Alors que le PJD a dit sans cesse afficher une volonté de se montrer plus vertueux s'agissant des questions financières liées aux mandats politiques, Benkiran voit son bras droit recruté par le parti qui dirige le gouvernement. Attiré par l'odeur que soufflent les soupiraux de la cuisine du RNI, Mouatassim démontre les discours moraux du PJD sont creux. Abdel-ilah Benkiran, élu secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD), avec plus de 80% des voix, à l'issue d'un congrès extraordinaire réuni à Rabat, est embarrassé, un an après son retour à la tête de la formation islamiste, par un scandale retentissant : Jamaa Mouatassim, ancien chef de cabinet des gouvernements du PJD (2012-2021), homme de dossiers, premier secrétaire général adjoint du parti islamiste (opposition) occupe le poste de conseiller politique d'Aziz Akhannouch, actuel chef du gouvernement issu du Rassemblement national des indépendants (RNI). Cette situation paradoxale a provoqué des réactions moqueuses et désolées qualifiant la position de Mouatassim de «non-sens et une absurdité» et des erreurs obstinées qui résistent même à l'évidence. Abdel-ilah Benkiran, irréconciliable détracteur de ce dernier, a fait une sortie remarquée, jeudi 27 octobre. Si l'idée que la politique soit un métier rémunéré est perçue comme une rente commence à s'installer, le traitement des fonctionnaires occupant ou ayant occupé les emplois les plus élevés de l'Etat reste une question pendante. «Dans le cas Mouatassim, c'est une trahison de tous les principes pour un bénéfice clair, assuré, immédiat, immoral et des pratiques qui assomment les probités, émasculent la politique, réduisent toute éthique et toute pensée à des choses petites et basses. Accepter de collaborer avec le RNI démontre ou une ignorance assez rare en matière politique, ou une négligence qui n'est guère plus commune», dit une source proche du dossier. Benkiran a accusé des membres de son parti, mais aussi des «mercenaires anti-PJD», d'alimenter l'affaire de Mouatassim, incarnation d'un mélange explosif de la professionnalisation politique, de la rente, du carriérisme facile et de la démagogie crasse, et il est bon de rappeler que l'ex-chef du gouvernement a fait de la transparence politique «une question d'éthique, une question d'honnêteté». Dans sa vidéo, il va jusqu'à dire que l'action de son parti s'oppose «à la corruption et à la prévarication» et non à une composante politique précise. Benkiran sert à son public ce même repas habituel d'indigestes fadeurs et de lieux-communs empoisonnés. Usant d'un langage vulgaire, populiste, prosaïque et volontairement tapageur, Benkiran a échoué d'expliquer comment son bras droit, qui abandonné une activité professionnelle antérieure pour se lancer dans la politique à temps complet et progresser dans une hiérarchie de postes, ait pu devenir un des conseillers les plus en vue de l'homme qu'il accuse de tous les maux. L'attribution à vie de facilités pour Benkiran lui-même a provoqué un séisme politique à l'échelle nationale, ses indemnités de fin de mandat et sa très généreuse retraite (qu'il a «quémandée») n'ont pas manqué de relancer la polémique sur le régime de fin de mandat des politiques marocains. La distribution clientéliste des postes par le RNI pose un problème majeur aussi. Force est de constater que les programmes, les discours et les décisions économiques adoptées par le gouvernement d'Akhannouch laissent apparaître une absence patente de vision à long-terme dans le domaine économique. Bien que les thèmes économiques aient été placés au premier plan de la campagne électorale de 2021, l'incurie du RNI a renforcé des conditions socioéconomiques précaires héritées d'une décennie de gouvernance du PJD. Le PJD et le RNI sont deux frères siamois avec les mêmes méthodes : politique dédaignée et méprisée, éthique rapetissée aux mesures marchandes du comptoir, réclames vides payées en argent ou en poignées de main, lâchetés agenouillant les consciences devant les positions les plus confortables.