L'élection présidentielle algérienne de 2024 aura lieu (sauf surprise) en décembre 2024. Si le président sortant Abdelmadjid Tebboune reste théoriquement éligible pour un second mandat, le régime algérien veut verrouiller le futur scrutin uninominal à deux tours, quitte à donner l'image d'une dictature monolithique qui écrase la volonté populaire. «La paille dans l'œil du voisin marocain» : c'est, en substance, un résumé élégant qu'on se propose pour une dépêche de la radio algérienne, diffusée le 27 février. L'élection présidentielle de décembre 2024 hante le pouvoir actuel. Les éléments de langage sont lentement distillés : «le changement dans la continuité», «le candidat de la stabilité», et les langues ironiques ne sont pas en reste : il faut un président «démocratiquement élu à vie». Le détournement du futur scrutin se dessine, Abdelmadjid Tebboune ne peut participer à des débats ni défendre son bilan, les conditions de sa réélection font déjà l'objet de multiples controverses. L'appareil d'Etat, qui a déjà domestiqué l'espace audiovisuel et réprimé les canaux privés dissidents, sait que M. Tebboune, élu en 2019 après que plus de six Algériens sur dix ont boudé les urnes, selon l'Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), n'offre pas l'image du candidat idéal. Pour décembre 2024, la gérontocratie algérienne n'exclut rien : contrefaire les listes électorales dans l'espoir d'un désistement des opposants au régime ; bidouiller le décompte numérique des résultats, distribuer de l'argent sale, et le dispositif qui sera installé par le commando politicard voudra ménager jusqu'au bout l'apparence d'une compétition transparente. «Remettre le pouvoir aux civils après des élections équitables» comme le proclame l'opposition réprimée ? Il n'en est pas question. Un viol de la volonté populaire se prépare, et à Paris, la tendance générale est décrite sans fioritures : «Un scénario de report des élections en 2025 [se profile], laissant la population perplexe alors que jusqu'à présent, rares sont les formations politiques qui abordaient ouvertement cette question», relève Radio France internationale (RFI, organe public français à diffusion internationale), accusée entretemps d'être à la solde des Marocains. Pour la radio d'Issy-les-Moulineaux, «le climat politique reste incertain et les médias algériens n'évoquent pas le sujet. Pas de date précise pour le scrutin et le pouvoir algérien entretient le flou sur ces élections» Elle cite Abdelkader Bengrina, président du mouvement pour la reconstruction (MPR), proche du pouvoir, qui évoque «l'hypothèse» d'un report des élections. La turbulante Louisa Hannoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), affirme que «les conditions ne semblent pas réunies pour organiser le scrutin». Carnage électoral en douce Dans le fond, le régime algérien veut accentuer sa mainmise sur le pays après les contestations populaires de 2019. Les militaires au pouvoir, bien que travestis en civils, doutent de la capacité de leur protégé actuel à assumer la ligne politique actuelle, d'une rigidité implacable. Selon les indiscrétions qui nous parviennent, les bureaux de vote seront entourés d'un cordon de militaires et de gendarmes armés, et la presse nationale sera sommée de soutenir le candidat du pouvoir, quel qu'il soit. Les règlements de compte au sommet de l'Etat algérien réduisent le périmètre d'intervention du président actuel, coincé dans les luttes intestines. Le pouvoir redoute un courant politique qui remette en cause l'envahissante implication de l'armée dans les affaires étatiques. L'affaissement de la classe politique renforce le poids des décideurs militaires, déjà préoccupés par un contexte géopolitique délicat où l'Algérie se trouve fragilisée par des déstabilisations plus ou moins importantes à ses frontières. En outre, les contentieux diplomatiques avec le Maroc donnent lieu à la diffusion massive et régulière de discours nationalistes ergotant contre les «agents de l'étranger et la puissance impérialiste makhzéno-sioniste». Pour le moment, les candidats potentiels à la magistrature suprême algérienne sont inconnus. L'hypothèse d'un nouveau mandat du président en exercice divise au sein du pouvoir. Ses partisans de la première heure formulent le vœu d'une nouvelle prolongation. Un remaniement ministériel peut avoir lieu avant décembre 2024 où les postes de souveraineté seraient confiés à des personnalités proches du cercle présidentiel, en vue de ce scrutin qui s'annonce d'ores et déjà comme une vaste tromperie.