La récente déclaration de faillite de l'américain Continental Airlines fait trembler la plupart des compagnies aériennes de par le monde. Il ne s'agit là que d'un avant-goût de ce que sera le paysage du transport aérien dans les années à venir sachant que l'IATA ( Association internationale du transport aérien) prévoit, pour 2012, une année terriblement difficile pour le secteur. Des prévisions qui n'arrangent nullement la situation de Royal Air Maroc qui est en train aujourd'hui de jouer les dernières cartes pour sa survie. La compagnie a certes fini par convaincre les pouvoirs publics de mettre la main à la pâte en signant son contrat-programme (www.leschos.ma), mais ce n'est pas suffisant pour la sortir de la crise. Et la crise n'est pas seulement l'année 2012, c'est aussi le nouveau positionnement des compagnies classiques (européennes, américaines et même du Golfe) sur le marché africain qui a été très porteur pour l'activité de RAM ces dernières années. En effet, anticipant la croissance annoncée par l'IATA de l'Afrique subsaharienne (la deuxième forte croissance en termes de passagers en 2014 suite à l'émergence de la classe moyenne en Afrique), les grandes compagnies du Golfe, de l'Europe et des Etats-Unis ont décidé soit de renforcer leurs dessertes sur le continent soit d'y ouvrir des lignes. C'est le cas notamment du géant Emirates Airline qui compte desservir une vingtaine d'aéroports africains, profitant entre autres de la souplesse de ses charges fiscales. Dans ce sillage, la compagnie émiratie va à partir de février prochain relier Dubai à la Zambie et au Zimbabwe. À ce nouveau venu s'ajoutent les américains Delta Air Lines et United Airlines qui vont attaquer le marché ouest-africain, le marché traditionnel de RAM. Bien sûr, il y a également les anciens comme Air France et Lufthansa qui tentent à leur tour de se renfoncer davantage sur le marché. De quoi compliquer davantage la situation de l'aviation civile africaine et surtout la position de RAM sur le continent. Une position que la compagnie nationale a su jusqu'à présent maintenir. Elle a pu faire de Casablanca une véritable plateforme stratégique pour les vols entre l'Afrique et l'Europe. Toutefois, elle doit aujourd'hui supporter ses lourdes charges fiscales qui grèvent sa compétitivité. La compagnie, qui est l'un des plus gros contributeurs fiscaux du royaume (plus de 500 millions de DH), paierait selon son management près de 300 millions de DH de plus que ses concurrents directs (grandes compagnies européennes). Ce point a été souvent soulevé par les drigeants de la compagnie, sans succès ni auprès du gouvernement ni auprès du parlement. Mais aujourd'hui, il faudra bien se situer politiquement et clairement face au danger imminent qu'encourt RAM. S'agit-il de maintenir l'entreprise comme une compagnie nationale, auquel cas il faudra lui en donner les outils et lui créer un environnement à même de lui permettre de concurrencer équitablement les autres géants de l'aérien ? Si la volonté est de céder l'entreprise, il faudra alors préserver sa valeur pour que l'apport de sa cession ait une valeur ajoutée pour les finances de l'Etat. Un filon nommé Afrique Cela étant, la compagnie, si elle bien appuyée, à l'instar de ce qui se passe ailleurs dans le monde, pourrait bien profiter des lacunes du secteur du transport aérien en Afrique. Ce dernier se compose selon Edward Boyo, spécialiste de l'aviation civile, de «cinq compagnies aériennes majors dont RAM qui arrivent à se maintenir et à créer même de la concurrence aux compagnies occidentales, et il y a les autres». Boyo intervenait lors de la dernière assemblée générale de l'AFRAA tenue récemment à Marrakech (leschos.ma). Les autres, ce sont une centaine de transporteurs aériens qui ont du mal à survivre (Nigeria Airways, Air Gabon, Ghana Airways... ont dû cesser leur activité). Cette situation trouve son explication dans plusieurs facteurs. Il s'agit tout d'abord de la grande défaillance du volet sûreté à tel point que plusieurs compagnies africaines sont inscrites sur la liste noire de l'IATA. Ce qui n'est pas le cas de RAM qui réussit tous les test imposés par les réglementations européennes et américaines. Cette défaillance provient principalement de l'absence d'investissement efficient dans ce volet. L'autre problème se rapporte à la vétusté des aéronefs, des installations de surveillance dans les aéroports africains ainsi qu'au manque de compétences. Là encore, RAM fait l'exception avec trois autres compagnies (Ethiopie, Afrique du Sud et le Kenya). Elle a même fait récemment la commande d'un Dreamliner. Bien entendu, les coûts élevés du transport (dû entre autres au monopole de la gestion des aéroports, à la hausse du carburant et au peu d'échanges entre les pays africains) sont également des obstacles au développement des transporteurs aériens africains. À ce niveau, il faut signaler que RAM a bien su adapter ses prix malgré la concurrence des low cost.Ce n'est pas tout. Selon Djibril.B. Taboure, président VP Middle East and Africa, APG, l'autre frein au développement des compagnies africaines en général, réside dans le fait que ces dernières se limitent à leur marché primaire. «Or à côté de ce marché, il y a d'énormes opportunités à saisir avec des petits revenus supplémentaires», conseille Taboure. Tous ces problèmes font que la croissance du continent africain, qui attise les convoitises ces dernières années, n'a pas profité aux compagnies aériennes africaines. En effet, en 2009 plus de 78% du trafic intercontinental ont été réalisés par des compagnies non africaines. Pire encore, les transporteurs africains ont perdu entre 2004 et 2005 plus de 3% de leurs parts de marché au profit de leurs concurrents.