Vingt-cinq personnes ont été interpellées et 3000 membres des forces de l'ordre mobilisés en Allemagne. L'ambassade russe a démenti ce mercredi tout lien avec des groupes «terroristes». La justice allemande a annoncé ce mercredi 7 décembre avoir déjoué des projets d'attentats d'un groupuscule d'extrême droite et complotiste qui projetait de s'en prendre aux institutions démocratiques du pays et notamment au Parlement. Un vaste coup de filet a entraîné l'interpellation dans tout le pays de 25 personnes. Elles sont notamment soupçonnées «d'avoir fait des préparatifs concrets pour pénétrer violemment dans le Bundestag allemand», la chambre des députés à Berlin, «avec un petit groupe armé», ont déclaré les procureurs dans un communiqué. «Nous soupçonnons qu'une attaque armée contre les organes constitutionnels était prévue», a commenté le ministre de la Justice, Marco Buschmann, dans un message sur Twitter évoquant «une large opération antiterroriste». Quelque 3000 membres des forces de l'ordre ont été mobilisés à travers l'Allemagne et plus de 130 perquisitions ont été menées dans ce que les médias ont décrit comme la plus importante opération policière de ce type jamais menée en Allemagne. Outre les interpellations, 27 autres personnes sont visées par l'enquête et soupçonnées d'appartenance à la cellule criminelle, selon le parquet. Une arrestation a eu lieu en Autriche et une autre en Italie. «Citoyens du Reich» Fondé «au plus tard fin 2021», le groupuscule avait «pour objectif de venir à bout de l'ordre étatique existant en Allemagne et de le remplacer par une forme d'Etat propre», un projet ne pouvant être réalisé «que par l'utilisation de moyens militaires et de la violence contre les représentants de l'Etat», selon le communiqué du parquet de Karlsruhe, en charge des affaires concernant la sécurité de l'Etat. Ses membres sont «unis par un profond rejet des institutions de l'Etat et de l'ordre fondamental libéral et démocratique de la République fédérale d'Allemagne, qui a fait grandir chez eux, au fil du temps, la décision de participer à leur élimination par la violence et de se lancer dans des actes préparatoires concrets à cet effet», décryptent les procureurs. Rejeter l'ordre étatique Les autorités allemandes ont classé ces dernières années la violence d'extrême droite au premier rang des menaces à l'ordre public, avant le risque djihadiste. Au printemps, elles avaient démantelé un autre groupuscule d'extrême droite soupçonné d'avoir projeté des attentats dans le pays et l'enlèvement du ministre de la Santé, à l'origine des mesures de restriction anti-Covid. Est notamment ciblé un mouvement allemand dit des «Reichsbürger» (citoyens du Reich), qui ont pour point commun de rejeter l'ordre étatique. Ils ne reconnaissent pas ses institutions, n'obéissent pas à la police, ne paient pas d'impôts ou réinventent les plaques d'immatriculation de leurs véhicules. Contacts avec la Russie Sur les quelque 20.000 militants estimés de cette idéologie en Allemagne, une frange s'est radicalisée, intégrant notamment des négationnistes et envisageant le recours à l'action violente. Dans le cas du groupe démantelé, les membres se référaient également aux théories de la mouvance QAnon, groupe conspirationniste d'extrême droite venue des Etats-Unis, selon le parquet. «Ils sont fermement convaincus que l'Allemagne est actuellement dirigée par des membres d'un soi-disant "Etat profond"» et que «l'intervention imminente de l'"Alliance"», une société secrète techniquement supérieure regroupant des gouvernements, des services de renseignement et des militaires de différents pays, dont la Fédération de Russie et les Etats-Unis d'Amérique, «amènera la libération». Des contacts avaient d'ailleurs été pris par l'un des animateurs de la cellule avec «des représentants de la Fédération de Russie en Allemagne». D'après les investigations menées jusqu'à présent, rien n'indique toutefois que ces interlocuteurs aient réagi positivement à la demande. Dans son projet d'éliminer l'ordre démocratique, ce réseau était conscient qu'il y aura aussi des morts, «une étape intermédiaire jugée nécessaire» pour atteindre le «changement de système». En attendant, le Kremlin a nié tout lien avec ces arrestations. «C'est un problème interne à la République fédérale d'Allemagne, ils constatent eux-mêmes qu'aucune ingérence de la Russie ne peut être évoquée ici», a réagi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. La justice dit avoir identifié une organisation très structurée et hiérarchisée composée d'un «organe central» et d'un «bras militaire» chargé de l'achat d'équipements de l'entraînement aux armes du recrutement, mais aussi de commissions «Justice», «Affaires étrangères» ou «Santé». D'anciens militaires comptent parmi les protagonistes. Très récemment, en octobre, des membres du «bras militaire» ont repéré des casernes de la Bundeswehr afin d'inspecter leur capacité à accueillir leurs propres troupes après leur «coup d'Etat».