Kiev réclame des armes lourdes L'armée russe continue de progresser vers Severodonetsk, dans l'est de l'Ukraine et Kiev, inquiet d'un risque de débordement, réclame davantage d'armes lourdes pour égaler la puissance de feu russe. Dans certaines régions de l'est de l'Ukraine où se concentre l'offensive russe depuis des semaines, « l'ennemi est nettement supérieur, en équipement, en nombre de soldats », a reconnu mercredi soir le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Mais les forces ukrainiennes « résistent à (cette) offensive extrêmement violente », a-t-il ajouté dans son message vidéo quotidien. « Nous avons besoin de l'aide de nos partenaires, et particulièrement d'armes », a-t-il plaidé, quelques heures après que son ministre des Affaires étrangères Dmytro Kouleba eut réclamé davantage d'armes lourdes. L'Ukraine souhaite recevoir des unités mobiles capables d'envoyer plusieurs roquettes simultanément. « C'est vraiment l'arme dont nous avons grandement besoin », a affirmé M. Kouleba après des discussions avec des responsables gouvernementaux et des chefs d'entreprises, dans le cadre du Forum économique de Davos (Suisse). « La bataille pour le Donbass ressemble beaucoup aux batailles de la deuxième guerre mondiale », a-t-il expliqué devant la presse. Certains villages et villes y « ont été réduits en ruines par les tirs d'artillerie russe, par des systèmes russes de lancement de multiples roquettes » — un type d'armes manquant à son pays, a détaillé le ministre. Les forces russes se rapprochent chaque jour un peu plus de Severodonetsk, dont la prise leur est indispensable pour contrôler totalement le Donbass, un bassin minier déjà en partie occupé par des séparatistes pro-russes. Elles sont assez proches pour pouvoir tirer au mortier sur la ville, peuplée d'environ 100.000 habitants avant la guerre, qui « est tout simplement en train d'être détruite », avec, déjà, des combats en périphérie, a assuré mercredi Serguiï Gaïdaï, le gouverneur de la région. Pour autant, selon lui la ville « n'est pas encerclée », contrairement à ce qu'a affirmé un responsable des séparatistes pro-russes. Environ 15.000 personnes s'y trouvent encore ainsi que dans les villages proches, malgré les bombardements incessants, a-t-il indiqué. Dans cette région, les villes sur la ligne de front se sont vidées de leurs habitants, les récalcitrants, souvent âgés, passant la plupart de leur temps à se cacher dans des caves. Comme dans la ville de Soledar, à quelques dizaines de kilomètres de Severodonetsk, où Natalia, 47 ans, est remontée à l'air libre « juste pour voir des gens ». « Nous avons besoin de savoir que nous ne sommes pas seuls et qu'il y a toujours de la vie par ici », dit-elle. Dans la ville voisine de Lysychansk, la police a pris le relais des services funéraires pour enterrer les morts, a encore dit M. Gaïdaï. Au moins 150 personnes ont dû y être enterrées dans une fosse commune, a-t-il ajouté. Selon la présidence ukrainienne, au cours des dernières 24 heures au moins trois personnes ont été tuées dans cette ville de la région de Lougansk, et quatre civils ont péri dans la région de Donetsk. Par ailleurs, dans la zone de Kharkiv (nord-est), deux personnes sont mortes dans le bombardement de Balakliya tandis que deux morts ont également été recensés dans le sud du pays, dans la région de Mykolaïv. « Les pays qui traînent des pieds sur la fourniture d'armes lourdes à l'Ukraine doivent comprendre que chaque journée qu'ils passent à décider, peser différents arguments, des gens sont tués », a martelé à Davos le ministre ukrainien des Affaires étrangères. 240 enfants notamment sont morts depuis le lancement de l'offensive russe, selon les services du procureur général Face aux inquiétudes quant à l'incapacité actuelle de l'Ukraine à exporter ses céréales en raison du blocage de ses ports par les Russes, il a fait état de discussions de Kiev avec les Nations unies sur la possibilité d'un passage sécurisé à partir du port d'Odessa. S'adressant par visioconférence à Davos, le président Zelensky a de son côté appelé mercredi ses alliés occidentaux à cesser de ménager la Russie ou ses intérêts. « Quoi que fasse l'Etat russe, il y a toujours quelqu'un pour dire: prenons en compte ses intérêts. Cette année à Davos, on l'a encore entendu », a-t-il déploré. « Nous devons faire tout ce est possible pour que (…) les intérêts des Ukrainiens ne soient pas supplantés par les intérêts de ceux qui sont toujours pressés de se précipiter à un autre rendez-vous avec le dictateur », a-t-il déclaré, sans nommer le président russe Vladimir Poutine. Plus tôt mercredi, il avait réclamé le « soutien d'une Europe unie », déplorant le manque de cohésion des Occidentaux face à cette guerre qui vient d'entrer dans son quatrième mois. Sur le front méridional, Moscou s'affaire à consolider son emprise sur les territoires conquis depuis trois mois. La Russie a ainsi annoncé qu'elle allait permettre aux habitants des régions de Zaporijjia et de Kherson de demander un passeport russe via « une procédure simplifiée ». L'Ukraine a aussitôt dénoncé une mesure démontrant la volonté de Moscou de mener une annexion pure et simple de ces territoires. « L'octroi forcé de passeports aux Ukrainiens à Kherson et Zaporijjia est une nouvelle preuve de l'objectif criminel de la guerre de la Russie contre l'Ukraine », a déclaré dans un communiqué le ministère ukrainien des Affaires étrangères. Sur le front diplomatique, le président du Conseil européen Charles Michel a déclaré qu'il restait « confiant » en un accord sur un embargo de l'UE sur le pétrole russe d'ici au début du Conseil européen lundi, malgré le blocage hongrois. De son côté, Dmytro Kouleba a indiqué jeudi sur twitter avoir eu sa première conversation téléphonique avec sa nouvelle homologue française Catherine Colonna et « être convenu avec elle de la nécessité d'intensifier la pression des sanctions sur la Russie, y compris un embargo pétrolier ». Une mesure indispensable selon Kiev qui a appelé mercredi à Davos la communauté internationale à « tuer les exportations russes ». À Davos également, le chancelier allemand Olaf Scholz s'est dit « convaincu » jeudi que la Russie ne gagnerait pas la guerre et que le président Vladimir Poutine ne serait pas autorisé à « dicter » la paix.