Au 101è jour du conflit russo-ukrainien, Kiev affirme avoir fait reculer les forces russes dans Severodonetsk, ville clé de la région du Donbass où Moscou concentre son offensive dans l'espoir d'en prendre totalement le contrôle. Point de la situation sur le terrain. De son côté, la Russie affirme avoir rempli certains des objectifs de « l'opération militaire spéciale » qu'elle a déclenchée pour « dénazifier » l'Ukraine et protéger sa population russophone. « La victoire sera nôtre » a toutefois rétorqué le président ukrainien Volodymyr Zelensky vendredi dans une vidéo où il apparaît devant le bâtiment de l'administration présidentielle à Kiev avec plusieurs de ses collaborateurs. Après avoir été mis en échec devant Kiev, l'armée russe concentre désormais ses efforts dans le Donbass, à l'est de l'ukraine, pillonant sans relâche certaines villes dont Severodonetsk, enjeu d'une bataille acharnée depuis des semaines. C'est dans cette région que se joue désormais une « guerre d'usure », sur le long terme, a averti le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg. Selon la présidence ukrainienne, les combats faisaient rage vendredi matin dans le centre ville. « Les envahisseurs russes continuent de bombarder les infrastructures civiles et l'armée ukrainienne dans les zones de Severodonetsk, Borivsky et Lyssytchansk », a-t-elle précisé. Mais loin de l'emporter, les forces russes ne parviennent toujours pas à prendre totalement le contrôle de cette ville, selon Kiev. La prise de cette ville leur permettrait d'assurer leur emprise sur le Donbass, un bassin minier occupé partiellement par des séparatistes prorusses depuis 2014. Déluge de feu Les soldats russes ont même été contraints de reculer, a affirmé vendredi Serguiï Gaïdaï, gouverneur de la région de Lougansk. « Ils ne l'ont pas entièrement capturé. Et si auparavant, on avait une situation difficile avec environ 70% (de la ville) capturée, actuellement ils ont été repoussés de 20% », a-t-il dit, en dépit d'un déluge de feu. « Ils bombardent nos positions pendant des heures, puis ils envoient une compagnie de soldats fraîchement mobilisés, ils meurent, ils comprennent alors qu'il y a encore des foyers de résistance, et ils recommencent à bombarder. C'est ce qui est en train de se passer au quatrième mois » de guerre, a expliqué Gaïdaï. Et à l'instar du président ukrainien, il réclame des armes lourdes pour, dit-il, faire reculer l'artillerie russe loin des positions ukrainiennes, et éviter ce qui s'est produit à Marioupol. Ce port stratégique sur la mer d'Azov (sud-est) conquis le 20 mai a été dévasté par les bombardements. « Pendant ces cent jours (de guerre), les forces d'occupation ont presque réduit Marioupol en cendres », a ainsi dénoncé vendredi son maire Vadym Boychenko. Résultat: « plus de 22.000 civils tués, 1.300 immeubles détruits et 47.000 personnes déportées en Russie » ou dans les territoires sous contrôle des séparatistes prorusses, a-t-il affirmé. Les forces russes bombardent aussi intensément la région de Donetsk, notamment Sloviansk, à quelque 80 km à l'ouest de Severodonetsk. Les habitants de la région manquent de gaz, d'eau et d'électricité, selon Kiev. Résistance à Kherson Dans le Sud, les Ukrainiens s'inquiètent d'une possible annexion des régions conquises par les forces russes, Moscou évoquant des référendums sur le sujet dès juillet. Mais selon le commandement sud des forces armées ukrainiennes, les Russes rencontrent une très forte résistance de la part de la population. « Les occupants ont peur de la résistance croissante au sein de la population locale dans la région de Kherson », première ville ukrainienne d'importance conquise au début de l'offensive russe, a affirmé dans la nuit de vendredi à samedi le commandement sud. Depuis le début de la guerre il y a tout juste cent jours par Vladimir Poutine, son armée a triplé la portion de territoire ukrainien qu'elle contrôle: avec la péninsule de Crimée et les territoires occupés du Donbass et du sud de l'Ukraine, la Russie contrôle désormais près de 125.000 km2, selon le président Zelensky. Sur le front diplomatique, les 27 pays de l'UE ont péniblement approuvé jeudi un sixième paquet de sanctions contre Moscou incluant un embargo, avec des exemptions, sur les achats de pétrole, qui sera effectif dans les six mois. Le texte a été publié vendredi au Journal officiel et est officiellement entré en vigueur. « Les consommateurs européens seront les premiers à souffrir de cette décision (...) Je n'exclus pas qu'il y ait un grand déficit de produits pétroliers dans l'UE », a affirmé le vice-Premier ministre russe chargé de l'Energie, Alexandre Novak. L'inquiétude grandit également concernant les approvisionnements en céréales, les Nations unies affirmant négocier avec Moscou pour permettre leur exportation. « Je suis optimiste sur le fait que quelque chose pourrait céder », a affirmé Amin Awad, coordinateur de l'ONU pour l'ukraine, qui dit espérer une « avancée ». Risques de crise L'ONU est inquiète des risques de crise, particulièrement en Afrique qui importe plus de la moitié de ses céréales d'Ukraine et de Russie. Leur prix en Afrique a déjà dépassé les niveaux atteints lors des crises du printemps arabe en 2011 ou lors des émeutes de la faim en 2008. Des inquiétudes balayées d'un revers de la main par Vladimir Poutine. « Il n'y a pas de problème pour exporter les céréales d'Ukraine », a-t-il déclaré dans une interview télévisée, évoquant plusieurs moyens de les exporter via des ports ukrainiens, d'autres sous contrôle russe, ou via l'Europe centrale et orientale. Le président en exercice de l'Union africaine (UA) et chef de l'Etat sénégalais Macky Sall s'est dit quant à lui « rassuré » vendredi après sa rencontre avec le président russe. « Nous sortons d'ici très rassurés et très heureux de nos échanges », a déclaré Sall aux journalistes à l'issue de cette rencontre à Sotchi (sud de la Russie), ajoutant avoir trouvé le président russe « engagé et conscient que la crise et les sanctions créent de sérieux problèmes aux économies faibles, comme les économies africaines ».