L'Etat a besoin des bas de laine des ménages pour sortir de l'impasse du budget. Mais cette solution est-elle aujourd'hui viable ? Car on a beau insister sur l'importance d'une dynamique de consommation interne, ou encore sur celle de la mobilisation de l'épargne longue, il est difficile de pronostiquer une réussite pour cette quête des officiels, la faute principalement à l'endettement des ménages. En effet, l'acte d'acquérir une maison, de changer de voiture ou d'acheter un bien électroménager... ne se passe plus de nos jours sans faire appel à des établissements de financement. Surtout lorsque l'on sait que ces institutions, y compris les banques, ne lésinent pas sur les moyens promotionnels pour convaincre les plus réticents. Or, «consommer d'abord et payer ensuite» n'est à présent plus un modèle gagnant. D'un simple sondage auprès de quelques salariés, du privé ou du public, il s'avère que le niveau d'endettement a atteint, au fil des années, des proportions inquiétantes. «Une fois tous les prélèvements de mes traites effectués, mon compte est à sec dès les premiers jours du mois», témoigne un cadre, appartenant, pourtant, à une classe sociale que l'on pourrait classer comme moyenne. À partir de ce constat une question s'impose : faut-il tirer la sonnette d'alarme ? BAM rassure... mais ! Pour Bank Al-Maghrib, le bilan de l'endettement pour le compte de l'année 2009 n'est pas alarmant. «La dette bancaire des ménages a décéléré par rapport à 2008», explique le régulateur. L'encours des crédits accordés aux ménages s'est, en effet, inscrit en hausse de 12,4% à fin 2009 contre 15% une année auparavant, s'établissant à 197,8 MMDH. BAM va même plus loin et compare le niveau d'endettement bancaire au Maroc avec celui de pays comme la France, l'Espagne et le Royaume-Uni. Rapporté au PIB, l'endettement des Marocains ressort ainsi à 27%, contre respectivement 51%, 84% et 98% pour les trois pays européens. Mais, ce rapprochement est-il bien logique ? Il faut, d'abord, préciser que ce niveau de hausse de 12,4% a été enregistré dans un contexte où même les professionnels reconnaissent un durcissement de leurs conditions d'octroi de crédits (conjoncture actuelle oblige). D'autant plus qu'en regardant de plus près l'historique de l'évolution des dettes bancaires, notamment depuis 2006, l'ampleur de l'aggravation du niveau d'endettement se confirme. En effet, à cette époque, l'endettement global des ménages s'établissait aux alentours de 120 MMDH. Aujourd'hui, ce volume a gonflé de 60%, sans pour autant que le revenu du Marocain ne suive. Des petites réformettes ont, certes, été initiées, mais sans être suffisamment compensatoires. Pour le seul cas du Smig, par exemple, et en dépit des derniers relèvements instaurés par le gouvernement, son évolution depuis 2006 ressort inférieure à 34%, passant de 1.659 DH à 2.213 DH. Même constat si l'on considère le revenu brut par habitant dont la hausse frôle à peine les 25% depuis 2006 toujours, d'après les dernières statistiques disponibles auprès du HCP. Au final, «le taux d'endettement, correspondant au rapport entre le montant moyen de prêt par dossier et le revenu annuel moyen du débiteur, s'est établi en moyenne à 28% en 2009, soit 5 points de plus par rapport à l'année précédente», reconnaît BAM. C'est dire que la tendance actuelle plaide, à terme, pour «une asphyxie» des ménages. D'ailleurs, l'autorité de supervision recense déjà que certaines catégories de la population sont devenues aujourd'hui dépendantes des sociétés de financement. Les ménages dont le salaire annuel est inférieur à 36.000 DH, par exemple, affichent un taux d'endettement de 49%. Ce qui était censé être une solution pour faire face à des dépenses exceptionnelles est donc devenu une source de financement inévitable. Rien que pour le crédit à la consommation, «l'encours moyen par dossier est de 27.000 DH en 2009, contre 22.600 DH l'année précédente», rapporte la direction de la supervision bancaire au sein de Bank Al-Maghrib. Cette hausse est loin d'être exceptionnelle puisque depuis 2006, où la moyenne se limitait à 19.000 DH, elle marque une progression globale de 30% sur cinq années. Ce qui témoigne de l'appétit grandissant des ménages en matière de consommation, mais surtout de crédit. Tant mieux, diront certains, car cela leur permet d'améliorer leur niveau de vie ! Mais à quel prix cela doit-il se faire ? Le rythme actuel devra forcément ralentir et ce, sans manquer d'impacter le niveau de consommation globale du pays. Et l'épargne en pâtit Il est clair que favoriser la consommation via l'endettement est devenu problématique. La situation actuelle de l'endettement amène à se demander comment les autorités parviendront à convaincre les Marocains d'épargner, qui plus est, à long terme. Les ménages arrivant à peine à couvrir leurs besoins, il ne restera plus grand chose pour l'épargne. Les derniers chiffres du HCP démontrent bien la tendance baissière du taux d'épargne. Celui-ci s'établissant à 29,7% en 2006 a reculé à 25,1% au terme de l'année 2009. Pis, en 2010 et 2011, il devrait continuer sur un trend baissier selon les prévisions du département de Lahlimi. Est ainsi prévu un taux de 24,8% puis 24,1% respectivement pour les deux exercices. Certes, la réflexion est entamée depuis plusieurs mois sur les moyens à mettre en œuvre pour favoriser l'épargne, cette dernière devant constituer une source de financement pour les investissements du Royaume. Or, aujourd'hui il paraît clair que cette volonté revient à résoudre une équation à trois variables, à savoir l'épargne, la consommation et l'endettement. À défaut, l'Etat devra inéluctablement se tourner vers d'autres sources de financement pour maintenir la dynamique de croissance actuelle. Cette hypothèse n'est, semble-t-il, pas omise par le gouvernement (Voir article ci-contre) . Salaheddine Mezouar compte d'ailleurs prendre son baton de pèlerin pour évaluer le marché international et envisager toutes les options possibles pour financer l'effort d'investissement public prévu en 2011.