Dans le discours du 6 novembre, le roi Mohammed VI a mis les pendules à l'heure à propos de la question du Sahara, en pointant du doigt à la fois ceux qui tiennent un discours passéiste et prônent des solutions obsolètes tout en se dérobant à leurs responsabilités, ceux qui visent en réalité des bénéfices pour eux-mêmes et ceux qui utilisent cette affaire comme dérivatif. Le voisin de l'Est, qui n'est pas nommé, coche plusieurs cases. C'est ainsi que le Souverain a mis en cause : * Ceux qui réclament toujours la tenue d'un référendum, «en dépit de l'abandon de cette option par les Nations unies du fait de son inapplicabilité.» * Ceux, et ce sont les mêmes, qui refusent le recensement des populations séquestrées dans les camps de Tindouf où, « tenues en otages dans des conditions lamentables, elles sont humiliées, malmenées, privées des droits les plus élémentaires.» * Ceux qui, «dans leur convoitise d'un accès à l'Atlantique, instrumentalisent l'affaire du Sahara.» À ce sujet, Mohammed VI a précisé que le Maroc n'est pas opposé à cet accès. «De fait, a ajouté le roi, ainsi que chacun le sait, le Maroc a été l'artisan d'une initiative internationale tendant à faciliter l'accès des Etats du Sahel à l'Océan atlantique. Conçue dans un esprit de collaboration, de partenariat et de progrès partagé, cette entreprise se propose d'être bénéfique à l'ensemble des pays de la région.». * Ceux qui «se servent de l'affaire du Sahara comme paravent pour couvrir leurs nombreux problèmes intérieurs.» Les médias algériens, dans leur quête d'une justification de ce qu'ils appellent un langage musclé, mettent en cause le rapprochement entre le Maroc et la France, comme ils ont invoqué hier les relations du Maroc avec les Emirats ou Israël et comme ils évoqueront demain le soutien américain au Royaume. Tenus à des éléments de langage convenus, ils ne peuvent comprendre que le Maroc est maître de ses décisions. Il l'a montré dans le passé en tenant au régime algérien le langage de la fermeté, puis en lui tendant vainement la main, et il le montre aujourd'hui en lui disant, avec le tact requis, «basta !.» La sagesse et la vision, qui sont les marques de fabrique de la diplomatie royale, commandaient cependant de faire un geste et de tendre une perche à un régime en désarroi qui tire ses dernières cartouches : l'Algérie aussi peut, si elle le souhaite, bénéficier de l'initiative atlantique. Pour, par exemple, exporter du minerai de fer, ainsi qu'il est prévu dans la Convention de coopération entre le Maroc et l'Algérie pour la mise en valeur de la mine de Gara Djebilet signée en juin 1972. Pour finir, le roi a invité les Nations unies à assumer leurs responsabilités «en mettant en évidence la grande différence entre deux paradigmes : celui qu'incarne le Maroc dans son Sahara, réaliste et légitime, et celui qui repose sur une vision sclérosée, coupée du monde réel et de ses évolutions.» Le Conseil de sécurité ou ses membres les plus influents doivent désigner le responsable du blocage, l'Algérie, et lui enjoindre soit de retourner à la table des négociations, soit de lever définitivement le pied de la question du Sahara. La mention dans la dernière résolution du Conseil de sécurité de «la dynamique récemment créée» va dans le bon sens et l'appel à mettre cet élan à profit s'adresse principalement à l'Algérie. Conflit de basse intensité Celle-ci s'obstine à vouloir maintenir en vie ce qui, aujourd'hui, est un «conflit de basse intensité» maîtrisé. Les récents attentats terroristes contre la population de Mahbès, survenant après les tirs sur Smara en octobre 2023 et en mai 2024, ne laissent plus de place au doute. Ces actions irréfléchies ne peuvent pas être attribuées à des éléments incontrôlés ou à des bavures. Elles ont été autorisées pour ne pas dire ordonnées par le régime algérien, qui en assume l'entière responsabilité. Les attentats ont alimenté des spéculations sur une potentielle escalade militaire et certains ont même agité le risque d'un affrontement direct entre le Maroc et l'Algérie. En juillet 2020, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a dit au micro de France 24 : «Je ne pense pas [qu'il y aura une escalade entre le Maroc et l'Algérie]. La sagesse a toujours prévalu entre les deux pays.» C'est le même président qui, six mois plus tard, a déclaré au Figaro qu'il avait rompu les relations diplomatiques avec le Maroc «pour éviter la guerre.» Plusieurs raisons – d'ordre régional, international, diplomatique et militaire – rendent une confrontation directeimprobable. Certes, Alger, faute d'autre moyen, s'emploie à intensifier la tension mais son but essentiel est de rappeler l'existence du «polisario», de remettre ses harkis en selle et de leur assurer voix au chapitre. L'Algérie est confrontée à des défis internes majeurs, politiques, économiques et sociaux, en raison de sa dépendance aux hydrocarbures, de