La contestation turque des droits antidumping marocains sur les importations d'acier a pris une nouvelle tournure. La phase de consultation engagée en octobre dernier devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) n'a manifestement pas donné lieu à un règlement à l'amiable. La Turquie a décidé de traîner l'affaire sur le terrain juridictionnel. L'Union européenne, la Chine, l'Egypte et l'Inde entrent en ligne de compte. Compliquée, la situation des relations entre le Maroc et la Turquie. Les deux pays se trouvent désormais parties d'une procédure juridictionnelle devant les instances de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). En cause, le différend concernant les droits antidumping appliqués par le royaume à l'encontre des importations turques en aciers laminés à chaud. Pour la petite histoire, le 4 octobre dernier, la Turquie avait notifié au Secrétariat de l'OMC une demande d'ouverture de consultations avec le Maroc au sujet de droits antidumping entrés en vigueur le 26 septembre 2014. La Turquie allègue que les mesures marocaines sont incompatibles avec un certain nombre de dispositions de procédure et de fond de l'accord antidumping de l'OMC. Il s'agit du premier différend porté devant l'OMC duquel le Maroc est partie. Et pour cause, le royaume a décidé, depuis 2014, d'appliquer une nouvelle politique commerciale, plus intransigeante avec les importations anticoncurrentielles. Tension La procédure de consultations permettant de rapprocher les points de vue entre les parties avant l'enclenchement d'une phase contentieuse n'a donc pas permis de trouver un compromis. Dans ces conditions, la Turquie a décidé, le 12 janvier dernier, de demander aux organes de l'OMC d'enclencher la phase juridictionnelle. À sa réunion du 25 janvier 2017, l'Organe de règlement des différends de l'OMC (ORD) a reporté l'établissement d'un groupe spécial. Ce dernier est donc bien établi, mais il attend la constitution de ses membres. Concrètement, la procédure entamée offre au plaignant (la Turquie) la possibilité de défendre les droits ou de protéger les avantages qui découlent pour lui de l'accord sur l'OMC. Selon la Turquie, les droits antidumping appliqués par le Maroc seraient contraires au GATT, à l'accord antidumping ainsi qu'à l'accord sur les procédures de licences d'importation. Cette procédure est également importante pour le défendeur (le Maroc) à qui elle offre l'occasion de se défendre dans la mesure où il peut ne pas être d'accord avec le plaignant sur les faits ou sur l'interprétation correcte des obligations ou des avantages résultant de l'accord sur l'OMC. Selon l'organisation du GATT, l'étape juridictionnelle a pour objet de résoudre un différend juridique et les deux parties doivent accepter les décisions qui pourraient en découler et les considérer comme contraignantes. Toutefois, les parties peuvent toujours régler le différend à l'amiable à tout moment. Brèche! Fait marquant, plusieurs pays semblent hautement intéressés par cette procédure devant l'ORD. La Chine, l'Egypte, l'Union européenne, l'Inde, le Japon, le Kazakhstan, la République de Corée, la Fédération de Russie, le Singapour et les Etats-Unis sont entrés en ligne de compte en tant que tierces parties. En plus des membres plaignant et défendeur, d'autres membres de l'OMC ont la possibilité d'être entendus par les groupes spéciaux et de présenter des communications écrites en tant que tierces parties, même s'ils n'ont pas participé aux consultations. Selon l'article 10:2 du mémorandum d'accord sur le règlement des différends de l'OMC, pour intégrer la procédure du groupe spécial, ces membres doivent avoir un intérêt substantiel dans l'affaire portée devant le groupe. Il se trouve justement que plusieurs de ces pays sont confrontés à des droits antidumping appliqués par la partie marocaine à certains de leurs produits. L'Union européenne est même concernée par la même mesure antidumping appliquée par le Maroc (voir encadré). Autrement dit, une décision qui va à l'encontre des intérêts du Maroc pourrait constituer une brèche dans laquelle pourraient s'engouffrer certaines parties tierces. Historique Suite à une plainte déposée par Maghreb Steel, le ministère chargé du Commerce extérieur avait entamé son enquête antidumping sur les importations de tôles en acier laminées à chaud originaires de l'Union européenne et de Turquie. Au terme de cette enquête, le ministre délégué auprès du ministre de l'Industrie, du commerce, de l'investissement et de l'économie numérique chargé du Commerce extérieur a établi une détermination finale recommandant l'application à titre définitif d'une mesure antidumping, d'un ordre variant entre 11% et 22,11%, pour une durée de cinq ans. Cette mesure est entrée en vigueur le 26 septembre 2014 suite à la publication de l'arrêté conjoint du ministre de l'Industrie, du commerce, de l'investissement et de l'économie numérique et du ministre de l'Economie et des finances n° 3024-14.