La plainte déposée contre Abdeslam Belkchour, président de la commune de Zemamra, a été transférée à la chambre des crimes financiers près la Cour d'appel de Casablanca, selon des sources qui se sont confiées à Barlamane.com. Saisie ab initio par le procureur général du roi auprès de la cour d'appel d'El-Jadida, cette affaire a été réorientée pour incompétence territoriale vers l'instance spécialisée en matière de crimes économiques et financiers. Cette décision judiciaire trouve son origine dans une plainte formulée par l'Instance nationale de protection des biens publics au Maroc (INPBPM), qui accuse le président de la commune de Zemamra d'abus de pouvoir, de fraude et de détournement de fonds publics, sur la fondement de révélations contenues dans un rapport de la Cour des comptes (juridiction financière de l'ordre administratif). Des marchés publics entachés d'irrégularités Selon les éléments contenus dans la plainte, la gestion de plusieurs projets municipaux à Zemamra aurait été émaillée d'irrégularités. Parmi les cas les plus édifiants, figure un marché d'aménagement d'une canalisation d'irrigation, attribué en 2011 à une entreprise pour un montant de 2,65 millions de dirhams. Après un arrêt inexpliqué des travaux durant deux ans, la municipalité aurait procédé à la résiliation unilatérale du contrat, avant de lancer une nouvelle adjudication sans justification claire. Autre projet mis en cause, celui de l'aménagement de la grande place de Zemamra, qui aurait donné lieu à des achats redondants et à des surfacturations. Un premier contrat, conclu en 2012 pour 391 140 dirhams, prévoyait la fourniture de gazon, de plantes et de terre végétale. Pourtant, quelques mois après la réception des travaux, la commune aurait passé un second marché, d'un montant de 192 000 dirhams, pour l'achat de quantités supplémentaires des mêmes matériaux auprès du même fournisseur, en l'absence d'une procédure transparente garantissant la mise en concurrence. Surfacturations et modifications techniques suspectes L'examen du compte définitif d'un marché de voirie daté du 1er février 2018 révèle un dépassement de 38 % des quantités prévues, portant le montant total payé à 60,71 millions de dirhams, au lieu des 517 680 dirhams initialement arrêtés. De même, six abris de stationnement auraient été réalisés à un coût de 216 000 dirhams, alors que le marché initial ne prévoyait que la construction de cinq unités pour 180 000 dirhams. Dans un autre volet de l'affaire, les enquêteurs s'intéressent à la modification des spécifications techniques de mobiliers urbains, notamment des bancs publics. Commandés en béton armé dans le cadre du marché initial, ils auraient finalement été réalisés en bois et ferronnerie, entraînant une augmentation du coût unitaire de 4 000 à 4 500 dirhams. Ces changements ont été entérinés par un procès-verbal signé par le maire, l'architecte municipal et le chef des services techniques, sans qu'aucune justification technique ou budgétaire convaincante ne soit avancée. Des ouvrages inachevés et des équipements manquants L'Instance nationale pour la protection des deniers publics signale également des manquements flagrants dans l'exécution de projets d'aménagement urbain. Dans le cadre de l'installation de trois fontaines publiques pour un budget de 416 760 dirhams, seuls 59 % des travaux auraient été réalisés, limitant l'installation à deux fontaines au lieu de trois. De même, la municipalité aurait renoncé à la pose de 24 lampadaires décoratifs, arguant de leur vulnérabilité au vandalisme, sans pour autant prévoir de solution alternative. Appel à une enquête approfondie Face à l'ampleur des anomalies relevées, l'INPBPM a sollicité l'ouverture d'une enquête judiciaire approfondie, confiée à la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ). L'objectif est d'identifier l'ensemble des responsabilités pénales et administratives dans ces irrégumarités et, le cas échéant, d'établir les charges pesant sur Abdeslam Belkchour et ses éventuels complices. La transmission du dossier à la Chambre des crimes financiers de Casablanca marque une étape clé dans cette affaire qui pourrait aboutir à des poursuites judiciaires contre des responsables locaux accusés d'avoir manipulé des marchés publics à des fins frauduleuses, révèlent des sources proches du dossier.