La grand-messe des compagnies aériennes africaines, réunies au sein de l'Association continentale, bat son plein à Rabat. Cette rencontre, qui marque la 50ème assemblée générale annuelle de cette association, vise à réunir tous les acteurs du transport aérien du continent en vue de débattre des enjeux, des défis et des opportunités du secteur. Aujourd'hui, malgré sa forte population, le transport aérien du continent ne représente que 2 à 3% du transport aérien mondial. Et le constat de tous les patrons de compagnies aériennes réunis à Rabat est clair : il y a du potentiel, mais il y a encore fort à faire pour booster le trafic sur le continent. « Le transport aérien constitue l'un des défis majeurs que connaît le continent africain. Le déficit qui existe est très important, parce que l'Afrique représente plus de 16% de la population mondiale, alors que le volume de son trafic aérien est insignifiant. Il est évident qu'il y a d'énormes potentialités de développement en Afrique », a insisté Mohamed Sajid, ministre du tourisme et du Transport aérien. Pour Royal Air Maroc, organisateur de cette 50ème assemblée générale de l'l'Association des compagnies aériennes africaines (AFRAA), qui aura lieu le 27 novembre, il est temps que les opérateurs du transport aérien africain unissent leurs efforts pour peser sur l'échiquier international. « Cette rencontre est d'une importance capitale pour nous. Il s'agit de rassembler toutes les compagnies aériennes africaines et tous les acteurs du transport aérien du continent pour partager les expériences, échanger et discuter des innovations à apporter au profit de nos passagers », a soutenu Abdelhamid Addou, PDG de Royal Air Maroc (RAM). « En tant que compagnies aériennes, la majeure partie de la croissance devrait venir de nous, mais, malheureusement, ce sont les compagnies non africaines qui font le plus gros du trafic. Donc, notre rôle aujourd'hui est de savoir comment faire pour prendre le relais, nous développer davantage et innover pour devenir des compagnies aériennes leaders sur le continent. Nous devons nous approprier le slogan Africa first, c'est-à-dire des compagnies africaines pour des passagers africains. La RAM fait donc partie de ces compagnies leaders à même d'apporter cette qualité de services sur différentes villes et capitales africaines », a-t-il analysé. Concurrence En effet, la concurrence, notamment de la part des compagnies aériennes européennes telles qu'Air France, Turkish Airlines et Brussels Airlines, est rude. Même les compagnies des pays du Golfe ont également jeté leur dévolu sur le continent désormais. Même si la RAM, Kenya Airways ou encore Ethiopian Airlines font figure de référence, il n'en demeure pas moins que ce sont les transporteurs internationaux qui tirent la croissance sur le continent. Face à cette situation, les opérateurs africains lancent un appel à l'union. La plupart des responsables qui se sont réunis à Rabat lors de cette 50ème assemblée de l'AFRAA ont émis le vœu de voir rapidement se concrétiser l'initiative du Marché Unique du Transport Aérien Africain (MUTAA), promue par l'Union africaine (UA). Il s'agit de la libéralisation du ciel africain pour doper la croissance du trafic aérien. « Il y a un énorme travail à faire en termes d'harmonisation et de réglementations entre les pays africains », a reconnu Mohamed Sajid, ajoutant qu'il est nécessaire aujourd'hui que les pays africains renforcent leurs coopérations. « Le Maroc a adhéré à l'initiative MUTAA de l'Union africaine. Nous avons déjà signé l'accord. Mais, aujourd'hui, tous les pays signataires doivent traduire cette initiative de façon concrète sur le terrain, en vue d'aller de l'avant dans le développement de ce secteur », a-t-il poursuivi. Abondant dans le même sens, Abderahmane Berthé, secrétaire général de l'AFRAA, a expliqué que la rencontre de Rabat vise à jouer un rôle important dans le sens de cette libéralisation des droits de trafic dans le ciel africain. « Cette assemblée marque un tournant important pour l'aviation africaine en ce qui concerne la libéralisation des droits de trafic. Cette libéralisation est capitale, d'autant plus que la population africaine va doubler d'ici 2050. Et notre ambition est de représenter plus de 10% du trafic mondial à cette échéance », a-t-il assuré. « Cette libéralisation est une obligation si nous voulons améliorer la connectivité entre les pays africains. La baisse des taxes est capitale pour apporter les services adéquats à nos concitoyens. Les aéroports africains demeurent les plus cher du monde, les coûts du carburant sont 35% supérieurs au coût du carburant partout dans le monde. Donc, si on veut générer plus de trafic et attirer plus de flux entre les différents pays, il est nécessaire de mettre cette libéralisation en exécution. Selon l'AITA, alors que les compagnies du monde entier génèrent un profit, certes faible, par passager, pour leur part, les compagnies aériennes génèrent un déficit pour chaque passager transporté. Donc, cette libéralisation est aujourd'hui un impératif », a renchéri le PDG de Royal Air Maroc. Un marché juteux pour les constructeurs De leur côté aussi, les gestionnaires d'aéroports ont une responsabilité importante. « Les aéroports doivent travailler à améliorer leur qualité de service pour attirer plus de compagnies aériennes. Aujourd'hui, les principaux défis auxquels nous faisons face concerne la rentabilité, la qualité de service, etc. Nous devons travailler à rendre nos aéroports beaucoup plus attractifs pour les compagnies », a expliqué Xavier Mary, directeur général de l'Aéroport Blaise Diagne de Dakar (Sénégal). Et d'ajouter : « Nous travaillons de manière à proposer des solutions incentives aux transporteurs aériens pour les aider à ouvrir de nouvelles routes et accroître leurs fréquences et leurs nombres de passagers sur l'aéroport. Il va sans dire que nous sommes dans un univers très compétitif, et pour notre part, l'aéroport Blaise Diagne de Dakar entend tirer son épingle du jeu ». Soulignons par ailleurs que les ambitions affichées par les compagnies aériennes africaines ne font que doper l'appétit des constructeurs mondiaux parmi lesquels Boeing, Airbus ou encore Bombardier. En effet, la montée en puissance du secteur du transport aérien africain va se traduire en une importante acquisition d'avions. De nombreuses compagnies nationales ou régionales devront renforcer leur flotte pour accompagner la croissance du trafic. Du pain béni donc pour les constructeurs mondiaux, qui se frottent déjà les mains. Rappelons que le géant européen Airbus estime que les compagnies d'aviation opérant en Afrique auront besoin d'acquérir 957 avions supplémentaires d'ici 2031, afin de faire face au triplement du trafic.