Des documents de la CIA datant des années 1980 indiquent que le sens diplomatique du roi Hassan II lui a permis de transformer les victoires du Polisario dans la guerre du Sahara en défaites pour le front comme pour l'Algérie. Au fil des décennies du règne du roi Hassan II (1962 - 1999) au Maroc, plusieurs documents secrets de la CIA se sont intéressés à sa capacité à transformer les victoires du Front Polisario en défaites pour ce dernier et l'Algérie. Dans un rapport publié le 1er avril 1983 et déclassifié le 22 décembre 2016, l'agence de renseignements américaine a déclaré que le mouvement avait subi «des revers importants dans ses tactiques visant à forcer le Maroc à négocier». A ce titre, le document indique que l'attaque du Polisario contre les forces marocaines à Gueltat Zemmour, en octobre 1981, a considérablement renforcé le soutien américain au Maroc. «L'admission des rebelles au sein de l'Organisation de l'union africaine a été initialement vécue par le Polisario comme une victoire diplomatique. Mais dans l'absolu, elle a coûté cher au front en termes de soutien international, en raison de l'effet profondément perturbateur de la tactique sur l'organisation», fait savoir le document. «Le Polisario a perdu l'initiative sur le champ de bataille et pourrait ne pas être en mesure de concevoir une campagne réussie destinée à saper la volonté du Maroc de défendre sa revendication sur le Sahara», a ajouté la même source. Le document poursuit en soulignant que l'attaque contre Gueltat Zemmour et l'adhésion à l'OUA n'étaient que des victoires de façade, d'autant que «le Maroc a utilisé toute la force de ses relations internationales et de sa position régionale pour réduire l'élan du Polisario». Dans ce sens, le soutien militaire américain a permis au Maroc de surmonter les faiblesses de la stratégie défensive des rebelles. Le Front a payé un lourd tribut pour avoir surestimé ses capacités et sous-estimé à la fois la détermination du Maroc à conserver le Sahara Occidental, grâce aux atouts diplomatiques de Hassan II. Au lendemain de leur victoire à Gueltat Zemmour, les rebelles du Polisario ont vu le roi transformer la défaite en tentative réussie, pour obtenir un plus grand soutien militaire des Etats-Unis et un plus grand appui diplomatique des Etats arabes et africains. «Le roi Hassan II a décrit l'introduction des SA-6 dans la guerre comme une nouvelle menace sérieuse pour le Maroc, tandis qu'un responsable du Polisario a qualifié plus tard l'issue de la bataille de Gueltat Zemmour comme une victoire militaire indiscutable, mais un échec politique et stratégique. Il a noté que le roi marocain avait profité de l'utilisation par le Polisario d'équipements de pointe nécessitant des conseillers militaires étrangers, la participation active de l'Algérie et de la Mauritanie, pour renforcer sa position en demandant une assistance militaire américaine accrue.» Document de la CIA Une guerre algérienne par procuration Selon le même document, «le soutien extérieur de l'Algérie est important pour la survie du Polisario et les changements de position d'Alger sur le conflit ont eu un impact direct sur les choix stratégiques du Front». Dans ce sens, la CIA souligne que l'Algérie est «engagée envers le Front Polisario en termes de principe et d'intérêt personnel». Bien que l'Algérie insiste sur son soutien au droit des peuples à l'autodétermination, la CIA note que «la raison la plus convaincante et peut-être la plus durable de l'engagement de l'Algérie envers le Polisario est la rivalité profonde avec le Maroc pour avoir une hégémonie en Afrique du Nord, et ainsi empêcher que le Sahara ne tombe entre les mains de son rival». C'est ce qui a semblé être une fin en soi, sous le régime de Boumédiène. Dans ce sens, le document ajoute que «l'Algérie semble plus disposée à rechercher une solution diplomatique au différend sur le Sahara et a généralement conseillé le Polisario dans ce sens». Cependant, ajoute la même source, «rien ne prouve que les décideurs algériens soient disposés à concéder autre chose que des questions tactiques. Ils veulent mettre en œuvre le plan de l'OUA pour organiser un référendum dans le Sahara, en s'attendant pleinement à ce qu'il aboutisse à un vote pour un Etat indépendant». Le document prévoit que les généraux algériens continuent à «fournir abri, armes et autres équipements au mouvement de guérilla et n'empêcheraient pas une résurgence du conflit, tant que ce dernier serait considéré comme un moyen de pression utile pour les négociations». «Il semble que les unités militaires algériennes n'aient participé directement qu'à une seule confrontation au Sahara occidental, au début de 1976 : la bataille d'Amgala. Celle-ci a soulevé le spectre de l'escalade de la rébellion vers une confrontation plus large entre le Maroc et les forces militaires algériennes, ce qui était souhaité à par le président algérien de l'époque.» Document de la CIA Ainsi, le document retient que «l'Algérie s'est engagée dans la guerre par procuration, renforçant davantage sa présence le long de sa frontière occidentale, afin que le Maroc soit dissuadé de toute avancée ou de raids préventifs sur le territoire algérien». La grande muraille du Maroc Construit dans les années 1980, le mur de sable ainsi que d'autres améliorations des défenses marocaines, selon le document, «rendront les attaques de petites unités moins efficaces qu'elles ne l'étaient par le passé». Un autre document de la CIA, publié le 16 août 1985 et déclassifié le 13 janvier 2012, décrit le mur de sable marocain comme la «grande muraille du Maroc». C'est «comme une fine tache brune à travers le vaste vide gris du Sahara, s'estompant dans un mirage qui scintille à l'horizon, s'étendant sur plus de 1 500 miles, de la frontière algérienne au nord-est, zigzaguant vers le sud, puis vers l'ouest le long de la frontière mauritanienne vers l'océan Atlantique à travers un désert si chaud que les caméras ne fonctionne pas, les corbeaux ne volent pas et les pierres sont d'un noir absolu», souligne le rapport. Pour la première fois, les experts militaires occidentaux affirment que le mur est en train de bouleverser le cours de la guerre contre le Front Polisario en faveur du Maroc. Le document cite aussi le général Abdelaziz Bennani, «principal architecte de la stratégie du mur». «La dernière fois que le Polisario a tenté de pénétrer le mur avec force, c'était en octobre, il a subi une grande perte». «Le mur a attiré l'attention des experts militaires américains et soviétiques en tant que l'une des rares applications réussies de la technologie contre les mouvements de guérilla.» Document de la CIA L'un des «principaux avantages du mur a été la réduction des tensions et de l'incertitude économique dans le sud du Maroc», selon la CIA, en particulier dans la ville côtière de Laâyoune, une cible fréquente des attaques du Polisario jusqu'à l'année dernière.