«Le processus de libéralisation est aujourd'hui irréversible. Du fait de la mondialisation des échanges et depuis l'avènement du phénomène de privatisation, de consolidation et de l'exposition du transport aérien aux lois des marchés, l'activité de l'industrie aéronautique ne peut désormais se baser que sur des considérations de rentabilité, à l'instar des autres secteurs d'activités», lance d'emblée Driss Benhima, PDG de RAM, lors de l'ouverture de la 43e édition de l'assemblée générale annuelle de l'Association africaine des compagnies aériennes (AFRAA), qui se poursuit aujourd'hui à Marrakech. À l'événement, près de 350 participants étaient présents, dont les hauts dirigeants des 45 compagnies membres de cette association, ainsi que des industriels, notamment des avionneurs, motoristes aéronautiques et prestataires de services de haute technologie qui accompagnent l'industrie aéronautique. Bien évidemment, le Maroc, qui a opté pour la libéralisation de son transport aérien en signant en 2005 l'accord de l'open-sky avec l'UE, a imposé à la compagnie nationale un plan de survie dans un contexte marqué par la rude concurrence aussi bien des autres compagnies classiques que des low cost. «Cette concurrence s'est faite au bénéfice des usagers et de la nécessité d'accroître le flux touristique pour le pays», note Benhima. Cette libéralisation a eu des impacts aussi bien positifs que négatifs, mais comme le dit si bien le PDG de RAM, la compagnie devait et devrait l'accepter et évoluer en tenant compte de cette nouvelle réalité. S'agissant des impacts positifs, ils ont été enregistrés entre 2004 et 2007 où RAM a affiché une croissance à deux chiffres pendant cinq années consécutives avec une moyenne de 15% d'augmentation de l'activité. Quant au trafic vers le Maroc, il a progressé de 19% par an. La libéralisation a aussi permis d'augmenter le nombre des fréquences hebdomadaires qui est passé de 560 à 991. À cela s'ajoute la création de 360 nouvelles fréquences par semaine dont 228 par les compagnies low cost et 146 par les compagnies classiques. Cela étant, cette ouverture du ciel marocain n'a pas été que bénéfique. En effet, RAM s'est vu confrontée à la multiplication par 12 de la capacité des compagnies concurrentes. «Celle-ci est passée d'un demi-million de sièges pour l'année 2006 à 7 millions en 2010», précise Benhima. Ce dernier ajoute que cette nouvelle donne «a produit une situation extrêmement concurrentielle, face aux pressions exercées par les low cost sur le hub principal de la compagnie, ainsi qu'une surcapacité, ce qui a entraîné une dégradation des revenus à deux chiffres sur les routes traditionnelles, au même titre que les autres compagnies dites traditionnelles». Ce n'est pas tout, puisque la compagnie nationale a dû faire face également à la hausse du prix du baril (110 dollars). Ce qui a fragilisé son équilibre financier (www.leschos.ma). Ceci sans oublier la baisse de l'activité de la compagnie suite aux conséquences de la crise économique mondiale, et celles du printemps arabe. L'appel d'offres qui sera lancé incessamment par l'ONDA pour attirer de nouveaux opérateurs dans le handling menace également RAM qui assure cette activité. «Toutefois, la compagnie a réussi à doubler son trafic, à moderniser sa flotte, à élargir son réseau de vols et à faire de Casablanca une véritable plateforme stratégique (hub) pour les vols entre l'Afrique et l'Europe», soluligne Benhima. La compagnie qui vient de signer un contrat-programme pour 9,3 milliards de DH (www.leschos.ma) a décidé de «s'attaquer à ses handicaps et aux freins qui grèvent sa compétitivité en se recentrant sur son cœur de métier». Elle ainsi décidé de céder certaines de ses filiales et de moderniser sa flotte. Le mangement de RAM a également engagé un programme de rationalisation de ses ressources. Le but étant de diminuer le gap avec ses concurrents. Concrètement, ce programme se traduira par la baisse des charges annuelles de plus d'un milliard de DH. «Mais rien n'est acquis d'avance», tient à préciser Benhima. Par ailleurs, de l'intervention du directeur général de l'IATA, Antony Tyle, il ressort une grande préoccupation de l'Organisation quant à la situation de l'aviation civile dans le continent africain. Une situation qui se corsera d'avantage en 2012 avec des prévisions pour le moins inquiétantes pour le transport aérien. Un avis que partage le secrétaire général de l'AFRAA, Dr. Elijah Chigosho. Pour ce dernier, l'un des grands handicaps à l'évolution des compagnies africaines reste la sécurité. En effet, plusieurs transporteurs aériens africains figurent sur la liste noire de l'IATA et sont interdits de survoler certains espaces aériens comme ceux de l'UE notamment. Aussi, pour sortir de cette black liste, ces compagnies devraient appliquer les standards internationaux, moderniser leurs flottes et former leurs personnels. C'est ce qui ressort des recommandations de l'IATA et de l'IFRAA. Autre recommandation, la libéralisation des espaces aériens. «Cette libéralisation de l'accès des marchés du transport aérien en Afrique a été adoptée en 1999. Mais sa mise en œuvre reste timide», rappelle Benhima. Ce qui fait que l'Afrique reste largement dépassée par les autres continents. Ce n'est pas tout, l'industrie du transport aérien en Afrique aujourd'hui très peu développée (à part quelques compagnies). Elle souffre entre autres de la faiblesse de son réseau et des coûts du voyage par avion qui sont relativement élevés. «Le monopole de l'exploitation dans plusieurs aéroports africains n'arrange pas non plus les choses», ajoute Dr. Elijah Chigosho. Ces facteurs d'évolutions négatifs font qu'aujourd'hui l'Afrique ne représente que 4,5% du trafic aérien mondial.