la pression populaire pour une vraie démocratie et de l'impopularité des dirigeants. Malgré les mensonges officiels et le matraquage incessant de la propagande, le régime algérien n'aura pas d'arguments pour justifier auprès de l'opinion publique algérienne une aventure militaire. Ce serait une guerre injustifiée contre un voisin qui n'a pas cherché querelle à l'Algérie. Les officiels algériens, qui répètent à l'envi que l'Algérie est «encerclée», «ciblée» et «menacée», peuvent certes provoquer un incident et invoquer la légitime défense. Mais, ce qui était possible autrefois est rendu aujourd'hui difficile par les moyens électroniques de surveillance et de détection. Contexte défavorable à l'Algérie Mais, auparavant, la question qui se pose est simple : Pourquoi le régime algérien commettrait-il l'irréparable ? Par haine du Maroc ? On peut imaginer que des responsables algériens rêvent d'en découdre avec le Maroc, un peu pour venger la défaite de la guerre des Sables, un peu pour «donner une leçon» à ce voisin qui, décidément, ne veut pas se laisser impressionner par la «force de frappe» de la «puissance continentale.» Mais on ne déclare pas la guerre pour des motifs indéfendables. L'objectif serait-il alors de «libérer» le Sahara occidental et d'y installer le «polisario» ? Scénario hautement insensé et plein de risques. Quoi qu'il en soit, le contexte régional ne se prête pas à un conflit militaire. L'instabilité en Libye et au sud de son territoire impose à l'Algérie de maintenir une certaine prudence. Une guerre perturberait la région, mais risquerait surtout de déstabiliser l'Algérie elle–même et d'attirer sur elle l'attention des puissances extérieures. Les autorités algériennes ne voudront pas que leur pays soit perçu comme un Etat voyou et agresseur. Le contexte international n'est pas favorable à l'Algérie. Le Maroc a conclu des alliances stratégiques solides avec des puissances mondiales et régionales, dont les Etats-Unis, Israël et plusieurs pays européens. Ces partenariats offrent à Rabat un soutien militaire et diplomatique solide, particulièrement depuis la reconnaissance américaine de sa souveraineté sur le Sahara occidental en 2020. Une agression de l'Algérie risquerait de provoquer une réaction internationale coordonnée, isolant davantage Alger sur la scène mondiale. Au passage, notons que l'entrée au gouvernement du chef d'état-major est une mesure d'ordre purement interne. En tant que ministre délégué, Chengriha pourra désormais assister au conseil de gouvernement et peser sur la conception de la politique gouvernementale, voire veiller personnellement à la prise des décisions requises plutôt que de les dicter au président. Sur le plan diplomatique, une intervention militaire algérienne directe serait perçue comme une escalade injustifiée, nuisant à l'image d'Alger. L'Algérie risquerait un isolement accru au niveau maghrébin, arabe et africain. À l'Union africaine et aux Nations unies, l'Algérie serait clairement mise à l'index. Stratégie de la tension Du point de vue militaire, si l'armée algérienne (ANP) dispose d'un arsenal important comme elle ne se prive pas de le montrer régulièrement dans les shows passés de mode qu'elle met en scène, les coûts d'une guerre conventionnelle sont extrêmement élevés, même pour un pays gazier. L'ANP, contrairement à l'armée marocaine, a un seul fournisseur dont dépendent entièrement ses approvisionnements en pièces détachées. D'autre part, les FAR ont de nombreux avantages, dont les moindres ne sont pas la force que procure la défense de son pays, la connaissance du terrain et la longue expérience du combat dans le désert. Ce sont là autant de raisons qui dissuadent le régime algérien de prendre le risque de déclencher un conflit où le rapport de force lui serait défavorable à tous les points de vue. C'est dire que malgré les tensions diplomatiques et rhétoriques, une guerre ouverte reste peu probable. Alger ne peut pas ne pas tenir compte des équilibres régionaux et internationaux complexes, une situation interne fragile et des considérations stratégiques qui l'incitent à la retenue. En réalité, comme nous l'avons déjà écrit, Alger n'a pas besoin de s'engager dans un conflit direct avec son voisin. Depuis près de 50 ans, par «polisario» interposé, le régime algérien mène une guerre contre le Maroc et le harcèle au moyen d'une guérilla diplomatique, judicaire et économique directe. Cette situation apparait clairement comme avantageuse pour Alger, moins coûteuse et plus pragmatique. Tant que la communauté internationale laissera faire, l'Algérie continuera à souffler le chaud et le froid et à pratiquer la stratégie de la tension en utilisant, au gré de ses intérêts, ses supplétifs basés à Tindouf. Aux Nations unies de désigner l'agresseur et de mettre le train de l'autonomie sur les rails. A l'Algérie de monter à bord, ou de quitter le quai.