Les chefs d'Etat et de gouvernement occidentaux étaient engagés jeudi dans un marathon de réunions à Bruxelles pour coordonner leur action face à la Russie, dont les forces semblent s'enliser, un mois après son lancement de l'invasion de l'Ukraine. Trois sommets – Otan, G7 et Union européenne – s'enchaînent toute la journée, chacun accueillant une intervention en visioconférence depuis Kiev du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Dans la nuit de mercredi à jeudi, M. Zelensky a lancé un appel à manifester pour l'Ukraine à travers le monde, après avoir multiplié les discours devant les Parlements européens, américain, japonais. « Allez-y avec des symboles ukrainiens pour défendre l'Ukraine, pour défendre la liberté, pour défendre la vie! », a-t-il lancé via un message vidéo en anglais. « Retrouvez-vous sur les places, dans la rue, montrez-vous et faites-vous entendre! » « Le monde doit arrêter la guerre ». Il s'est également adressé aux Russes: « Si vous le pouvez, quittez la Russie et ne payez pas vos impôts pour cette guerre », a-t-il dit. Selon la Maison Blanche, les sommets de jeudi auront surtout pour but de consolider l'arsenal de sanctions déjà prises, éviter les tentatives de contournement de Moscou, et renforcer dans la durée le positionnement de l'Otan en Europe de l'Est. L'Otan va déployer quatre nouveaux groupements tactiques en Bulgarie, Roumanie, Hongrie et Slovaquie pour renforcer ses défenses contre la Russie sur son flanc oriental, a annoncé son secrétaire général Jens Stoltenberg. « Ce que nous aimerions entendre est que cette fermeté partagée que nous avons vue au cours du mois dernier durera autant qu'il le faudra », a déclaré Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale du président américain Joe Biden, arrivé mercredi soir dans la capitale belge et qui doit ensuite se rendre en Pologne vendredi. Washington doit par ailleurs annoncer jeudi « un ensemble de sanctions qui concernent à la fois des personnalités politiques » et « des oligarques », a fait savoir M. Sullivan. Dans une interview accordée au quotidien espagnol El Pais, le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba s'est inquiété d' »un certain ralentissement dans le processus de prise de décision de l'UE » ces « dix derniers jours », ajoutant que « ceux qui pensent qu'ils en ont fait assez se trompent ». Le président Zelensky a aussi appelé l'Otan à fournir des armes à son pays. « Nettoyez notre sol des envahisseurs et restaurez la paix en Ukraine », a-t-il imploré. Saluant la résistance « extraordinairement courageuse » des Ukrainiens, le Premier ministre britannique Boris Johnson a annoncé mercredi la livraison de 6.000 missiles antichar supplémentaires à Kiev. Londres a déjà livré à l'Ukraine 4.000 de ces armes. Le gouvernement britannique a aussi annoncé jeudi une nouvelle série de sanctions visant 59 personnalités et entreprises russes et six entités biélorusses. La Suède et l'Allemagne ont annoncé pour leur part la livraison à l'Ukraine de respectivement 5.000 et 2.000 nouvelles armes antichar. Les forces ukrainiennes ont déjà reçu 1.000 armes antichar et 500 lance-missiles sol-air de type Stinger pris dans les réserves de la Bundeswehr, l'armée allemande. Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a accusé la Russie d'avoir « commis des crimes de guerre en Ukraine ». « Nous avons vu de nombreux rapports crédibles d'attaques aveugles et d'attaques visant délibérément des civils, ainsi que d'autres atrocités », a-t-il déclaré dans un communiqué, en soulignant qu'il reviendra aux tribunaux de déterminer les responsabilités. Sur le terrain, au moins quatre personnes sont mortes, dont deux enfants, et six autres ont été blessées dans des frappes russes sur la localité de Roubijné, près de Lougansk, dans l'Est de l'Ukraine, a indiqué jeudi le gouverneur de la région, Serguiï Gaïdaï. Le gouverneur a ajouté que le bilan risquait de « s'avérer bien supérieur ». « L'aviation russe a commencé à larguer des bombes au phosphore sur Roubijné », a-t-il accusé. Zelensky avait affirmé mardi que près de 100.000 personnes étaient encore piégées dans les ruines de Marioupol, grande ville assiégée du sud du pays, « sans nourriture, sans eau, sans médicaments, sous des bombardements constants ». A l'hôpital numéro un, les patients sont soignés dans les sous-sols à la lueur des chandelles, avait indiqué mercredi le conseil municipal de la ville. « Les habitants du quartier Livoberejny commencent à être déportés massivement vers la Russie », a accusé jeudi le conseil municipal, affirmant qu' »environ 15.000 habitants de Marioupol sont visés par cette déportation illégale ». Ces accusations étaient invérifiables dans l'immédiat. Quelque 4,3 millions d'enfants – soit plus de la moitié de la population enfantine ukrainienne – ont dû quitter leur foyer pour fuir l'insécurité et les combats déclenchés par l'invasion de l'armée russe le 24 février, a indiqué l'Unicef jeudi. Selon Washington, l'offensive de l'armée russe piétine notamment dans les environs de la capitale Kiev. « Les Ukrainiens ont réussi à repousser les Russes à 55 km à l'est et au nord-est de Kiev », a déclaré à la presse un haut responsable du Pentagone ayant requis l'anonymat. Faute de réussir à s'emparer de grandes villes, l'armée russe continue de les bombarder de façon intense. L'état-major ukrainien a recensé 250 sorties aériennes russes mercredi, 60 de plus que mardi. « Les principales cibles de l'ennemi restent les infrastructures militaires et civiles dans les régions de Kiev, Tcherniguiv et Kharkiv », a-t-il indiqué jeudi sur sa page Facebook. L'invasion russe « s'enlise malgré toutes les destructions qu'elle provoque jour après jour », avait estimé mercredi le chancelier allemand Olaf Scholz. La marine ukrainienne a aussi affirmé jeudi avoir détruit un navire de transport de troupes russes ancré dans le port de Berdiansk, ville proche de Marioupol sur la mer d'Azov, première annonce de destruction d'un navire de cette taille. Le président russe Vladimir Poutine a commis une « grosse erreur » avec l'invasion de l'Ukraine dont il a « sous-estimé » la résistance, a affirmé jeudi Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l'Otan, avant l'ouverture d'un sommet extraordinaire de l'Alliance. « Le président (ukrainien) Zelensky va s'adresser aux dirigeants de l'Alliance et ils vont examiner leur soutien pour aider l'Ukraine à exercer son droit à l'autodéfense », a indiqué M. Stoltenberg.