Les dirigeants prorusses de régions ukrainiennes occupées totalement ou partiellement par Moscou ont réclamé mercredi l'annexion à la Russie, au lendemain de référendums qualifiés d' »illégaux » par Kiev et ses alliés occidentaux, qui ont promis des sanctions. L'Ukraine a de son côté réclamé de nouvelles livraisons d'armes occidentales pour combattre la Russie, balayant ses menaces répétées d'utiliser l'arme nucléaire pour protéger les nouveaux territoires qu'elle entend incorporer. « Cher Vladimir Vladimirovitch (Poutine) (…) je vous demande d'examiner la question de l'adhésion de la République populaire de Lougansk à la Russie en tant que sujet de la Fédération de Russie », a déclaré Léonid Passetchnik, chef séparatiste de la région de Lougansk, dans l'est de l'Ukraine. Il a indiqué son intention de se rendre à Moscou, tout comme son homologue de la région voisine de Donetsk, Denis Pouchiline, pour formaliser l'annexion à la Russie. Deux lettres similaires ont été envoyées au président russe Vladimir Poutine par les deux chefs des administrations d'occupation de Kherson et Zaporijjia (sud de l'Ukraine), Vladimir Saldo et Evguéni Balitski. M. Saldo y invoque le droit d'autodétermination des peuples. Ces demandes interviennent au lendemain de référendums sur le sujet organisés par la Russie dans l'urgence, sur cinq jours, dans ces quatre régions qu'elle contrôle totalement ou partiellement en Ukraine. Les Occidentaux ont dénoncé cette escalade russe et promis de réagir, l'UE proposant notamment de plafonner le prix du pétrole russe et d'ajouter de nouvelles restrictions aux échanges commerciaux avec Moscou. Les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et le Canada ont répété mercredi qu'ils ne reconnaîtront « jamais » les résultats des scrutins, une promesse déjà faite par le G7 quelques jours auparavant. Moscou a de son côté assuré que les régions ukrainiennes occupées ont fait un « choix libre et conscient en faveur de la Russie », un « résultat logique » face à ce qui est présentée comme une répression programmée des russophones d'Ukraine par Kiev. Le scrutin a eu lieu bien souvent en présence de soldats en armes, avec des officiels qui faisaient du porte-à-porte pour récolter les bulletins. Les résultats annoncés mardi soir flirtent par endroit avec les 100% de « oui » à l'annexion. – Chars, avions et artillerie – Sur le terrain, Kharkiv, la deuxième ville d'Ukraine située près de la frontière russe, a encore été bombardée dans la nuit de mardi à mercredi, laissant 18.000 foyers sans électricité, sans pour autant faire de morts. Cette région russophone résiste et repousse les troupes russes depuis plus de sept mois, et ici on affirme haut et fort que les votes d'annexion ne changeront rien à la détermination ukrainienne. « Ce n'est pas légitime, ces votes. On croit en nos forces, on croit dans les forces armées ukrainiennes. Au final, la victoire sera à nous », martèle Denis Kotchkov, un cheminot de 30 ans. Dans la région russe de Belgorod, près de la frontière ukrainienne, 14 personnes ont été blessées dans une explosion de munitions liée, selon le gouverneur, à une « erreur humaine ». Malgré les menaces nucléaires de Moscou, l'Ukraine s'est refusée à déposer les armes, demandant au contraire aux Occidentaux d'augmenter leurs livraisons d'armes, essentielles à la contre-offensive qu'elle mène depuis début septembre et qui a permis de reprendre des milliers de kilomètres carrés aux Russes. Kiev veut « des chars, des avions de combat, de l'artillerie longue portée, des systèmes de défense anti-aérienne et antimissiles ». Les Etats-Unis ont annoncé mercredi débloquer 1,1 milliard de dollars d'aide militaire supplémentaire pour l'Ukraine, sous la forme de commandes d'armement à l'industrie de défense américaine. – Exode d'hommes russes – En Russie, l'annonce d'une mobilisation « partielle » pour la guerre en Ukraine la semaine dernière par Vladimir Poutine continue de provoquer un exode des hommes en âge de combattre vers les pays voisins, notamment la Géorgie, le Kazakhstan et la Mongolie. A la frontière avec la Géorgie, que franchissent chaque jour près de 10.000 Russes, selon Tbilissi, et où des files d'attente géantes se sont formées, la situation est telle que les autorités russes locales ont annoncé restreindre l'entrée des véhicules. Les autorités russes ont annoncé qu'elles ne délivreraient plus de passeports aux personnes mobilisées. La campagne de recrutement devant toucher des centaines de milliers de personnes se poursuivait, malgré les doutes pesant sur la qualité, l'expérience et l'équipement de ces troupes. Rencontrée mardi devant un centre de l'armée à Saint-Petersbourg (nord-ouest), Galina, 65 ans, dont la fille est traitée pour un cancer, dit que la mobilisation de son gendre est « encore un coup du sort » pour sa famille. La justice russe a ordonné de son côté mercredi l'incarcération de trois jeunes poètes qui avaient participé à une lecture littéraire contre la mobilisation. Sur le front économique, Moscou a réclamé une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU sur le « sabotage » des gazoducs Nord Stream reliant la Russie à l'Allemagne sous la mer Baltique, qui ont été tous deux touchés par des fuites spectaculaires précédées d'explosions sous-marines, d'origine inconnue. Les autorités russes ont ouvert une enquête pour « acte de terrorisme international » dans cette affaire.