Le site espagnol Gaceta.es a eu accès à un document déclassifié de la CIA qui relate comment le Maroc a pu réupéré son Sahara. Sous le titre « les documents secrets de la CIA qui ont aidé le Maroc au Sahara », le site La Gaceta souligne que vers la fin de septembre 1975, la situation espagnole au Sahara était très compliquée. « Le roi du Maroc Hassan II s'était engagé à s'approprier les territoires espagnols du nord d'Afrique avant la fin de l'année et menaçait de recourir à la force. Les services secrets nord-américains s'étaient mises en marche pour tenter d'éviter la déstabilisation d'une zone qu'ils considéraient sûre », écrit le site qui a eu accès au mémorandum élaboré par la CIA à la demande de Henry Kissinger, secrétaire d'Etat américain sous l'administration Gerald Ford. Le document, signé par le directeur de l'Agence, William Colby, analyse la situation de la zone et les risques d'un conflit belliqueux. Ce mémorandum intitulé « Plans du Maroc pour envahir le Sahara espagnol », daté du 3 octobre 1975, soit un mois seulement avant la Marche verte, explique la situation politique au Sahara: « La présence militaire espagnole au Sahara est susceptible de provoquer un conflit. Si le Maroc perd ce pari, cela pourrait provoquer la chute de l'actuel Gouvernement à Rabat (…) et pourrait également provoquer une crise politique à Madrid », lit-on dans le document. Celui-ci explique ensuite l'éventualité d'une intervention des autres pays dans le conflit, en mettant l'accent sur l'intérêt de l'Algérie de fragiliser le Maroc et les prétentions de la Mauritanie, même si cette dernière aimerait « éviter une participation militaire ». Le document explique en outre les implications de chaque pays présent dans le conflit. Le premier point du document analyse ainsi la situation politique à laquelle faisait face Hassan II; « En Août dernier, il a réitéré son intention de s'approprier du Sahara espagnol avant la fin de l'année par le recours à la force si nécessaire », lit-on également dans le document qui explique qu'à l'époque il (Hassan II) » avait promis d'attendre la décision de la Cour International de Justice sur les revendications territoriales du Maroc et de la Mauritanie ». Cependant, note le document,cette attitude a changé une fois avoir constaté la fragilité du gouvernement espagnol,allusion faite à la maladie du général Franco mort quelques semaines après. Le document souligne par ailleurs que le souverain marocain pensait qu' »une intervention militaire dans la zone pourrait provoquer une médiation internationale (qui lui serait) favorable ». Selon le mémorandum de la CIA, le roi du Maroc estimait que l'Espagne pouvait seulement réagir avec les 5.000 légionnaires espagnols déployés au Sahara, avec le soutien aérien devant être assuré par le déploiement d'unités militaires de l'Algérie, même si le Maroc se montrait « sceptique » quant à une intervention de ce pays. Quant au Maroc, il a concentré ses troupes » sur le terrain mais « à titre dissuasif, tout en comptant sur le soutien des troupes de Syrie, d'Egypte, de l'OLP et de l'Arabie Saoudite » pour faire face à l'Algérie. « Nous avons des preuves de l'arrivée de petits contingents au Maroc, mais nous doutons que la plupart des pays arabes s'impliquent dans un conflit inter-arabe, sauf d'agir en médiateurs même si l'OLP peut constituer une exception ». Quant au potentiel militaire du Maroc dans la zone, la CIA fait état de la présence de « prés du quart de ses 55.000 soldats » dans la zone depuis l'année de 1974. Cependant, note-t-il, « ils (les soldats) « souffraient de problèmes considérables (…) d'un moral bas à cause des conditions primitives ». Le document explique également que ces troupes marocaines pourraient avoir des problèmes à s'affronter à celles espagnoles et algériennes. La CIA explique par ailleurs à Kissinger la situation militaire en Espagne, clairement plus favorable que celle marocaine: « Madrid dispose de forces suffisantes pour repousser une invasion du Maroc (au Sahara). Les espagnols comptent quelques 16.000 hommes armés et un personnel des forces aériennes au Sahara, en plus de 20.000 déployés aux Îles Canaries ». Ils (les espagnols disposent de 51 chars de combat et 35 véhicules armés, et leurs troupes « sont bien équipées et bien entraînées, comparées aux marocaines ». Ils disposent en outre de deux escadrons de F5 et 4 escadrilles de défense aériennes composées d'avion Mirage III y F-4C. Analysant l'éventualité d'une guerre, le document poursuit: » au cas où il se serait décidé en faveur de la guerre, le roi Hassan II aurait ainsi mal jugé une riposte espagnole ». En face, l'Espagne n'aurait pas envisagé la possibilité d'une guerre coloniale et se serait limitée à « résister à une expulsion par la force ». Et c'est là où réside le problème pour les américains car l'Espagne aurait eu recours à l'ONU pour rétablir la paix dans la région et Washington serait dans l'obligation d'agir face à la demande de l'Espagne en vertu des accords entre les Etats-Unis et l'Espagne en matière de « défense et de coopération qui justifieraient une action diplomatique de soutien. Ce qui serait en contradiction avec les garanties initiales données par les Etats-Unis au Maroc dans ses revendications sur le Sahara ». Le document explique que Hassan II, fort de ces garanties de la part des USA, ne pourrait mettre en péril ses relations avec Washington. Le mémorandum note par ailleurs qu' « un conflit armé avec le Maroc unirait la majorité des espagnoles et aiderait le régime à détourner l'attention du public des problèmes internes ». Cependant, en cas de prolongement d'une guerre, cette unité des rangs s'éclabousserait et deviendrait un facteur de division. Il en est de même de l'armée- l'élément le plus stable de la société espagnole- qui serait éventuellement en désaccord sur l'utilité d'une telle guerre pour un territoire que le gouvernement (espagnol) avait déjà annoncé qu'il allait y renoncer ». Quant à l'Algérie qui voulait obtenir un accès direct sur l'Atlantique à travers le Sahara, elle soutiendrait avec des hommes et du matériel le Front Polisario, ce qui contribuerait à mettre en danger la stabilité dans la région et constituerait un risque pour la survie même du régime de Hassan II. L'Algérie pourrait également déplacer ses troupes à sa frontière avec le Maroc pour l'obliger à se retirer du Sahara. En cas d'affrontement direct entre l'Algérie et le Maroc, ce dernier pourrait enregistrer un succès initial avec ses effectifs estimés entre 4.000 et 6.000 déployés à la frontière avec l'Algérie, mais cet avantage serait compensé rapidement par la puissance aérienne de l'Algérie-200 avions de combat face aux 40 pour le Maroc- et également par la meilleure préparation technique et l'entrainement des algériens. Selon le document, les Etats-Unis soutiendraient les revendications du Maroc sur le Sahara espagnol mais leurs intérêts se verraient affecter par une guerre dans la région. La guerre n'a pas eu lieu, et un mois après, s'est déroulée la Marche Verte avec 250.000 civile non armés avançant sur le territoire espagnol.