La littérature managériale regorge d'exemples de sociétés prospères dont le destin a basculé quelques années après avoir « joué » aux prédateurs ! Et le Maroc n'y déroge point. Après Comarit, l'ex-acteur florissant du transport maritime de passagers qui a sombré quelques années seulement après avoir acquis la branche Passage de la Comanav (son principal concurrent depuis des décennies), c'est au tour de Charaf Corporation de rendre l'âme 12 ans après avoir opéré une croissance externe audacieuse. En effet, malgré plusieurs tentatives de sauvetage non abouties et notamment une mise sous redressement judiciaire de sa filiale Fertima, cet ex-fleuron du secteur de la transformation et distribution des engrais n'a pas pu éviter une liquidation judiciaire sanctionnée à ce jour par plusieurs ventes aux enchères menées sous l'égide du Tribunal de commerce de Casablanca et ayant touché les actifs fonciers et financiers de Charaf Corporation, en attendant de s'attaquer à ceux de Fertima. Retour sur les faits. En 2008, le groupe fondé par la famille Kandil, une vingtaine d'années plus tôt, acquiert 86,6% du capital de Fertima, son principal compétiteur qui présentait sur le papier de formidables synergies aussi bien commerciales, logistiques qu'industrielles avec l'acquéreur. Dans la foulée, ce dernier retire de la bourse de Casablanca sa nouvelle filiale en rachetant tout le flottant. Le nouveau groupe Charaf/Fertima devient, dans la foulée, un mastodonte du secteur avec près de 50% de parts de marché et pesant plus d'un milliard de DH de chiffre d'affaires. Mais au vu de l'endettement élevé occasionné par le financement de la proie (plus grande que le prédateur en fait !) et conjugué à des difficultés de marché d'ordre conjoncturel, l'ex-groupe qui faisait jusqu'en 2006 des sorties régulières sur le marché financier pour financer son cycle d'exploitation avec un certain crédit accordé par les investisseurs, est entré, dès le début de l'actuelle décennie, dans un tourbillon infernal de difficultés de tout ordre. Un engrenage qui a fini par intimer aux actionnaires de jeter l'éponge malgré la mise, dès 2017, sous redressement judiciaire de Fertima dont l'absorption s'est avérée finalement indigeste, voire létale.