Remaniement, dissolution, promesse de jours meilleurs: Emmanuel Macron, qui va devoir s'adresser aux Français après le fiasco des retraites, n'a que des « mauvaises solutions à sa disposition », estiment des experts. Il se retrouve confronté à une crise politique et sociale, avec une marge de rebond plus limitée que lors des Gilets jaunes, faute de majorité et de capital de renouveau après six années d'exercice du pouvoir. – Motion de censure : votée ou rejetée ? – En actionnant l'article 49.3 de la Constitution pour faire passer en force la réforme des retraites, la Première ministre Elisabeth Borne joue quitte ou double : si les motions de censure déposées vendredi par l'opposition sont rejetées, la réforme sera considérée comme adoptée. Si l'une d'elles est votée, le gouvernement tombe. Au vu de l'arithmétique à l'Assemblée, le vote d'une motion de censure, qui requiert la majorité absolue des sièges, soit 287 voix, paraît improbable. Il faudrait, outre les voix du Rassemblement national et de la Nupes, que 25 à 30 députés Les Républicains, soit près de la moitié du groupe, la votent, une barre qui semble bien haute même si ce groupe a privé l'exécutif de majorité sur le texte des retraites. Après la douche froide du 49.3 et le spectacle d'une Première ministre impuissante à l'Assemblée, la voix couverte par les huées et la Marseillaise entonnée dans les travées de l'opposition, la plus grande prudence semble toutefois de mise. « Sur la motion, on n'est pas sûr d'avoir un rejet, ça va être compliqué », estime un conseiller de l'exécutif. – Elisabeth Borne : en sursis ? – Avec ces sept minutes d'intense tension autour d'Elisabeth Borne à l'Assemblée, « nous avons assisté à l'un des événements les plus importants de la Ve République en termes d'images. On ne peut pas s'en remettre comme cela facilement », estime le politologue Bruno Cautrès. La Première ministre, qui portait la réforme, apparaît très fragilisée, sinon en sursis. « Le moins risqué pour le chef de l'Etat et le plus susceptible de lui donner une nouvelle impulsion, c'est le changement de Premier ministre », avance Bruno Cautrès, tout en estimant que « ça ne peut pas se faire sous la pression ». « Il ne faut pas dégager Borne après la motion de censure, il ne faut pas montrer nos faiblesses, il faut continuer à avancer », renchérit un conseiller de l'exécutif. Pour le politologue Brice Teinturier, « même dans l'hypothèse d'un changement de Premier ministre, si la ligne reste la même, cela ne changera rien pour les Français ». Les prétendants potentiels attendent leur heure, du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin à celui de l'Economie Bruno Le Maire, au passage tous deux transfuges des LR. – Dissolution, l'arme atomique – Le chef de l'Etat peut aussi opter pour un scénario plus radical, la dissolution de l'Assemblée, pour repartir sur des bases nouvelles. « Quand vous êtes à ce point dans un cycle d'impopularité et de rejet sur une réforme majeure, c'est quasi suicidaire », estime toutefois Brice Teinturier, pointant le risque d'une majorité encore plus étriquée. Mais continuer sans majorité absolue, « ce sera quand même difficile », avec des oppositions tentées par une « guerilla » permanente, ajoute-t-il. « En fait il n'a que des mauvaises solutions à sa disposition ». – Une prise de parole quand ? – Après avoir laissé Elisabeth Borne en première ligne, distillant seulement quelques messages par entourage interposé aux moments les plus critiques, le président va devoir sortir de son silence. Aucune date, ni aucun format – allocution ou interview – n'a pour l'heure été communiqué. Mais la fenêtre s'annonce étroite dans les prochains jours, entre le vote sur la motion de censure, sans doute lundi, et le sommet européen jeudi et vendredi. « Il va sans aucun doute faire du Macron, c'est-à-dire un très beau discours à la télé avec beaucoup de solennité », anticipe Bruno Cautrès, pour qui, avec le temps, ces prises de parole perdent « en efficacité ». Selon un des conseillers exécutifs cités, il va falloir « faire le dos rond, le temps que la mobilisation s'amenuise » – d'ici les vacances de printemps espère-t-il – puis ressortir avec « quelques priorités ». Le chef de l'Etat se prépare déjà à d'autres sujets, la santé, l'éducation, l'immigration, plus susceptibles de convaincre les Français, ainsi qu'à une réforme des institutions ambitieuse.