niveau des plus élevés en Europe et qui reflète l'ampleur des emprunts hypothécaires, selon l'OCDE. Pour certains experts, ces chiffres ne démontrent pas forcément le niveau élevé du surendettement, mais révèlent plutôt l'atonie de l'économie du pays. «L'important ce n'est pas le montant de la dette des ménages par rapport au PIB, mais par rapport à leurs revenus. Le fait que l'endettement des ménages grimpe par rapport au PIB est plutôt révélateur du manque de dynamisme de la croissance», souligne un économiste. Placement : les Marocains épargnent moins... Les actifs financiers détenus par les ménages marocains ont progressé moins rapidement en 2016, comparativement aux trois années précédentes. Le patrimoine financier a, en effet, progressé de 5,2%, contre 6% en moyenne au cours des trois dernières années. Ce ralentissement est majoritairement attribuable à la décélération de la croissance des dépôts bancaires, composante principale de ces actifs, s'établissant à 5,6% après 6,6% en moyenne au cours des deux dernières années. Avec une hausse de 8%, les dépôts à vue non rémunérés ont continué d'observer une croissance «vigoureuse», plus importante qu'en 2015 où elle s'est située à 7%. Les ménages ont continué de renforcer leurs placements en comptes d'épargne, mais à un rythme moins soutenu avec une progression de 6%, contre une moyenne de 12% enregistrée au cours des dix dernières années. Par ailleurs, les dépôts à terme, totalisant 103 MMDH, ont connu une baisse de 5% enregistrée pour la première fois depuis 2009 en lien avec la baisse de la rémunération les assortissant.