Le projet de gazoduc Nigeria-Maroc, rappelons-le, est né d'une vision partagée par le roi Mohammed VI et le président nigérian Muhammadu Buhari, pour renforcer la coopération énergétique entre le Maroc et le Nigeria, en même temps qu'entre l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique du Nord, ainsi qu'entre l'Afrique et l'Europe. Le gazoduc Nigeria-Maroc sera l'un des plus longs gazoducs au monde, avec une longueur totale estimée à environ 5 660/7 000 kilomètres, avec des sections terrestres et sous-marines. Il traversera douze pays côtiers de la façade atlantique africaine à travers diverses zones écologiques avant d'atteindre le Maroc. Sa capacité de transport annuelle est estimée à 30 milliards de mètres cubes de gaz naturel et son coût total est évalué à 25/30 milliards de dollars. Les réserves de gaz naturel des pays impliqués ainsi que leurs populations et leurs PIB varient considérablement. Sept pays n'ont pas de réserves de gaz naturel connues : le Bénin, la Guinée, le Togo, la Guinée-Bissau, le Liberia, la Gambie et Sierra Leone. Le Nigeria arrive en tête avec 5 720 milliards de m3, suivi de la Mauritanie avec 3 398 milliards de m3 et du Sénégal, avec 425 milliards de m3. Le Maroc, pour l'heure, affiche des réserves de seulement 19,8 milliards de m3. L'entrée en lice de la Mauritanie avec ses réserves de gaz naturel ne peut que renforcer la nécessité et l'importance du gazoduc. Le PIB dans la zone concernée varie de 504 milliards de dollars pour le Nigeria, premier du classement, à 1,5 milliard de dollars pour la Guinée-Bissau. Le Maroc (2è), enregistre 140 milliards de dollars. Le Nigeria est le plus peuplé, avec 223 millions d'habitants, la Guinée-Bissau a la population la plus petite avec 2 millions d'habitants et le Maroc occupe le deuxième rang avec 37 millions d'habitants. Depuis la signature en 2016 de l'accord de coopération, le projet a avancé à grands pas et franchi plusieurs étapes cruciales. D'autres accords sont venus progressivement renforcer la coopération entre les deux pays et les autres parties prenantes : En 2017, a été signée une déclaration d'intention. En juin 2018 un protocole d'accord a été souscrit entre la Nigeria National Petroleum Corporation (NNPC) et l'Office National des Hydrocarbures et des Mines (ONHYM). En juillet 2018, un protocole d'accord a été signé avec la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), affirmant le soutien de l'organisation régionale au projet. En novembre 2019, les deux parties ont conclu un accord de coopération pour la réalisation des études d'ingénierie de base front-end (FEED). En juin 2021, un mémorandum d'entente a été signé entre le Maroc, le Nigeria, et la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC). Les études de faisabilité techniques et financières ont confirmé la viabilité du projet. Les évaluations environnementales ont été achevées, tout comme les consultations avec les pays qui seront traversés par le pipeline. Le projet est actuellement dans la phase de pré-investissement, incluant les études d'ingénierie de base (FEED) et les démarches pour la mobilisation des financements nécessaires. Le cadre juridique de ce mégaprojet sera formalisé à travers un accord réunissant l'ensemble des pays concernés, les sponsors et les Etats membres de la CEDEAO. La décision finale d'investissement est prévue pour début 2025, et les premières retombées de ce pipeline transafricain sont attendues pour fin 2028- début 2029. Projet ambitieux Toutefois, la réalisation de ce projet dépendra de la capacité à surmonter les défis techniques, financiers, géopolitiques et sécuritaires. Parmi les contraintes auxquelles le projet fait face, le moindre n'est pas le défi technique que représente la construction d'un pipeline géant à travers des terrains variés et parfois difficiles, y compris des zones marines. Les contraintes financières comprennent la mobilisation de fonds suffisants dans un contexte économique mondial incertain. Les enjeux géopolitiques sont également présents, notamment en raison des tensions régionales et des intérêts concurrents de divers acteurs mondiaux dans le secteur énergétique africain. La sécurité est un autre aspect crucial, car certaines régions traversées par le pipeline sont sujettes à des troubles politiques et des activités terroristes. Le gazoduc Nigeria-Maroc se trouve en compétition avec un autre projet énergétique, le Trans-Saharan Gas Pipeline (TSGP), qui vise à relier le Nigeria à l'Europe via le Niger et l'Algérie. Pour l'heure, ce projet se trouve encore en phase de planification. Le financement du projet repose sur une combinaison de sources. Les gouvernements nigérian et marocain se sont engagés à soutenir financièrement le projet, mais une partie importante du financement est attendue des institutions financières internationales et des investisseurs privés. Des négociations sont en cours avec des entités comme la Banque africaine de développement (BAD), la Banque mondiale et la Banque islamique de développement (BID). Si les obstacles sont surmontés, le gazoduc Nigeria-Maroc pourrait devenir un symbole puissant de l'intégration africaine et du développement durable. Chacun des pays traversés bénéficiera des retombées économiques et énergétiques du gazoduc, dont l'objectif premier est de diversifier les sources d'approvisionnement énergétique de la région et renforcer la sécurité énergétique des pays concernés. Le projet ambitionne également de promouvoir le développement économique et social en facilitant l'accès à une énergie stable, abordable et fiable. Outre ces objectifs, qui concernent en priorité l'Afrique, le gazoduc vise également à offrir à l'Europe une source alternative d'approvisionnement en gaz naturel, grâce à la connexion au gazoduc Maghreb-Europe reliant le Maroc à l'Espagne. Le gazoduc sera un symbole concret d'une œuvre panafricaine dans laquelle le Maroc est un acteur de premier plan, preuve de son engagement africain et de son action en tant que puissance continentale. Ce projet ambitieux renforcera la coopération entre le Maroc et le Nigeria et l'inscrira dans la durée, en l'adossant à une infrastructure stratégique qui reliera l'Afrique sub-saharienne à l'Afrique du Nord, préfigurant les grands projets du futur.