Une étude commandée par le gouvernement marocain et menée par un cabinet de conseil spécialisé préconise un relèvement progressif de l'âge de départ à la retraite à 65 ans dans le secteur public et privé. Ce projet, qui s'accompagnerait d'une hausse des cotisations, s'emploie à préserver la viabilité des régimes de retraite confrontés à une érosion progressive de leurs réserves. Transmise par le ministère des finances aux organisations syndicales lors d'une réunion mercredi 5 février, cette étude, dont les conclusions ont fuité, évoque «l'urgence d'une réforme systémique afin de garantir la pérennité du système de pension sur le long terme, tout en veillant à l'équité intergénérationnelle et à la préservation des droits acquis.» L'un des objectifs affichés serait également «de poser les bases d'un régime unifié, fusionnant progressivement les différentes caisses existantes.» Un déficit abyssal et un horizon de rupture inquiétant Les projections contenues dans le rapport dressent un constat alarmant : le régime des pensions civiles, qui assure la retraite des fonctionnaires, devrait épuiser ses réserves – estimées à 68 milliards de dirhams– d'ici 2028. Le régime du secteur privé suivrait la même trajectoire, avec une extinction de son fonds de réserve, actuellement évalué à 61 milliards de dirhams, à l'horizon 2038. Sans réforme structurelle, le déficit du système deviendrait insoutenable. À elle seul, la Caisse marocaine des retraites (CMR)– chargée de la gestion des pensions des fonctionnaires – nécessiterait une injection annuelle de 14 milliards de dirhams pour honorer ses engagements. Un fardeau qui, à terme, pèserait lourdement sur les finances publiques et la soutenabilité budgétaire du pays. Face à cette impasse annoncée, la réforme des retraites s'impose désormais comme un chantier prioritaire du gouvernement d'Aziz Akhannouch, qui traîne sur ce sujet. Si la question du relèvement de l'âge légal reste sensible, la nécessité d'une refonte profonde ne fait plus débat, d'autant que la réforme de 2016 – qui avait porté l'âge de départ des fonctionnaires à 63 ans et relevé les cotisations de 20 à 28 % – n'a offert qu'un sursis temporaire, prolongeant l'équilibre financier du système jusqu'en 2028 au lieu de 2022. Un dialogue social sous haute tension Dans ce contexte, la ministre de l'économie et des finances Nadia Fettah a présidé la première réunion du comité chargé de piloter la réforme des régimes de retraite. Cette instance, mise en place dans le cadre de l'application des engagements issus de l'accord social et du Pacte national du dialogue social signé le 30 avril 2024, réunit les représentants des syndicats les plus influents (l'Union marocaine du travail [UMT], l'Union générale des travailleurs du Maroc [UGTM] et la Confédération démocratique du travail [CDT]), ainsi que ceux du patronat (la Confédération générale des entreprises du Maroc [CGEM] et la Confédération marocaine de l'agriculture et du développement rural [Comader]). Au cours de cette réunion, les participants ont validé la méthodologie de travail et le calendrier des discussions. L'objectif est de définir un cadre général pour la réforme avant la prochaine session du dialogue social, prévue le mois prochain. Le gouvernement espère parvenir à un consensus et amorcer la mise en œuvre des mesures dès la mi-2025. Si les syndicats reconnaissent la nécessité d'une réforme, la perspective d'un report de l'âge légal de départ à la retraite reste un point de crispation majeur. Les négociations s'annoncent donc ardues, entre impératifs de soutenabilité financière et revendications sociales. À l'approche des prochaines échéances électorales, la capacité du gouvernement Akhannouch à piloter cette réforme hautement sensible sera scrutée de près, bien que sa gestion des conflits sociaux soulève d'énormes appréhensions.