Le Maroc et l'Egypte traversent, depuis quelques semaines, des tensions commerciales récurrentes alors que chacun des deux pays accuse l'autre d'entraver l'accès de ses exportations à son marché intérieur. Ce regain de frictions survient dans un contexte où les échanges bilatéraux, encadrés par l'accord d'Agadir, semblent pâtir d'une interprétation divergente des règles d'origine et des normes de conformité. Selon une source au sein de la Chambre de commerce, d'industrie et de services de Casablanca-Settat, confirme l'existence de tensions affectant les flux commerciaux entre Rabat et Le Caire. «Si les exportateurs égyptiens jugent que leurs marchandises sont soumises à des restrictions excessives au Maroc, nos propres produits rencontrent des barrières similaires en Egypte», a-t-on souligné. Assaut douanier, tornade tarifaire L'un des principaux points de crispation réside dans l'augmentation des contrôles appliqués aux importations égyptiennes au Maroc. Selon un importateur marocain, les services douaniers procèdent désormais à des vérifications systématiques de conformité aux normes établies par l'accord d'Agadir, notamment en matière de preuve d'origine et de traçabilité des matières premières. Cette vigilance accrue œuvre à prévenir les pratiques de contournement tarifaire, en particulier l'exportation de produits asiatiques réétiquetés comme étant de fabrication égyptienne afin de bénéficier du démantèlement tarifaire prévu par l'accord. En réponse, les autorités égyptiennes auraient, selon plusieurs acteurs économiques marocains, multiplié les exigences administratives et techniques à l'encontre des exportations marocaines, notamment dans le secteur automobile. Un différend similaire avait éclaté en 2021 lorsque les véhicules assemblés au Maroc avaient subi des restrictions d'entrée en Egypte, malgré leur conformité aux exigences de l'accord d'Agadir. Les mesures antidumping marocaines en ligne de mire Le climat commercial entre les deux pays s'est détérioré avec l'adoption, par le Maroc, de mesures antidumping visant plusieurs produits égyptiens. Depuis décembre 2024, Rabat applique un droit antidumping définitif de 29,93 % sur les importations de tomates en conserve d'origine égyptienne, une décision prise à la suite d'une plainte déposée par la Fédération nationale des industries alimentaires marocaines (FNIAM) dénonçant une saturation du marché local. Par ailleurs, le ministère marocain de l'industrie et du commerce a annoncé la semaine dernière la réouverture d'une enquête sur un éventuel dumping concernant les tapis et couvertures textiles égyptiens, après une requête d'un fabricant égyptien demandant la levée du droit compensatoire de 35,33 % appliqué depuis plusieurs années sur ces produits. Ces décisions marocaines s'inscrivent dans le cadre des prérogatives offertes par les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui autorisent les Etats à adopter des mesures de sauvegarde lorsque l'importation massive d'un produit menace l'équilibre de secteurs industriels nationaux. Selon des économistes proches du dossier, «ces tensions illustrent la nécessité pour les pays signataires de l'accord d'Agadir d'harmoniser leurs interprétations des règles d'origine et d'améliorer leurs mécanismes de résolution des différends.» Un dialogue attendu pour désamorcer les tensions Face à cette situation, une réunion est attendue entre les ministères du commerce des deux pays afin de débloquer les dossiers en suspens. L'objectif affiché est de garantir une application équitable des dispositions de l'accord d'Agadir et d'éviter une escalade protectionniste qui pourrait nuire aux échanges bilatéraux. L'expérience de 2021 montre que ces tensions peuvent être résolues par un dialogue constructif : à l'époque, après plusieurs mois de restrictions mutuelles, un groupe de travail conjoint avait été mis en place pour faciliter les échanges et renforcer la coopération industrielle. Reste à voir si cette nouvelle initiative permettra d'éviter un durcissement des mesures commerciales et de préserver l'essor des échanges entre le Maroc et l'Egypte, qui, malgré ces frictions, ont dépassé 700 millions de dollars en 2024, selon les dernières données du Centre marocain de promotion des exportations (Maroc Export).