Dans un éditorial au vitriol, le journal Le Monde a mis en évidence les graves violations commises par les services de l'Etat et le régime qui tient les commandes de toutes les structures civiles et militaires pour étouffer toutes les voix dissidentes, afin de survivre. «L'image d'un journaliste menotté est terrible. Celle d'un média mis sous scellés, désespérante. En arrêtant, le 24 décembre 2022, Ihsane El Kadi, directeur et fondateur de Radio M et du magazine Maghreb Emergent, dont les bureaux ont été perquisitionnés et fermés, les autorités d'Alger ne pouvaient ignorer le choc qu'un tel raid policier provoquerait autant en Algérie qu'à l'étranger», écrit Le Monde dans un éditorial alarmiste. Ihsane El Kadi, placé le 29 décembre sous mandat de dépôt, est, rappelle Le Monde, «une figure emblématique du journalisme algérien indépendant. Avec son équipe, il s'était illustré aux premières loges du Hirak, le mouvement de protestation populaire surgi en 2019 autour de revendications démocratiques. Le resserrement de l'étau répressif à la faveur des mesures de restrictions sanitaires anti-Covid en 2020 ne l'avait pas intimidé. C'est un symbole qui vient d'être frappé.» «Le régime d'Alger n'a pas l'air de se soucier outre mesure de l'effet calamiteux qui en découle sur son image», constate le journal, qui note que «l'heure est à la sidération face à la fuite en avant répressive d'un régime en pleine revanche après avoir craint pour sa survie.» «L'attaque en règle contre le pôle de média de M. El Kadi n'est que le dernier épisode d'une campagne de démantèlement méthodique ciblant depuis deux ans les foyers résiduels du Hirak», a-t-on rappelé. «L'atmosphère est devenue à ce point étouffante que les Algériens en viennent à considérer que le pluralisme d'opinions se portait mieux sous l'ère de l'ex-président Abdelaziz Bouteflika, pourtant honnie pour sa dérive dans la corruption et le népotisme», veut-on clarifier. «Le régime du président Abdelmadjid Tebboune se sent pourtant assez en confiance pour ignorer les dégâts collatéraux de sa surenchère autoritaire. À l'intérieur, il pense pouvoir acheter la paix sociale avec le rebond des prix du pétrole, selon un scénario éprouvé mais factice et court-termiste. Et, à l'extérieur, il table sur la restauration du crédit stratégique de l'Algérie, géant des hydrocarbures courtisé par les Européens en quête d'alternatives au gaz russe. La France d'Emmanuel Macron ajoute ses propres raisons à ces dispositions bienveillantes : le pari de la réconciliation mémorielle et la coopération sécuritaire au Sahel», a-t-on commenté. Le journal rappelle comme impératif «le refus de céder à des demandes d'extradition d'opposants qui ont fait le choix courageux et honorable de militer pacifiquement pour des droits fondamentaux.» Pour Le Monde, «chacun doit être bien conscient de l'impasse à laquelle est condamné l'entêtement sécuritaire à Alger» qui asphyxie «la citoyenneté, l'indispensable ferment de toute nation.»