A en croire les participants à la 43ème assemblée générale de l'AFRAA, le chemin est encore long, mais possible, pour sortir l'Afrique de son anarchie et ses réglementations vétustes dans le domaine de l'aviation civile. « L'Afrique est toujours à la traîne». Ce constat de Driss Benhima, P-DG de la RAM et président de l'Association africaine des compagnies aériennes (AFRAA) résume amplement l'esprit qui a dominé la 43ème assemblée générale de cette association tenue hier à Marrakech et qui se clôturera aujourd'hui. Les participants à cette assemblée sont unanimes : L'Afrique est en perte de vitesse par rapport aux autres continents dans la libéralisation des services du transport aérien à cause d'un système complexe d'accords protectionnistes bilatéraux du service aérien. « Après avoir vécu sous l'ombre des protections gouvernementales, les compagnies aujourd'hui sont exposées aux forces et mécanismes des marchés. De ce fait, le processus de libéralisation est maintenant irréversible. », met en garde Benhima. Ce dernier rappelle, d'ailleurs que la RAM a participé activement au développement de l'activité du transport aérien en Afrique avec ses 24 dessertes en direction de la région subsaharienne, mais s'indigne fortement quant aux restrictions toujours en vigueur dans certaines régions. Ces restrictions à l'accès aux marchés peuvent concerner les limitations aux capacités aériennes, aux fréquences, aux routes et aux droits de trafic. Et pourtant, un accord existe ! Cependant, il existe un accord favorisant la libéralisation. En 1988, les pays membres de l'Union africaine ont adopté la déclaration de Yamoussoukro pour une nouvelle politique aéronautique africaine tendant vers l'élimination des barrières et l'unification des marchés. Elle a été adoptée en 1999 mais sur le terrain sa mise en œuvre reste très timide. Sur ce registre Elijah Chingosho, secrétaire général de l'AFRAA a profité de cet événement pour lancer un appel à toutes les compagnies aériennes et gouvernements africains. « Il faut multiplier les efforts et mettre en place une réglementation libérale. Il est urgent qu'on mette en œuvre la déclaration de Yamoussoukro et arrêtons de surtaxer et mettre la pression fiscale sur l'un des secteurs les plus importants du continent », a recommandé Chingosho. Pour exemplifier l'ampleur du protectionnisme qui sévit dans ce secteur, les commissions au niveau de l'aviation civile africaine dépassent de loin la moyenne mondiale ou celle européenne et pour ne pas faciliter la tâche aux compagnies aériennes, les Etats africains gardent toujours leur monopole sur ce secteur ou les services annexes comme le catering. Chingosho a également haussé le ton à l'encontre de certains Etats africains qui n'ont pas démontré une politique volontariste d'ouverture. «Pourquoi sommes-nous encore loin des meilleures pratiques internationales en matière de sécurité et de contrôle et pourquoi l'Europe a blacklisté une grande partie des pays africains ? Pourquoi ne pas élaborer des stratégies de formation et conserver nos profils pointus dont la plupart fuient en Europe ? », s'est demandé Chingosho. Quand l'Europe blackliste les pays africains… Le secrétaire général de l'association est aussi alarmé que déterminé à mener à bout plusieurs chantiers lancés sous la houlette de Benhima. « Nous accompagnerons toutes les compagnies et pays africains qui souhaitent moderniser leur flotte et voudraient agir pour davantage d'efficacité énergétique grâce à nos récents partenariats avec l'OACI (Organisation de l'aviation civile internationale)», a-t-il lancé. Même son de cloche auprès de l'IATA (Association internationale du transport aérien). Son P-DG Antony Tyler a également rappelé la situation protectionniste et anarchique en Afrique. Ce phénomène a été derrière la perte de vitesse de l'aviation civile africaine en 2011 puisqu'elle a perdu plus de 2,3% alors que la moyenne mondiale a été de 1%, selon Tyler. Absence de transparence A l'image du coup de gueule de Chingosho, Tyler a également fait part de son irritation quant au préfinancement des infrastructures aéroportuaires en Afrique qui sont concédées sans consultation et sans transparence. De plus, l'industrie du transport aérien sur le continent est caractérisée par un réseau faiblement développé de services programmés et d'un coût de voyage par avion relativement élevé. Par ailleurs, le P-DG de l'IATA a tiré la sonnette d'alarme quant au niveau faible de contrôle et de sécurité dans les aéroports et compagnies africaines. De ce fait, l'Afrique qui ne représente que 4,5% du trafic aérien mondial, ce qui très timide par rapport au potentiel africain, est plus que jamais invitée à revoir sa réglementation, sa politique protectionniste et la modernisation de sa gouvernance. Toutefois, le P-DG de l'IATA a tenu à souligner que des changements sont bien possibles à condition de s'armer d'une réelle volonté politique. Et pour illustrer ces changements, le P-DG de l'IATA a rappelé le cas de la Chine qui avait un déficit criant en infrastructures, sécurité et aussi en formation. De ce fait, les participants et responsables présents à cet événement sont obstinés à changer la donne en libéralisant et modernisant le secteur et endiguer les restrictions. Reste à savoir si les gouvernements africains seront de la partie.